Le jardin des possibles

hel

6/...

De o à s

O.

Le retour à soi, c'est la conscience du groupe.
La conscience de la noyade "du soi" dans le groupe, mais le groupe a peut-être bon dos.
Juste que nous en étions devenus  frères et sœurs de sang mêlés, à se donner raison, à se flatter,  se papouiller, se tripoter, sans désir autre que l'habitude, incestueux presque à force de proximité. Dans les mots surtout, les attitudes, les façons de se pencher les uns sur les autres. Les façons de tourner toujours sur les mêmes pistes, même codes, même langage, même boucles, jusqu'à l'asphyxie.
On croit des remparts le temps que ça dure, des nids où se lover.

Le loin du loin ramène à soi.
Quand je regarde après, quand j'y pense, quelque chose me rappelle qu'heureusement je fuis.
Qu'il y a ce quelque chose masochiste au fond, masochiste profond, mais qui me sauve.
La fuite.

Il faudrait déménager de soi tous les jours. Bousculer l'ordre dans les choses.
Je retourne à moi, au studio sous le toit, et je continue à fixer la photo d'Edouard sublime, dansant sur les tables. Et puis je regarde tout autour, sacs, cartons, vague contours de vie, rien d'installé.
Je vis dans la baignoire.

P.

J'appelle Henri depuis la baignoire.
Tard dans la nuit, ou peut-être tôt entre la nuit et le matin.
Dans tous les cas c'est indécent. D'appeler Henri à cette heure, d'appeler Henri depuis ma baignoire.
Aussi que j'attends d'abord d'entendre sa voix avant de parler, j'attends qu'il parle ce qui défie l'ordre des choses établies en cas d'appel passé au beau milieu de la nuit : celui qui passe l'appel est censé s'expliquer si possible doucement et intelligiblement.  
Je crois que c'est assez jeune que j'ai associé les appels de nuit à la mort, aux accidents, aux cris, aux terreurs.
J'ai cette image quand j'y pense. Cela me permet de comprendre aussi pourquoi Henri n'a pas été ravi ravi que je l'appelle pour de rien. Alors j'ai raccroché.

Q.

Je suis restée dans l'eau jusqu'à ce qu'elle ait tiédi, ensuite j'ai voulu écouter toutes les chanson de Joan Baez jusqu'à ce que quelqu'un tape fort sur la tuyauterie, très, trop vite, ce qui m'a limitée à Diamonds & rust pour le coup, mais au final cela, additionné d'un fond de vodka qui a eut la bonne idée de m'attendre, a fini de m'achever.
Je me suis trainée sur le matelas en me demandant si Henri s'était rendormi, si Henri était fâché et si oui s'il me pardonnerait et s'il me pardonnait le ferait-il vite ou non (et quelle durée "vite" pouvait représenter à son échelle de mesure), si l'invitation d'Henri tenait encore le coup, si Henri m'avait supprimé de ces contacts et avait bloqué mon numéro dans la foulée, si Alex et Edouard avait fait de même où s'ils me cherchaient quelque part où je n'étais pas, pourquoi étais-je partie finalement, avec combien de gens et à quelle vitesse je pouvais me froisser, si c'était de ma faute, de la leur, celle à personne, pourquoi toujours tout est si compliqué etc…etc…
 

R.

Ce n'est pas décent d'appeler Henri au beau milieu d'une troisième nuit, et sans raison.
L'envie est là pourtant, qui ne se comprend pas elle-même, comme une démangeaison, qui persiste.
J'essaie de comprendre, mais mes pensées restent accrochées à l'envie. Juste ça.
Parfois c'est comme ça, mes pensées et moi, on se tourne le dos.
Je ne sais pas si ça tient de la peur ou d'un aveu.
Je ne sais pas pourquoi l'envie me prend uniquement en pleine nuit.
Peut-être est-ce le souffle de cette femme, le souffle d'un fantôme, de vouloir s'y confronter, qui me hante un peu.
Ce que l'on ne s'avoue pas, ressurgit toujours quelque part, ce que l'on ne comprend pas encore, aussi.

Sonia aussi m'appelle pleine nuit.
Je ne réponds pas je fais la morte, et je sais si bien le faire que parfois j'arrive à m'en convaincre.

s.

J'essaie d'inverser le cours des choses.
Le cours de ma chute, lente, lente, lente.
Terrible aussi, parce que le temps se traine et que je peux en éprouver chaque minute, et de là chaque seconde.
Mais inverser, cela veut dire reprendre le cours d'une vie, je ne sais plus laquelle et si je regarde ces derniers mois, il n'y a que des nuits. J'ai perdu le goût de la lumière, je ne sais plus, elle me fatigue. Tout est plus criard, tout m'aveugle. Les bruits du jour plus assourdissants, aussi.
Je ne sais pas non plus où aller, qui voir, à qui parler.
Tout tournait autour d'Alex, d'Edouard, du Papatayo, et d'une poignée d'autres, endroits, gens, tout confondu parce que sans réelle importance, sans empreintes, rien que des éphémères, qu'il n'en restera rien et que je ne prends pas la peine du détail de tout ce qui ne compte pas vraiment.
Je me figurais cette fête permanente, et maintenant que j'ai arrêté de tourner, je ne vois que du vide permanent. Et cette illusion belle le temps qu'elle a duré, qui restera belle de toute façon, mais qui n'est que du vent.
Alex doit continuer de tourner, de briller épines et fleurs mêlées.
Edouard danse sur d'autres tables.
La grande Duduche sûrement en poste sur son tabouret.
Sonia…elle n'insiste plus.

Il ne me reste que l'été sous les toits, la chaleur étouffante, l'incapacité à ne rien faire,  l'idée de la villa d'Henri, et ma baignoire. Quatre petits jours de juillet encore.

  • Je sais que tu as besoin de cela, je te connais bien, tu n'en es pas à ton d'essai :) il faut ces petites coupures ... pour que l'on reste sur sa faim :)

    · Il y a presque 7 ans ·
    W

    marielesmots

    • ;)

      · Il y a presque 7 ans ·
      Avat

      hel

  • T... pour Tout à fait d'accord... J'irais dans la villa d'Henri.

    · Il y a presque 7 ans ·
    Philippe effect betty

    effect

    • Z comme zut, va falloir avaler encore quelques lettres.

      · Il y a presque 7 ans ·
      Avat

      hel

    • Oups un mot m'a échappé... j'irai jamais dans la villa d'H....

      · Il y a presque 7 ans ·
      Philippe effect betty

      effect

  • Sur un fond beaucoup plus grave, tu restes fort drôle et toujours aussi talentueuse dans tes analyses, merci à toi de continuer de nous enchanter. . On en a pour notre argent :) merci Hel

    · Il y a presque 7 ans ·
    W

    marielesmots

    • J'hésitais un peu à reprendre cette partie avant de la livrer, l'impression qu'elle se traine un peu, mais bon si je commence à retoucher en amont, je vais pas avancer, je crois que j'ai besoin de tâtonner parfois pour avancer peut-être un coup de pinceau magique plus tard si j'ai une illumination, mais du coup je réfléchis à bien garder des ruptures de tons, que se soit pas mélancolico tragique malgré moi, ah ah merci de me rassurer en tout cas.

      · Il y a presque 7 ans ·
      Avat

      hel

Signaler ce texte