LE PIANISTE

mysterieuse

Une nouvelle au coeur de la musique ...Inspirée d'une toile de Robert Augier

Lorsque j'entrais dans le grand salon, je ne voyais que sa nuque, la largeur de ses épaules, sa taille plutôt fine, et son cul musclé et rond, posé avec force sur le tabouret. Et ses doigts …ses doigts courants sur les touches du piano, créatifs d'une musicalité dont lui seul avait le secret.

Cette sensibilité particulière m'avait fait l'effet d'une brûlure lors d'une première rencontre impromptue chez des amis communs. Il avait marqué mon esprit, sans le soupçonner un seul instant, au point que je n'avais résisté à ma curiosité féminine .Il fallait que je pose sur cette émotivité un prénom. Mon hôtesse et meilleure amie, peu avare de renseignements, avait eu tôt fait de me fournir, non seulement un prénom, mais tout un tas d'indications plus personnelles et forcément plus intimes. Ce délicieux garçon, quadra depuis trois ans, se prénommait Antoine. Antoine le musicien venait très récemment de vivre l'affreuse et douloureuse expérience d'une séparation mouvementée, violente aux dires de mon amie, dont les séquelles invisibles alimentaient de façon spectaculaire sa sensibilité artistique. Je m'abreuvais de son talent au rythme de son interprétation, sans qu'une once d'érotisme ne vienne heurter ma solitude sentimentale, peu ou proue similaire à la sienne. Les séparations peuvent entrainer un isolement momentané, mais il n'est point dans mon tempérament de me laisser submerger par les remords ou les regrets. J'aime aller de l'avant, toujours, et passé le chagrin, si dévastateur soit-il, passés les larmes et les cris, je m'en remets au destin et à ses acteurs.

Ainsi, Antoine, était un digne représentant de la troupe théâtrale de la vie, et loin d'être un figurant ou interprète d'un second rôle, il avait, en cette soirée amicale, joué un rôle ( il avait eu vocation) prépondérant à la restitution de ma bonne humeur congénitale.

Mon côté esthète avait eu tôt fait d'enrober sa silhouette, plutôt sculpturale, mais aussi rassurante dans son maintien altier mais pourtant pas orgueilleux. Un verre à la main, je portais mes pas jusqu'au plus proche du piano, me maintenais un instant dans le dos du musicien, avant d'opter pour une intrusion discrète à sa droite. Il levait sur moi un regard accueillant, tout en laissant courir ses phalanges agiles sur les touches ivoires du vieux Gaveau demi -queue. Un sourire de bienvenue dévoilant une dentition presque trop parfaite entre deux fossettes jumelles, un rien de trop séduisant accrochait le même rictus épanoui à mes lèvres. Les présentations étaient faites, sans même avoir prononcé un seul mot. Seules les notes accompagnaient la découverte de deux êtres récemment malmenés par Cupidon et ses disciples. Je soupçonnais un instant que Christine ait anticipé notre rencontre tant elle semblait comblée par le tableau se dessinant sous ses yeux .Il faut dire qu'elle a un talent particulier à jouer les entremetteuses .Mais pour autant, je lui accordais le bénéfice du doute tant elle se tenait à une distance respectable de nous ! Et puis, son attitude toute en discrétion, peu habituelle, laissait entrevoir plus de l'étonnement que de l'entremise .C'est l'instant que je choisissais pour m'éloigner d'Antoine, mais soudainement retenue dans mon échappée belle, je stoppais net ma tentative d'évasion. D'une main ferme, Antoine avait saisi mon poignet avec plus de force qu''il ne l'avait envisagé. Son autre main n'avait pas une seule seconde quitté le clavier, sa musique n'en souffrait même pas.

« Je m'appelle Antoine, restez donc près de moi, j'aime votre présence elle m'est émouvante et sensuelle ! Je ne vous drague pas, je veux juste que vous sachiez que vous dégagez une sensibilité rare, à fleur de peau …je me trompe ?

-On le dit en parlant de moi, mais seuls ceux qui me ressemblent peuvent le ressentir !

-Diriez-vous que nous nous ressemblons, diriez-vous …Êtes-vous musicienne ?

-Non pas !

-Actrice ?

-Pas plus !

-Artiste peintre ?

-Je dessine, mais sans plus !

-Cessez de me faire languir ! Vous êtes dans l'art c'est évident ! Cela se lit dans votre regard ! Ce vert reflète votre âme, vous créez c'est certain…je m'y perdrais !

-Allons, allons, là vous êtes en train de me faire la cours

-Faire la cours, cette expression me parait démodée…

-Désuète, surannée me semble plus musical !

-Musical, c'est cela, la musicalité ! Votre démarche est musicale, votre accent est musical, la manière dont vous vous exprimez est musicale.

-Vous écrivez, c'est cela vous êtes auteur, parolière peut être ?

-Si vous cherchez un parolier, vous avez tapé à la bonne porte

-Je ne cherchais rien, mais je vous ai trouvée »

Sa dernière parole aurait pu tomber en désuétude comme la mauvaise chute d'une blague peu amusante. J'aurais pu stopper là cette rencontre fortuite, en songeant qu''il était homme, un de plus, avide de se griser aux charmes d'une brune …J'aurais pu, mais je ne l'ai pas fait. Le poivre et sel de sa chevelure bouclée, son regard aveugle derrière ses lunettes noires, son sourire de velours, l'odeur de sa peau, le blanc immaculé de sa tenue en lin …Je cherchais ce qui m'empêchait de tourner les talons et je trouvais la réponse, en une fraction de seconde dans l'intonation de son ultime phrase

« Restez donc près de moi s'il vous plait »

Sa voix …Point n'est besoin de protocole ou de décorum, quand on possède une telle voix tout vous est permis. Une intelligence douce en émanait, en harmonie rare avec ce que j'aime chez un homme. Dans une bulle intemporelle, je n'accordais plus de l'importance qu''à la mélodie tant de ses mots que de sa musique, le temps que …la bulle éclate ! Il retirait ses lunettes, le vert de ses yeux me crucifiait, me torturait jusqu'au creux de mes reins !

Une envie folle de glisser mes doigts le long de sa nuque, de les perdre dans sa chevelure sauvage, une envie folle de lui dire cessez immédiatement, ou je ne réponds plus de moi me submergeait intensément.

Christine venait à ma rescousse, me tendant un verre et m'entrainant dans son sillage

« Viens que je te présente »

Antoine lâchait mon poignet puis me regardait m'éloigner avec regret.

 

Mon regard posé au creux de sa nuque, juste envie de le toucher. Je gardais en mémoire le contact de sa peau sur mon poignet, une empreinte digitale qui ne m'avait plus quittée depuis notre première et ultime rencontre. Tout comme j'avais mémorisé ce regard à mi chemin entre la réprobation et l'auto- reproche. Analogiquement, cette furtive œillade accusatrice traduisait, « j'aimerais bien vous revoir, qu'en pensez-vous ? », ou comment surseoir à une détresse sentimentale devenue trop pesante.

Ma réponse, si tant soit peu qu'il m'ait interrogée, s'était révélée très pragmatique. Un bout de papier, des chiffres griffonnés, des mots balbutiés en silence « Appelez moi à ce numéro quand vous voulez ».Je glissai cette invitation dans la poche de sa veste en sommeil sur le dossier d'un fauteuil proche du musicien, à son insu, puis m'échappais furtivement de la soirée.

Antoine ne m'avait dès lors virtuellement plus quittée, investissant mon esprit le jour, la nuit, hantant mes silences, mes écrits, ma musique, mon ennui, mes soupirs, mes cris …

Le temps était passé, sans jamais s'octroyer une pause, sans jamais se retourner sur la furtivité d'une rencontre fortuite…Un mois, deux mois peut –être plus …

Et puis une sonnerie retentissante dans le silence de mes insomnies…et puis cette voix si singulière qui m'avait apaisée et torturée à la fois, en plus enrouée peut être ou plus rocailleuse .J'y dénotais pourtant une note particulière qui ne m'avait pas frappée la première fois. Une tonalité étrangère, anglo-saxonne, assurément, effleurait mon oreille, avant que d'aiguiser ma gourmandise. J'ai toujours eu un faible pour les étrangers s'appliquant à parler la langue de Molière. Ils demandent une attention particulière, parce qu'émouvants dans leur difficulté à bien s'exprimer. Peu importe l'origine, scandinave, nord ou sud américaine, slaves ou plus méditerranéennes …Seules les intonations et la confusion sont génératrices d'une séduction spontanée. Antoine possédait soudain, au creux de mon oreille cette affabilité…Me remémorant à la hâte, son visage, sa peau mate, une pilosité abondante évidente malgré un rasage au plus près, j'essayais de lui attribuer dans l'urgence une nationalité. J'aurais pensé argentin …mais cet accent infirmait mon hypothèse !

« Hey, allo, allo, allo ?

-Bonjour, bonsoir, heuuu, bon quoi au fait ?

-Bonjour, je suis désolé, il est à peine …ou déjà, un peu plus de cinq heures du matin ! Je suis en train de rentrer, une soirée ordinaire, un peu trop arrosée, comme à l'ordinaire et puis …

-Et puis vous décidez de m'appeler aux premières lueurs …

-No, explications je vous dois !

-No, je vous dois des explications !

-Hein ?

-En français on dit « Je vous dois des explications »

-Ah oui, j'ai beau habiter la France depuis plus de 11 ans, j'ai du mal parfois ! Je viens de trouver un bout de papier avec un numéro de téléphone dans le fond de ma poche …je n'ai pas mis cette veste depuis des mois …et je suis curieux …alors j'ai appelé !

-Ah oui, je vois ! Bon ben moi c'est Cindy, je vends des caramels mous dans les foires !

-Ah ah ah ! On ne se débarrasse pas de moi ainsi…je sais très bien qui vous êtes ! C'est un miracle que de vous avoir retrouvée… Miss Do !

-Miss Do ? Comment connaissez-vous ce surnom Antoine ?

-Et vous le mien ? Je m'appelle Simon, en anglais please, prononcez ai pour i. Antoine c'est mon nom d'artiste ! Et vous ?

-Do, Miss Do, c'est uniquement pour les intimes, très intimes, c'est l'autre Do, le côté obscur, la sensuelle, la charnelle …

-C'est bien celle que j'ai croisée un soir …C'est Miss Do qui m'a séduit ! J'ai besoin de votre poésie et vous de ma musique …Que pensez-vous d'une complicité artistique ? »

Ce n'est pas vraiment à ce genre de complicité à laquelle je songeais dans l'instant, et l'aube environnante n'était pas vraiment apaisante pour ma chair trop faible .J'adore faire l'amour au point du jour, surprendre l'autre, d'un baiser si léger qu'il pourrait être un rêve, d'une morsure humide à la base du cou, d'une main caressante sur le sexe au repos, qui enfle et réagit à la moindre caresse. C'est l'instant merveilleux où les corps apaisés, après une nuit de sommeil sont les plus réceptifs. Seuls nos sens veillent, tous nos sens ! Inutile d'ouvrir les yeux, les émotions sont là, distillées, par les bouches qui se scellent, les langues qui s'emmêlent, les peaux qui se mélangent, les sexes qui se retrouvent pour un nouveau partage sur le parvis d'un jour qui se dessine. Le désir matinal imprimait mon intime sous les notes enrouées de Simon alias Antoine. Un désir m'envahissait guidant ma main valide entre mes cuisses, dans la tiédeur humide de mon sexe tourmenté par la possibilité de baiser des potron-minet, dans les lueurs roses des premières heures du jour !

Des mois que je n'avais pas fait l'amour, ni baiser du reste, et cette voix qui torturait ma sensualité …je l'écoutais parler et me caressais au rythme de ses pensées, en gémissais de souffrance, autant que de plaisir. Plus un son ne s'échappait de ma gorge, que ceux de mes impudeurs à peine camouflées. La voix off de Simon accompagnait mes folles intuitions érotiques …

Dans un soupir à peine contenu, j'acceptais son invitation pour le soir même, abrégeais la conversation d'un au revoir hoquetant, avant de me laissais corrompre par la jouissance dévastatrice et salutaire.

 

Sa nuque me fascinais, je m'en approchai à pas feutrés, avec la volonté profonde de le surprendre en pleine inspiration musicale. Inutile de tenter de piéger un musicien, il est sensible au moindre son, ou pire à la moindre altération de son monde acoustique.

Je perdis sa nuque à l'instant où il se retourna .Son regard nous accueillit, ma bouteille de vin et moi .J'en frémissais, j'en jubilais sans grande démonstration et pourtant j'étais déjà tendrement dans ses bras, physiquement dans ses draps, voluptueusement prisonnière de son bassin !

« Bonsoir Simon, j'ai pensé que nous pourrions partager un bon verre de vin !

-Bonsoir Miss Do, je ne suis pas très vin, en tant qu'australien, je suis très bière !

-Parfait, mon vin est comme vous d'Australie, Shiraz Cabernet 98 »

Il n'osait pas refuser mon invitation et sortait deux grands verres à dégustation !

Le vin de toute évidence ne lui était pas inconnu !

Il ouvrit la bouteille, nous servit, puis s'avança vers moi !

« Pourquoi avoir apporté du vin ? me demandait-il

-Je pensais que vous étiez Argentin ! »

En vérité ma réponse était très conne ! Il trempait à peine ses lèvres dans le verre, avant de me répondre avec effronterie !

« Je n'aime pas le vin, je suis Australien ! La prochaine fois apportez des bières »

Il avait pour lui le mérite de la spontanéité à laquelle je répondais par la mienne.

Je lui ôtais son verre de la main et lui faisais gouter à la saveur de mes lèvres et de ma langue bien françaises, elles, dans un baiser sans équivoque de contrefaçon !

Pourtant, il abrégeait, très, trop rapidement ma fougue, et, chose inimaginable, en totale incohérence avec mon tempérament audacieux, je me surprenais à m'excuser

« Je ne sais pas ce qui m'a pris, je suis sincèrement désolée !

-Vous le pouvez ! »

Sa réplique aussi abrupte qu''infondée, stoppait net mes élucubrations sensuelles !

Pourquoi cet homme si charmant et avenant, la fibre artistique à fleur de peau, à fleur de doigts se prenait-il soudainement à me mépriser ?

Avais-je mal agi ? Ma bousculade en séduction n'avait pas eu l'effet escompté, bien au contraire. La délicieuse embarcation sur laquelle il m'avait convié était en train de prendre sérieusement l'eau, avec le risque périlleux de finir en radeau de survie.

Mon salut, je le trouvais dans le vin australien. Je reprenais mon verre, abandonné à moitié plein pour un baiser incolore et sans saveur, et le vidais d'un seul trait.

Inutile de me rhabiller avant de lancer « Bon ben je crois que je vais y aller », je n'avais même pas eu le temps d'ôter, ne serait ce que ma veste. J'aurais pu quitter la pièce de façon magistrale ou tirer ma révérence théâtralement dans un style scénique ampoulé, histoire de dévoiler mon caractère trempé. Mais l'acte que j'étais en train de jouer relevait plus d'une tragédie cornélienne que du registre de Feydeau.

Je me dirigeais vers la sortie, le plus discrètement possible, sous le regard amusé de mon hôte, qui, ironiquement ou peut être avec une intention moins perverse, me tendait son verre de vin à peine entamé

« Vous n'allez pas partir sans prendre un second verre …buvez le mien, je me sers une bière »

Je snobais sa tentative d'intrusion dans ma fuite inopinée et poursuivais mon intention de sortie.

Comme lors de notre première rencontre, il stoppait net mon évasion en me retenant par le poignet. Était-il homme à la provocation, ou bien faisait-il partie de cette minoritaire catégorie des amoureux échaudés par des chattes libertaires et libertines. Certains amoureux éconduits mettent un certain temps avant que de succomber à nouveau à la grâce féminine, question d'orgueil ou de fierté. D'autres font de la gente féminine une véritable orgie, bafouant toutes les règles de respectabilité. Et lui, qui était-il ?

Une seule façon de le savoir, le lui demandais. Je m'apprêtais avec la spontanéité qui me caractérise à lui poser la question, mais il anticipait mes intentions !

« Restez, s'il vous plait ! Vous êtes la première femme qui passe depuis des mois, le seuil fatidique de mes appartements ! »

Il ôtait ma veste, la jetait négligemment, dans un bruissement équivoque sur le premier meuble à proximité, m'entrainait vers le piano, récupérait le verre de vin, me le tendait, posait un doigt appuyé sur une touche du piano ! Un la, je reconnaissais un la, puis un autre et encore autre …

« La, la, la, c'est la vie, elle va, elle vient, elle est comme un refrain, elle revient comme un leitmotiv » murmurait-il avant de se décapsuler une bière !

Nous trinquions !L'entrechoc de deux verres , des notes musicales  sur un piano fatigué, des cœurs qui battent plus fort , autant de codes dressant le décor ambitieux d'une …amitié naissante …une amitié amoureuse , amoureusement délictueuse …

J'en aimais déjà le contour, le délictueux plus exactement, ce mélange harmonieux de liberté, complicité et concupiscence se profilant.

Alors même que j'avalais une nouvelle gorgée pourpre d'un millésimé australien, il jouait les infidèles à notre complicité naissante, fuyant l'intensité de mon regard au profit de sa chère passion.

Il reprenait place sur son tabouret, entamait avec une facilité déconcertante un nouveau morceau musical avant de trébucher sur une note. Avec application, il effaçait une croche sur une partition pour la remplacer par un autre hiéroglyphe musical dont je ne connais pas la traduction .Sa créativité musicale reprenait le dessus presque instantanément à la mesure de ses intuitions. J'aimais sa façon de tourner les pages de ses partitions, il en émanait une sensualité peu commune et pour le moins singulière chez un homme. Je ne savais si je devais y déceler une timidité maladive ou une forme de séduction mystérieuse intuitive. En ces instants privilégiés, je laissais une large part de ma féminité s'exprimer quitte à le bousculer à nouveau de mes audaces sensuelles .J'oubliais le baiser volé un peu plus tôt, je tentais d'oublier l'attirance de mes doigts pour cette nuque, posais mon verre déjà bien entamé sur la laque du grand piano et m'éloignais un instant. Il perdait une fraction de seconde la trace sonore de mes pas, absorbé par la musicalité de sa création, avant de me retrouver dans les volutes parfumées de mon parfum. La sensualité a ses codes, elle joue avec les sens, tous les sens. Il me prêtait l'ouïe, je lui offrais l'odorat, la singularité d'une fragrance harmonieuse qui s'accroche à la peau d'une femme amoureuse. Un jeu bien insolite s'installait entre nous, sensoriel et divin, de parfum et d'écoute nous liions nos destins. L'amitié s'esquissait avant que d'exister, mais le désir présent aux lueurs de nos yeux étincelants de rires, de nos sourires muets inspirés d'Épicure, frappait si fort nos tempes au rythme d'une rupture, que les frontières infimes du passe au présent, s'effondraient sans scrupules en laissant libre cours à l'attirance fébrile de deux corps consentant. J'avais, le temps de ma brève évasion, posé quelques gouttes de mon cher parfum aux effluves de rose noire et de bergamote. En une seule note parfumée, je me voulais intrépide, chic, espiègle et cruellement désirable, mais il n'y suffisait pas pour troubler l'apparente sérénité d'un charmant musicien somme toute doté d'une patience rare.

J'étais de lui son ainée , mais l'attirance n'a que faire de la différence d'âge .Aux regards de certains hommes la maturité féminine est même un gage de volupté. Il me regardait avec les yeux du désir, me mettait à nu, à chaque nouvelle mélodie, de son regard absent, soudain devenu absinthe, s'immisçant dans mon être comme un ange diabolique. J'y voyais du respect, mais aussi une énorme blessure non encore refermée, des griffures encore visibles d'une femme adorée qui s'en était allée. J'imaginais ses mains, au bord de ma cambrure, résister sans ambages au feu de la luxure ! Il était homme à femme, non pas collectionneur, mais plutôt perverti au jeu du charme sensuel, complice diabolique séducteur et rageur d'une friend girl envoutante capable de douceur et de compréhension ! Il était là le fondement de cette relation à venir. Nous en étions à la genèse d'une relation torride basée sur une sensuelle liberté complice. Tous mes sens en éveil, j'argumentais la trace de cette nouvelle menace qu''est le désir soudain, en dévoilant d'audace le haut de mes cuisses de bas de soie gainées, en m'essayant à ses cotés sur le tabouret à deux places .Une de ses mains glissait dans la fente complice de ma légère robe à pois …

« Myss Do, en ses mystères, m'invite en soliste, à découvrir sa peau » , me chantonnait-il en caressant ma peau à l'orée de mes bas !

J'avais tout à découvrir de lui, il avait tout à découvrir de moi. Il écrivait en lettres majuscules, tout en haut de la partition « Attirance de peau », plongeait son regard dans le mien avant de murmurer au creux de l'oreille « A toi, à présent » Ambigüité du sens, il me désarçonnait autant qu'il m'excitait…Ambivalence érotique prometteuse.

 

 

 

 

 

   

 

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