Le jour où je me suis mise à aimer le marron.

Alors tout d'abord mettons en contexte ce titre singulier. On s'enlève de l'esprit nos petites noix du temps des fêtes pour se tourner vers notre palette de couleurs.

On connaît tous le fameux dicton, « Les goûts et les couleurs ne se discutent pas ». En somme j'aime le rose, toi le marron, c'est mon choix et toi le tien, la conversation s'arrête là. Evidemment que le contexte culturel et social on leur part dans notre petite synthèse des couleurs.

Je viens d'une petite île située dans le sud de l'Océan Pacifique, Tahiti en Polynésie Française. Tout petit on grandit dans un festival de couleurs, les imprimés floraux et motifs polynésiens font partis intégrante de notre vie, littéralement. Ils sont la représentation de notre culture, de notre "MANA" (force de vie, force de caractère….). La maison de ma grand-mère en est un parfait exemple, la maison typique polynésienne. Des draps, aux taies d'oreillers, au sofa, aux rideaux, en passant par la table à café, la table à manger, aux armoires. Tout les meubles étaient vêtus de nos tissus les plus chatoyants, de quoi assécher la palette de couleurs de Gauguin.

Sur la même note, même bébés ont est tous ressortis avec notre petit patchwork polynésien, confectionné par les doigts de fée de mamie. Rentrées d'écoles, fêtes d'écoles, à mes poupées Barbie tout le monde y passe et a droit à sa petite tenue polynésienne.

Le plus drôle c'est qu'une fois à l'étranger on essaye de recréer cette ambiance chaleureuse. Mon petit 3 ½ ressemble presque au petit "FARE" (maison) de ma mamie. Mes meubles IKEA font bois neuf, chez nous on ne se prend pas la tête pour la couleur des meubles, nos tissus habilleront le tout.

Faire les boutiques aussi c'est toujours, une découverte, une surprise, un choc des cultures. Une autre particularité à Tahiti, on ne s'inquiète déjà pas pour la couleur du mobilier alors pour les vêtements on fait simple. Le Larousse du vêtement peut prendre la poussière.

Le polynésien a le sens de la famille, la famille à prendre au sens large. On prend le même concept pour les vêtements. On retiendra juste trois grandes familles pour simplifier notre quotidien. Le TRICOT, Le PANTALON et le PULL. Prenons le T-SHIRT, qui devient chez nous un TRICOT, tout ce qui ressemble à cet habit aux manches courtes, devient un TRICOT. Pas de distinction entre T-shirt en col V, col rond, T-shirt graphique, T-shirt boyfriend… tous dans le même sac. Encore plus facile, un habit à manches longues, là ça devient un PULL, sweatshirt, cardigans, chandails, gilets… ils tiennent tous chaud et couvrent jusqu'aux avant bras alors on les met sous la même famille. Pareil pour les pantalons, un PANTALON vaut pour un jean, un khaki, un joggpant. Pour le reste c'est du gâteau, le plus gros est placé.

Ce qui est le "fun" d'habiter un autre pays, c'est la découverte des saisons et avec les collections de vêtements. A Tahiti on en a qu'une seule, l'éternel maillot de bain et le short de surf, 365/365 jours. Alors imaginez la migraine que j'ai eu en faisant les boutiques sur Montréal. Il fallait bien revoir la garde-robe, je n'aurais jamais survécu l'hiver canadien avec mon PULL. J'ai cherché en vain un PULL qui couvrait jusqu'au nombril, sois j'étais bien trop grande ou bien le fabricant avait dû jeté l'éponge en cours de route. On m'a conseillé une paire de jean, celui–ci couvrait tout le nombril, le fameux jean taille haute. Je me suis regardée dans le miroir je ne me suis plus reconnue. Bon à défaut je me suis dit que la tenue allait passer avec d'autres couleurs un peu plus chaudes ou des motifs floraux. Je retourne sur le plancher, encore une fois c'est peine perdue. Pas de fleurs, pas de rouge, orange, jaune ou rose mais à la place du noir, gris, bleu marin, vert kaki, jaune moutarde et marron.

Jusque là je ne connaissais que les couleurs estivales à Tahiti. Bienvenue en Amérique du Nord, pour chaque saison, ses couleurs, ses motifs et ses matières. Cela va sans dire que ma préférée de toutes reste l'été. Mon porte monnaie n'a qu'à bien se badigeonner de crème solaire, le soleil va taper très fort.

C'est toujours un moment réjouissant lorsqu'on fait les boutiques avec des amies, elles aussi viennent de Tahiti. L'été on se rue automatiquement sur les tenues aux imprimés floraux, ceux avec des cocotiers ou encore des oiseaux. Le plus drôle c'est que ceux là n'ont pas toujours la côte à l'étranger, un peu trop fantaisistes ou vieillots dit-on. La plupart finiront aux oubliettes des liquidations pour notre plus grand bonheur.

Du coup cet hiver faudra faire avec les couleurs qu'il y a. Le noir ça passe, le gris aussi, le bleu marin et vert kaki encore mais pour le reste impossible je ne porterais pas du marron  "no way !".

Et puis cinq années passèrent, je connais mon Larousse du vêtement par coeur. A moins que je sois restée un peu trop longtemps au Canada et que ma rétine soit maintenant saturée par ces couleurs hivernales, mais ce PULL marron au final il a un petit quelque chose.