Le lecteur révolté

Paul Robert De La Fauvellerie

Il avait toujours aimé écrire. À l'écouter parler, il n'était fait que pour ça.
Dès sa prime enfance, il était plongé dans les livres car, même s'il n'arrivait pas encore à les déchiffrer, ils lui paraissaient plus beaux que le réel. La vraie vie avec les copains/copines et les jouets en plastique l'ennuyait à vrai dire, et même le fatiguait par son manque d'imagination. Il était de la génération 80 où il fallait avoir le dernier Transformer pour être crédible dans la cour de récré et se faire un tas d'amis. Il trouvait cet univers si moche qu'il choisît l'isolement, la solitude parmi tous ces gamins obsédés par la laideur plastifiée. Et choisît aussi les livres.
Plus tard, à l'école primaire, un jour, un autre petit garçon vînt vers lui et lui demanda pourquoi il aimait rester seul. Il ne sût que répondre, paradoxalement il ne savait pas mettre de mots sur son état d'esprit. L'autre garçon s'empressa de le traiter de "débile", "d'anormal", et cette réputation le suivit pendant toute sa scolarité dans un établissement catholique bon teint (primaire et secondaire) où l'on professait les "valeurs" du bon Jésus entre deux matières imposées par l'Éducation Nationale impie... Il avait pourtant de bonnes notes, surtout en français où il atteignait la note de 20/20 régulièrement en dictée. Et la réputation de "débile" se transforma en "sale intello". Il fût régulièrement l'objet de brimades, de vexations, voire de coups gratuits. On tenta même de l'étrangler une fois. Il ne répondait pas car sa mère, dans ce qu'elle pensait être de la sagesse, lui avait dit de ne pas céder à la tentation de la violence. De plus, il croyait en Dieu "Quand on te frappe sur une joue, tend l'autre joue", il vécut sa scolarité selon ce principe et continua de subir ces outrages sans broncher. Mais le corollaire de tous ces événements était qu'une haine féroce lui tiraillait les viscères, lentement mais sûrement. Et dans le cortège de la haine, se tenait ce qui allait devenir sa marque de fabrique : l'orgueil.
À l'adolescence, cette cocotte-minute se transforma en véritable pétaudière... La haine et l'orgueil avaient fini de le faire basculer dans un état d'esprit que l'on peut qualifier de malsain (du moins selon les critères de la société). Il commença par écrire sa haine et sa révolte dans des espèces de journaux intimes, puis l'exprima verbalement (enfin!) malgré les injonctions de ses parents qui ne comprenaient pas ce changement radical de personnalité. D'être doux, il devînt violent et enragé, et s'engagea dans la révolte contre tout. Car il haïssait tout. Il n'y avait pas de réelle cohérence dans sa démarche, mais il s'en fichait éperdument. Il envoya valdinguer le petit Jésus et ses croyances. Il écrivît, chose qu'il faisait le mieux, des textes où ne s'exprimait que rancœur . Il tâta de la drogue aussi (cannabis, LSD, et autres) et se mît à boire beaucoup d'alcool. Clichés d'une adolescence révoltée, me direz-vous? Non, sa réalité... Où il s'enferma, aidé par quelques lectures d'auteurs anarchistes. Il se reconnaissait dans ce mouvement de pensée. Les rares amis qu'il avait réussi à avoir le trouvaient si radical qu'ils finirent par le fuir les uns après les autres. Peu lui importait, seule sa révolte comptait à ses yeux myopes... Un jour pas comme les autres, on finît par l'enfermer dans un hôpital psychiatrique. Et il fît une rencontre déterminante en ce lieu. Une psychologue. Elle ne le débarrassa pas de sa haine, ce serait trop beau et les contes de fées n'existent pas, mais lui donna la voie pour canaliser cette colère accumulée, cette énergie négative. Oubliant son orgueil mortifère, il décida de s'investir dans la vraie vie, s'engagea dans des associations où il fît des actions concrètes. Il en oublia de lire... Mais continua d'écrire. Il le fait toujours. Il est peut-être fait pour ça finalement....

  • Le droit à la différence sans être jugé est loin d'être aisé ... heureusement la rencontre de cette psychologue qui a su voir autre chose en toi, t'a certainement aidé à t'apaiser quelque part... l'écriture est aussi un bel exutoire ...

    · Il y a presque 7 ans ·
    W

    marielesmots

    • Oui, la différence, l'originalité est mal perçue le plus souvent car elle effraie ou déstabilise, ce qui peut conduire à une certaine marginalisation. Ce rejet peut provoquer de sérieux dégâts, mais heureusement, comme tu le dis, il existe des exutoires. L'écriture, le sport, le théâtre, ou autres activités culturelles.

      · Il y a presque 7 ans ·
      3ah17lxw0k5huazrgfgry8xvhag

      Paul Robert De La Fauvellerie

  • Mais c'est un conte de fées ! Combien n'ont pas cette chance de rencontrer la pierre d'achoppement qui fera changer leur vie d'orientation...
    L'écriture est complémentaire de la lecture. Toutes deux sont des exutoires identiques.

    · Il y a presque 7 ans ·
    Coquelicots

    Sy Lou

    • Je ne le voyais pas vraiment comme un conte de fées. Mais oui, heureusement, certaines rencontres peuvent changer le cours des choses. Rien n'est fixé, tout est à faire.

      · Il y a presque 7 ans ·
      3ah17lxw0k5huazrgfgry8xvhag

      Paul Robert De La Fauvellerie

  • Superbe témoignage !

    · Il y a presque 7 ans ·
    Louve blanche

    Louve

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