Le grand baroudeur.

Il m'a foutu la banane dès que je l'ai aperçu. Avec sa coupe et sa barbe hirsute. Le prototype de l'écossais. Roux et jovial. J'avais faux sur toute la ligne. C'était un pur produit de York.

Tout a commencé par un billard et quelques bières. On avait parlé de nos vies et des quelques kilomètres qu'on avait pu parcourir. Il me faisait rire à parler à toutes les petites qui passaient. Elles avaient toutes l'air d'apprécier. Il avait cette aisance déconcertante. Même pour quelqu'un comme moi, qui avait toujours eu le contact facile. Du coup le groupe s'est peu à peu agrandit, au fil des heures, et les gobelets commençaient à s'entasser. Il nous racontaient des histoires de trains. Parce que quand même c'était chez lui qu'on avait construit la toute première gare. Il chantait aussi. Sans aucune pression il prenait le micro pour donner vie aux paroles de monsieur Cash. C'était le genre de type qui se contrecarrait royalement du regard des autres. Le genre de type qui avait vu un bon bout de pays et qui le partageait avec passion.

On s'est vite rendu compte que nos chemins s'étaient souvent croisés. D'un bout à l'autre de notre petite planète. Qu'il s'en était souvent fallu d'un rien pour se retrouver dans le même dortoir d'auberge ou assis côte à côte dans un long courrier. Mais le hasard avait décidé que ce serait ici. En capitale catalane, à argumenter sur les tournants qu'on avait bien voulu suivre, autour de quelques blondes bien fraîches. À se dire que c'était tout de même un bien petit monde. Et qu'on se croiserait probablement de nouveau un jour. Et si ce n'était pas le cas et bien on avait tous les deux bien aimé cet échange. 

Au petit matin il avait pris la tangente. Il était repartit sur les routes. En laissant sur le lit qu'il occupait un petit bout de papier. « It was really nice to meet you mate ». Et son nom. Qu'on puisse continuer cette conversation si un jour on se croisait à nouveau. 

On parlera sans doute des nouvelles choses qu'on aura appris au cours des derniers kilomètres parcourus. On partagera encore. Parce que c'est quand même ça la vie, vous croyez pas? 

En tout cas c'est ce qu'il pensait lui, ce grand baroudeur.