Le revers de la médaille

Le revers de la médaille

Johnny Balsbury n’était pas dans son assiette ce beau soir d’été ensoleillé. Il ruminait sur sa vie et rêvait de grandeur. Il se devait d’être exceptionnel, hors-norme. Alors on va lui dire qu’il est trop ci trop ça pas assez tout. Mais tant pis qui ne tente rien n’a rien. Il voulait devenir célèbre, devenir quelqu’un comme on dit. Mais comment allait-il s’y prendre ? Il n’avait pour ainsi dire aucun talent, ni même pas le courage indispensable pour une telle réussite. «  Je suis un raté » se surprenait-il de dire au moins trente fois par jour. C’est alors qu’il tomba sur cette photo de Margaux, le jour qui aurait dû être le plus beau de sa vie. Cela mis le trouble dans sa tête, un tel capharnaum que l’espace d’une seconde il eut une absence, comme un flash. Il avait toujours hésité entre l’amour et la réussite, comme l’âne de Buridan qui finit par mourir de soif devant un seau d’eau. Il était de la race de ceux qui sont de surcroît d’une timidité maladive, paralysante. Il était d’ailleurs la risée de ses camarades de classe qui le surnommaient Gaston Lagaffe. La simple évocation de ses souvenirs douloureux lui mettaient la boule au ventre, comme cette angoisse pesante qui fait d’une simple déclaration d’amour une épreuve insurmontable aussi pénible que le bagne. Alors vous me direz que vous voyez pas vraiment mon personnage réussir sa vie. Moi, non plus pour ne rien vous cacher. Ls nuages avaient envahi la ville.

En plus, je ne vous ai pas tout dit. Ces deux années derrière les barreaux n’avaient rien arrangé. Oh pour des broutilles, on dira des erreurs de jeunesse. Mais qui parmi vous n’en a jamais fait ? D’accord vous n’êtes peut-être pas tombé si bas que mon héros, mais avez-vous la même pugnacité, la même résiliance pour rebondir après la chute ?

Revenons à ce 17 juillet, jour qui semblait maudit pour Johnny en plus le 17 lui a toujours porté malheur … et celui-là ne va déroger à la règle. Mais qu’avait-il fait au bon Dieu pour être si malheureux dans sa vie. Pourtant il a eu une enfance dorée, il était même gâté, pourri , préféré par rapport à son petit frère qui payait toujours à sa place les pots cassés. Lui passait le plus clair de son temps devant la télévision, à rêver sa vie plutôt que de la vivre.

« Le pass pour le ciel «  « En avant pour la gloire » autant de programmes qui lui faisaient oublier le vrai monde, la vraie vie comme disent les adultes. Lui ne voulait pas grandir. Le syndrôme de Peter Pan, me direz-vous ; eh bien oui, tout craché.

Johnny passa une nuit agitée il se réveilla en sueur. Comme tous les matins, il regarda le Chronopost, journal flash qui s’imprime par téléimpression nouveau système ultramoderne. Quelle ne fut pas sa stupeur quand ses yeux croisèrent l’annonce qui avec un peu de chance transformerait la citrouille en carrosse, qui allait peut-être changer sa vie, qui va changer c’était sûr à présent ; son destin lui a posé ce rendez-vous ; c’est écrit comme sur les lignes de la main.

« Casting de découverte des stars de demain » - Jury composé de Robert Haltman, célèbre compositeur de la comédie musicale «Tristan et Iseult »

Une étrange atmosphère dominait la ville en cette période de crise psychologique ; comme l’éclat de l’espoir en filigrane qui semblait défier l’air du temps.

«  Je dois réussir »  «  Je dois réussir » se disait sans arrêt Johnny ; mais réussir, ça voulait dire quoi. Les exemples pleuvaient de stars qui semblaient avoir tout pour être heureuses, et ont finit par tutoyer l’enfer. Prenons l’exemple de Brice Dark, qui en est mort, sans un sou, après avoir vendu sa somptueuse ville de Sunlight Beach.

8h30 C’était l’heure pour Johnny de se préparer ; rasage, méthode Coué en veux-tu en voilà. Un dernier coup d’œil au répondeur avant de partir : «  Excusez-moi de vous prévenir aussi tardivement, mais le concours a du être avancé à 8h30 au lieu de 9h. Mille excuses à tous"

C’est alors que subrepticement Johnny enfila sa veste, arracha nerveusement son ticket de participation de son agenda et fonça dans le couloir vers les escaliers. Dans la précipitation, il manqua une marche et perdit conscience.

9h Réveil violent à L’Hopital Brice Dark où d’une voix sanglotante il marmonnait «  Je n’y arriverai jamais » C’est alors qu’il discuta avec une infirmière qui semblait joyeuse. Il lui dit : «  Vous avez beaucoup de courage de faire ce métier. Moi je ne pourrais pas. La simple vue du sang me répugne «  Elle rétorqua «  Mais le sang, c’est ce qui fait battre l’amour dans nos veines «  Il ne put retenir une larme. Puis sans savoir pourquoi, elle lui sourire ; c’était plus qu’un sourire, c’était un éclair spirituel. Alors il pris le journal et tomba sur un article qui l’intriguait sur une patineuse blessée : Claire Castel. Alors d’un air innocent, je dis à l’infirmière : «  Vous avez vu la pauvre patineuse ; c’était la favorite ; et elle ne va pas pouvoir défendre ses chances «  Oui je la connais bien très très bien d’ailleurs c’est ma fille ; c’est ma collègue qui s’occupe d’elle. Les nouvelles de ce matin sont plutôt bonnes, alors le concours étant ce soir à 18h ; même les meilleurs spécialistes ne se prononcent pas.

17h30 Claire Castel arrive en larme dans la chambre de Johnny. Une étrange atmosphère dominait la ville ; les nuages avaient fait place au soleil, les blessures se faisaient plus féroces et les cœurs recouverts de mercurochrome semblaient mille fois plus éclatant que la plus belle des médailles. C’est à ces moments là qu’on se dit que le bonheur n’est pas dans les palais luxueux mais comme une dit d’une vie de rien , loin des paradis qu’on traîne comme des boulets, des promesses infidèles, est des matins gris.

Vous attendiez peut-être une fin à la Roméo et Juliette ; je laisse au lecteur la liberté de la construire à sa guise, suivant son parcours de vie, ses attentes et oui je vous entends d’ici réclamer pour vos cœurs un dénouement en feux d’artifices ; j’en ferai un tel un Sphinx viendrait défier les diables insatiables, venant lui proposer de refaire son nez, nourrisant de vains efforts pour décoder l’étrange bonheur d’une religieuse italienne au sourire pudique ; enfin …Voici l’appendice de ce feuilleton naturaliste :

Johnny n’était pas dans son assiette ce beau soir d’été ensoleillé, mais quelque chose lui disait qu’il allait réussir, enfin réussir que la gloire il allait la connaître, sans être une star mais il méritait plus que ça comme en fait tout le monde mérite mieux que ces chimères, sinistres sirènes qui vous offrent des horizons qui se dérobent, des ciels qui assomment les pauvres Tantales que nous sommes et sur le fruit défendu si on prenait une loupe ; il y aurait écrit :

«On n’est riche que d’amour »