Le rêve américain - concours BSC News

Daniel Macaud

Il était dans le bateau. Non, il était dans LE bateau ! Dianda sauta de joie autant de fois qu’il put avant de devoir s'arrêter, essoufflé. Mist le rejoignit un instant plus tard.

- Dianda, je sais pas si c’est bien sérieux tout ça.
- Mais enfin, ca va pas ? Je te dis qu’il y va ce bateau ! Il va là-bas !!!
- Encore tes délires avec ces amanites !
- Amériques ! Les Amériques, Mist, tu vas voir, on y va ! A nous la belle vie, les grands espace, le rêve quoi ! L’aventure, la gloire !
- La gloire ? Mais on est qui nous, pour obtenir la gloire ?
- Ici, personne, mais là-bas, on peut devenir quelqu’un ! Je me suis bien renseigné tu sais...
- Si tu crois tout ce que t’as raconté le vieux Diaouga...
- Non Mist, crois-moi. Je te jure que ce bateau y va, je lui ai demandé au gamin, avant d’embarquer.
- Le gamin ?
- Ouais, celui qui nous a fait monter à bord.
- Ecoutes Dianda, je ne sais pas ce que ce gamin t’as dit, et je m’en fous. Les autres vont nous attendre alors...
- Trop tard !

Effectivement, un mouvement brusque les secoua tous les deux, et le bateau prit le large, au rythme des cris de joies de Dianda, et brassé par les flots. Mist n’en menait pas large. Il regardait son compagnon d’infortune, inquiet. C’est vrai qu’il avait si souvent parlé de s’échapper, de sortir de l’enfer que tous vivaient, tous les jours, dans la mine. C’est vrai que ça faisait rêver.

Mist ne voulait pas rêver. Il savait que les rêves se brisent, comme eux brisaient la roche. Mais maintenant, le bateau avançait à vive allure, droit vers l’horizon. Et si... Et si pour une fois, Dianda avait raison ? Et si pour une fois, il pouvait rêver ?

Dianda s’était remis à danser, sauter, virevolter, sans s’arrêter. Mist sentit son âme se soulever, et s’envoler. Pour la première fois de sa vie, Mist commença à rêver. Maintenant, tous les deux dansaient et sautillaient. Oui, Mist avait d’y croire aussi, à ces Amériques merveilleuses.
- Tu verras, criait Dianda, on sera heureux, et pour tou...

Un craquement sinistre les arracha à leur joie. Le bateau coulait. La vieille barque coulait. Le frêle esquif était maintenant pris dans une tempête monstrueuse qui venait de s’abattre sur lui, avec toute la violence du destin. Des vagues immenses frappèrent la barque, qui disparut dans un tourbillon sauvage. Avant de mourir noyé, Dianda aperçut une dernière fois son ami qui se débattait lui aussi dans les eaux furieuses, secouées par le vent enragé, qui avait juré leur perte. Il eut juste le temps de penser qu’il aurait aimé demander pardon à son ami de toujours, son frêre de misère.

- Jules ! Reviens mettre ton pull mon chéri, le vent s’est levé.
- Oui maman, cria le petit garçon en quittant la berge de la rivière. T’as vu maman ? Le bateau est parti loin !
- Oui j’ai vu mon ange.
- Tu crois qu’il ira jusqu’en amérique ?
- En amérique ? Peut-être, répondit la mère avec un sourire amusé. Mets ton pull, il fait frais.
- Maman, tu sais, y’a des passagers dans le bateau.
- Ah bon ?
- Oui, y’a deux fourmis, elles voulaient aller en amérique, elle me l’ont dit.
- Ah, fit la mère amusée, et bien retourne jouer alors.

Elle regarda son fils repartir en courant vers la petite rivière, en ironisant sur l’enfance et son imaginaire. Comme si des fourmis pouvaient avoir envie de voyager !

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