Le miroir défrisé

La sidérante vérité sur les frisées à lunettes

                                                                                                   petisaintleu

Quand on pense aux envahisseurs, on a instantanément David Vincent en tête et les extraterrestres à l'apparence humaine, toujours promptes à lever le petit doigt, aux sauriens de V ou àLa Planète des singes.

La réalité est bien plus basique. Je les ai rencontrés pas plus tard que ce matin en me rendant à la mairie pour y récupérer mon passeport. Ce sont les frisées à lunettes et elles travaillent dans la fonction publique.

Quand vous approchez de leur bureau, isolées du reste du cheptel par des séparations en plaqué chêne, faisant du service une sorte de stabulation administrative, vous êtes accueillis par une bouffée âcre de sueur, de laque si vous êtes chanceux. Quand vous dépassez le panneau, en espérant que vous ayez survécu à une remontée vomitive, elle vous apparaît dans toute sa splendeur. Imaginez, nous sommes l'été. Un fond de teint antédiluvien dégouline sur son groin. Des passages de Truismede Marie Darrieussecq vous traversent l'esprit. Elle est attifée de ses plus beaux atours ; une jolie robe à fleurs du même imprimé que celui de votre mémé dans sa blouse de chez Daxon. Si elle est sans manche, sans doute aurez-vous le malheur de constater que les aisselles ont conservé toute leur superbe sylvestre, qu'un sourire simiesque rend équatorial.

Vous, vous tirez la gueule. Vous avez la haine, après trois heures de queue qui s'est rétractée de manière opposée au désintérêt que vous portez à votre interlocutrice. Et tout devient débandade quand vous réalisez que vous avez oublié de vous munir de votre feuille d'imposition de l'année N-2.

Il ne vous reste plus qu'à faire du rentre-dedans et à partir dans des explications alambiquées pour amadouer la bête, Ginette (si elle est à deux doigts de la retraite), Sylvie (si elle pré-ménopausée) ou Lydia (pour les nouvelles promues). Vous remarquerez alors ses dents jaunies par le tabac ou le manque quotidien de brossage de dents, que les pauses-café de neuf, onze, quatorze et seize heures n'ont pas arrangé.

Le plus dur de cette vision dantesque, ce sera quand elle se lèvera pour aller récupérer je ne sais quel imprimé dans une armoire métallique que s'arrachent les antiquaires des puces de Saint-Ouen. La vue des cuisses surchauffées et rougies par le sky pourraient laisser croire que le sous-chef de service la convoque trois fois par jour pour lui parler du pays.

Mai, la vérité est ailleurs. Comment pouvons-nous expliquer ces cohortes de caniches à quatre yeux ? C'est très simple. La France est pour les Vénusiens un laboratoire. Depuis des décennies, ils ont noyauté notre administration en développant des clones de Jackie Sardou. Leur but est simple, celui de mettre par terre notre économie.

Mais, c'est oublier notre génie national. Depuis quatre décennies, les gouvernements successifs, tout à fait au courant des bases sur la face cachée de la lune et des pyramides sur Mars et donc des menaces qui pèsent sur nous ainsi que des moyens employés, ont fait preuve d'une exceptionnelle vision stratégique. Pour éviter que nous ne soyons noyautés par des êtres venus d'ailleurs, ils ont mis en place notre sabordage. Ainsi, la France se paupérisait alors, qu'en parallèle et en secret, elle prônait une politique ultra-libérale. En l'espace d'une génération, ce sont plus de la moitié des fonctionnaires qui disparurent de la circulation.

Si nous avons sacrifié des millions d'emplois, nous en avons sauvé bien plus du projet des aliens de nous envahir pour nous réduire en esclavage. Le choix a été cornélien, mais c'était la seule voie possible pour préserver notre liberté. Avec le remplacement programmé des services publics par les entreprises du privé, la source des frisées à lunettes devrait se tarir d'ici trente ans. Nous retrouverons alors la prospérité qui fut sagement abandonnée pendant un temps pour sauver l'humanité.

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