Le jardin des possibles

hel

4/...

De d à h

d.

Alex ondule.
Des brassées d'épines et de roses ondulent sur ses hanches. Un tatouage de huit ou dix heures.
"J'ai douillé un peu quand même."
Alex aime avoir mal, un peu, je crois.
Je me demande à l'endroit de ses seins absents. Mais sans doute que ce n'est pas que ça, ce n'est jamais que ça de toute façon.
Alex danse nue, presque, sous les lumières blanches d'un appartement bourgeois, grands plafonds, vermoulures, cheminées marbrées, parquet qui craque, qui scintille un peu par endroit, qui donne envie de s'allonger contre le bois. Tapis, tentures, bric à broc de bout de monde, estampes, bouddha aux quatre coins.
Je ne sais même où ni chez qui.
Alex ensorcelle, entortille. Quelque chose dans son sourire, dans ses ondulations, dans un je-ne-sais-quoi d'être, de façon de se mouvoir, de dire, de rire, qui dépasse les balafres violacées.
On ne sait pas, alors on se tait. Et Alex brille.

e.

Le corps a une mémoire. Inévitable. Il se rappelle.
Tôt ou tard, même si on espère tard très tard.

f.

Je croise la grande Duduche au grand jour.
Je ne l'avais jamais vue que dans la nuit.
Contraste saisissant mais peut-être pas tant.
Le soleil perce au-dessus, fort déjà, qui rend tout plus sale. Les sensations sales aussi. La peau qui poisse l'intérieur qui poisse aussi, le rimel de la veille épaté aux yeux, qui colle aux cils.
Pas dormi, déboulée de l'appartement, ivre encore, et là le soleil, l'engourdissement du corps, les pensées qui flottent, qui se percutent au-dessus de la foule des passants.
On se sert soi même, les bras comme ça à tâtons autour du corps qui frissonne malgré l'air léger et les manches courtes et les sourires des autres. Pas un regard, personne. Juste le froid et la grande Duduche.
J'accepte le café.
Je fixe les mains de la grande Duduche, toutes agitées, rose nacre qui brille, la bouche qui s'agite.
Quelque chose de presque gentil, qui s'évanouit assez vite en fait. Sa façon de sonner le garçon de café, de jeter ses pièces, de se tenir plus droite que droite comme si sa tête voulait dominer toutes les autres.
C'est juste qu'il n'y a qu'elle pour chasser le froid, qu'elle à ce moment là.
On doit aimer un peu ce qui réchauffe, sans raison autre que le froid insupportable, je sais pas.
Ça doit ressembler à ça le désespoir.

g.

Le sang est noir. Un noir d'encre.
L'idée germe que le corps rend les mots retenus, qu'à sa façon il se libère. Quelque chose comme ça.
Ça se pourrait, ça parait même pas si fou.
L'idée amuse, séduit. Ça parait plus beau la réalité planquée sous l'image. C'est plus beau.
Je note la phrase dans un cahier à gros carreaux et à mille taches de café, corné aux coins, et dont la couverture ressemble à une vieille mer toute fripée à force d'avoir été bringuebalée par le flot de mes mouvements, de mes oublis aussi. Tout ça pour trois gribouillis et tout vierge encore.
Le temps qui passe est incolore.
Même pas du temps qui passe.
Donc j'écris.
Puis je rature. Noir sur noir.
Trop phrase qui se pose, qui se tripote, alors que dans l'instant où elle est venue, non pas du tout.
La gène.
L'encre s'écoule, je ferme les yeux.
Cela ne chasse rien. N'arrête rien.
Parfois je me prenais pour une supère héroïne comme ça, du genre si tu fermes les yeux, que tu serres les dents et que tu te laisses pas abattre, ça passe, tout passe. Et puis au pire tout s'arrête.
Alex dirait : " enfin, putain !"
Mais tout passait, ça entretenait le délire.
Je suis forte. Le cœur très effritable, mais super-trop-méga-forte.
Alors j'attends que ça passe.
Je dessine des nénuphars et des fleurs de lotus, et encore de grandes vagues sur l'espace vierge.

h.


Alex dit :
" On est des petites filles, on reste des petites filles.
Les petites filles ne grandissent pas, jamais. C'est faux.
Les petites filles s'ouvrent grand les bras et se font des bisous d'amitié sur la bouche.
Elles se promettent tout grand, tout éternel, tout très fort pour toujours et à jamais et se le tressent aux poignets, se le gravent dans les paumes de sang mêlé.
Elle s'aiment les petites filles.
Les petites filles sont cruelles.
Les petites filles deviennent des princesses toutes froissées. Froissées pour toujours et à jamais.
Elles veulent la première place, la plus belle robe, le plus du plus pour toujours et à jamais.
C'est quand elles s'ombragent qu'elles se déchirent.
De vraies connes, ces petites filles je te jure. "
Nous sommes dans le sous-sol du Papatayo, sur les banquettes rouges, enfoncées.
Deux jeunes femmes s'écharpent sur la piste, la grande Duduche en est  toute coite dans un coin qui agite les paupières avant de courir, ou voler qui sait, alerter Sonia.
Elles sont arrivées bras dessus, dessous, bras grands ouverts l'une à l'autre.
Elles se frappent à coups de talons.
Alex dit que faudrait qu'on lui explique en quoi avoir eu un nœud rose sur la tête et un jeu de marchande, ça donne ça.
"— On est des petites filles alors…
—  Non, nous on a pas de sexe. On gardera les bras grands ouverts. On est plus là déjà. On est un peu des anges comme ça…
Elle dessine des choses dans l'air du bout des doigts.
— Sauf qu'on a plus d'ailes, que des cicatrices. Coincées dans ce bordel tu vois ?"
Alex est une marguerite aux pétales froissés, le nez tout plein d'un drôle de pollen.
Ce qu'elle dit elle le pense  : un peu, beaucoup, à la folie, passionnément, pas du tout.
J'aime Alex passionnément.
Le gros problème de mon attirance toujours vers ce qui me fait plonger.
Mais quand je suis au-dessus de la cuvette, Alex ne m'y plonge pas la tête, elle me tient les cheveux. Elle me caresse les cheveux, respire dans mon dos. Douce.
Alors…
Sonia, elle doit pas aimer les petites filles.
Elle leur claque une mandale chacune, avant de les foutre dehors.
Sonia, c'est une drôle de princesse.
 

  • Merci Hel et j'oubliais, la vidéo est totalement raccord avec le texte :)

    · Il y a presque 7 ans ·
    W

    marielesmots

    • Oui j'écoutais ça ce matin, avant, et au moment de "tainlain" illumination" j'ai trouvé que ça collait bien au niveau des paroles.

      · Il y a presque 7 ans ·
      Avat

      hel

  • Je te sens bien en forme :) tu décortiques bien :) c'est jouissif à souhait , garde le cap, parce l'on se régale, Merci Mamz'Hel

    · Il y a presque 7 ans ·
    W

    marielesmots

    • J'en suis à x pour de vrai là j'ai écris le w ce matin donc j'ai un peu d'avance hu hu mais j'essaie de me coller des coups de pied sinon super contente que ça te plaise toujours et merci d'être toujours là toujours un petit mot

      · Il y a presque 7 ans ·
      Avat

      hel

  • j'aime ton écriture, fond, forme.
    un abrazo

    · Il y a presque 7 ans ·
    Tomba

    Jaunie

    • Bah ça me fait très plaisir merci :)

      · Il y a presque 7 ans ·
      Avat

      hel

    • sincère :)

      · Il y a presque 7 ans ·
      Tomba

      Jaunie

  • Quelqu'un a bien fait de me conseiller de vous lire :)

    · Il y a presque 7 ans ·
    275629861 5656871610996312 6495493694404836520 n

    Mario Pippo

    • Merci. (d'avoir lu)
      Et merci quelqu'un.

      · Il y a presque 7 ans ·
      Avat

      hel

    • Quelqu'une ?

      · Il y a presque 7 ans ·
      Avat

      hel

    • Allez savoir :)

      · Il y a presque 7 ans ·
      275629861 5656871610996312 6495493694404836520 n

      Mario Pippo

    • Bon je vais ronger mon os de curiosité alors ( pas ma main ni celle d'aucun cadavre hein un os métaphorique)

      · Il y a presque 7 ans ·
      Avat

      hel

    • Les castors rongent pour bâtir :)

      · Il y a presque 7 ans ·
      275629861 5656871610996312 6495493694404836520 n

      Mario Pippo

Signaler ce texte