« Le logement parfait »

Nathalie Bessonnet


« Le logement parfait »





Appartement avec vue sur le port de La Rochelle


Je ne remplissais pas les conditions sinequanone pour être éligible à la location de cet appartement. J'avais pourtant largement les moyens d'en assurer les échéances. Mais le statut d'écrivain, un peu bancal, ne permet la plupart du temps, qu'au hasard de figurer, à la chance ou à l'opportunité d'opérer, rarement répond à un désir précis, dans le choix de son logement.


La description du lieu avait déjà fait tilt dans ma tête. Dans un immeuble récent, 82 mètres carrés, au dernier étage, cet appartement terrasse, en plein centre ville de la Rochelle m'était destiné, évidemment ! L'environnement, le port, l'esplanade promettaient quelques errances agréables palliant mes pannes d'inspiration. Je me voyais déjà à la terrasse d'un petit café que j'avais repéré. Là, chauffée par un juvénile soleil de printemps, j'étais plongée dans la lecture, tout en me délectant d'une boisson revigorante, ou bien m'amusais à observer les passants, toutes ces vies en marche, des histoires à inventer.. J'entendais le chant du vent dans les drisses, le grincement que font les girouettes à la cime des mâts, les mouettes piailleuses à certaines heures de la journée et le clapotis de l'eau plate de la rade contre la coque des voiliers. De temps à autre je fermais les yeux pour mieux humer l'odeur de la marée mêlée à celle du café, des parfums incongrus des passants. Puis rassasiée je regagnais mon appartement à pied, je prenais l'escalier ou l'ascenseur selon ma forme du moment.

Je m'y voyais déjà !

Lors de ma visite, j'avais été agréablement surprise par l'aspect mat du son lorsque l'on pénétrait dans l'appartement. Complètement isolé, murs et fenêtre, selon les nouvelles normes, on ne percevait rien des bruits du dehors comme de ceux des logements voisins. L'entrée assez large, était munie d'un débarras et d'une penderie fermée. Ce serait vraiment pratique pour y entasser quelques vieilleries et tous les outils de nettoyage. Quand à la penderie, je pourrais enfin y ranger mes manteaux, plutôt que de les jeter comme à l'habitude sur le sofa, ou les entasser sur un perroquet que je renouvelais sans cesse... Le vestibule se déployait sur un vaste salon équipé d'une cuisine à l'américaine, fournissant cuisinière, hotte, place de travail et placards. C'était un espace d'environ 45 mètres carrés, entièrement carrelé imitation pierre. Je voyais très exactement où placer mes deux bureaux et mon sofa couleur aubergine. A ce mur j'accrocherais quelques tableaux de mes amis et là flanquerais ma grande bibliothèque. J'hésitais encore pour le côté salle à manger... la cuisine américaine avec son plan de travail central, évitait l'installation d'une table et donc permettrait de gagner de la place.

Champagne!...

La pièce, orientée, ouest donnait sur une terrasse pavée de carreaux en terre cuite. On y accédait par une large porte vitrée coulissante. L'endroit était assez grand pour y déjeuner entre amis, y inventer un jardin, ou s'y dorer au soleil... Séparé de chaque côté, des voisins par un mur à hauteur d'homme, je n'y serais guère dérangée, tout au plus l'été. Mais on ne peut vivre dans un complet isolement, ou il faut choisir de vivre la campagne.. Le salon desservait lui même deux autres pièces. Dans son prolongement; une grande chambre, munie d'un dressing, donnait également sur la terrasse. La hauteur sous plafond était suffisante pour que j'y installe mon lit à baldaquins. Un caprice auquel j'avais cédé dans une vente aux enchères ; un véritable lit à baldaquins fin XVIIIème siècle, époque des Liaisons Dangereuses, livre qui m'avait largement inspirée.... Enfin, adjacente à la chambre, la salle de bain, entièrement carrelée façon mosaïque, sans fioriture, couleur bleu profond. Elle était équipée d'un lavabo, d'une douche à l'italienne et ...d' une baignoire ! Je me voyais m'y prélasser, le soir après une longue journée, un verre champagne à la main, la mousse qui déborde, des bougies partout...

J'arpentais ce lieu, comme je fais mes cents pas quand les mots me manquent, pour mes histoires. J'étais chez moi et l'appartement m'avait adopté.


Cet après midi , à la terrasse du bistrot, je sirote mon verre en regardant les passants. Je n'ai qu'à lever les yeux et systématiquement ils grimpent tout en haut, sur la terrasse ensoleillée.

Il y a là, un groupe de personnes qui semblent bien s'amuser...



Nathalie BESSONNET

Mars 2016








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