Le grand âge.

Hervé Lénervé

N’est vieux que celui qui démissionne.

J'ai rencontré des personnes âgées d'une lucidité déconcertante, avec un esprit de synthèse vif et brillant.

Tenez l'exemple de ce docteur de quatre-vingt-douze printemps, qui exerçait encore la médecine.

Bien sûr, certaines mauvaises langues diront qu'on ne doit pas faire amputer un patient sur de vagues suspicions de gangrène. Elles n'étaient pas là, pour juger sur place, toutes ces mauvaises langues. Puis quelle idée, aussi, ont tous ces jeunes de se faire tatouer les mollets, de nos jours, la confusion est subtile.  

D'ailleurs son père qui était chirurgien, lui, a continué à opérer jusqu'à ses quatre-vingt-dix-neuf ans. Après, il a été obligé d'arrêter, car il est parti en prison. Putain, on peut dire qu'il en a tué du malade, lui ! On l'appelait le serial killer du bistouri. Quand il entrait au bloc, même les monitorings tremblaient plus que ses mains.

Et cet ancien entretien avec un pilote de ligne qui pilotait encore à cent deux ans, il avait toujours menti sur son âge. D'ailleurs tous ses confrères disaient de lui : « c'est incroyable Jean Momie il ne fait pas son âge ! Il fait beaucoup plus. » Il a été jusqu'au bout de ses rêves et a tenté de réaliser un looping avec son Airbus A 380, à 380 degrés. Il est mort, comme il l'avait toujours désiré, en plein ciel avec quatre-vingt-seize passagers, plus l'équipage.

Je pourrais continuer à citer moult autres exemples qui démontrent que le grand âge avancé… vers la moisissure, n'est pas un handicap à la réalisation de grandes choses. Le gâtisme, la senescence ne sont des obstacles à la représentation de soi  que si les autres ne veulent pas jouer le jeu.

Restez donc vous-même jusqu'au bout du bout et continuez à exercer coûte que coûte, il n'en coûtera qu'aux victimes collatérales. Mais que sont ces quelques pauvres morts corollaires face à la poésie du geste.

Signaler ce texte