Le gars du banc

Lou

Une petite nouvelle inventée parce que ca fait longtemps!

Il est souvent là quand je sors de l'école, que maman me prend au vol dans sa twingo grise et quand elle passe devant le parc ouvert. Au loin, je le vois, assit sur le dossier du banc, les pieds sur les lattes en bois, la tête basse, la capuche rabaissée comme s'il avait honte de lui. Comme s'il voulait se cacher, se cacher du reste du monde, des gens qui passent, de la société. Comme s'il voulait se fondre dans la masse.

Il a les mains sur les genoux, il ne bouge pas. Ses doigts sont fins, ses ongles, inexistants, sa peau est mate. On dirait des mains de jeune fille. Que fait-il avec? Je n'en sais rien. Entre son majeur et son index il tient un cigarette. Une clope. Un mégot. Une cibiche. Une tige allumée qui meurt entre ses deux doigts, la fumée s'envole vers le ciel et lui ne fait rien. Il ne la met même pas dans sa bouche. Il la laisse, pendante. 

La nuit l'entoure, l'enveloppe, le mange. La lune est haute dans le ciel sombre, les étoiles scintillent. Le vent souffle entre les branches nues, les feuilles tourbillonnent autour de son corps immobile. 

Qu'attend-t-'il? Je ne le sais pas. Je ne fais que passer, en quelques secondes, de loin, et je le vois, ce garçon du banc, tous les soirs, statufié. Il attend. Il attend quelque chose qui n'arrive pas.

Un jour, je suis allée le voir. Moi, avec mon manteau remonté jusqu'au cou, mes cheveux roux et mes lunettes noires. Je me suis avancée a pas de loup. Il a relevé la tête et j'ai vu passer dans ses iris noirs d'abord l'espoir, puis le découragement et l'épuisement. Je n'étais pas celle qu'il attendait. Il a rebaissé son crâne, silencieux.

***

-Qui attends-tu?

-Quelqu'un.

-Qui?

-Une personne qui m'est chère.

-Je peux aller la chercher si tu veux, cette personne qui t'es chère!

-Pourquoi ferais-tu ca? Je ne te connais pas.

-Je suis comme ca.

-... Non tu ne peux pas aller la chercher.

-Pourquoi?

-C'est ma soeur que j'attends.

-Et?

-Elle est morte il y a un an. Ici. Écrasée par une voiture. Tu ne peux pas aller la chercher, tu vois.

Sans parler je me suis assise à ses cotés, sur le dossier. Et nous avons regardé la nuit, sans bouger. Sans parler. Sans pleurer.

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