Environ vendredi

Rose Bottlebrush

Synopsis 


« Personnage à inventer
cherche lecteur expérimental déçu des passions
imprimées. »


Derrière le rideau se jouent des drames imaginaires ceux que l’on archive sur papier froissé. Une histoire de choeur enlacé : elle s’est créée pour vivre en écho de ses battements cardiaques invisibles. Elle apprend l’amour bipolaire en fantasmagorie majeure, donne de la consistance au silence et le fait parler pour lui. 


« Je ne suis qu’un personnage, héroïne eau-de-rose.
J’ai vécu quelques dizaines de débuts d’histoire
d’amour. Des romances superposées costumée
harlequine. J’ai l’estomac stigmaté de papillons dans
le ventre. Je resterai probablement à jamais
nauséeuse. »


Environ vendredi est un poème dramatique de la solitude animé, du désir sans objet, de l’amant inventé.

« Je me suis racontée à nouveau. Inventée près de lui.
Des histoires d’amour accrochée à son fil en ballon
imaginaire. Il me tient fort dans sa main. Refuse de
me laisser m’envoler. Parfois il tire sur la ficelle pour
m’éloigner du ciel et me garder plus près de lui.
C’est douloureux. A chaque instant, je me rappelle
qu’il existe. Gonflée de sentiments hélium, je ne suis
perceptible sous forme solide qu’au dessus d’une
pression de vingt-cinq atmosphères. »

Extrait
« Je m’invente à partir de sentiments. Héroïne eau-de-rose. Légèrement plus en vie que cyclothymique. J’ai le sourire grand comme les possibilités, et la peau couleur chagrin d’amour en récifs de larmes cicatrisées. J’aime aimer tellement fort que j’ai voulu m’oublier. Pas me perdre, juste me déposséder. Il ne reste de moi qu’un coeur-Alzeimer qu’une émotion suffit à reformater.

Rouge, couleur dominée. Héroïne eau-de-rose, j’ai déclaré la guerre à l’échec amoureux. Plusieurs fois. J’ai perdu toutes les batailles. Beaucoup d’espoirs sont morts au combat. Rêves consumés d’avoir toujours trop joué avec le feu. L’ennemi a incinéré ma passion. Je suis, crie, ressuscitée. Les cendres m’enlarment encore les yeux.

J’ai toujours eu la force de porter un coeur lourd. Mais depuis quelques temps et malgré mes errances : je souffre d’une incapacité à être
bouleversée. Ma dernière rupture ne fut pas plus dévorante que les autres. Elle a juste signé en bas de l’armistice le nom de banalité. La guerre est
terminée. Ce n’est pas tant la douleur qui est triste, c’est le fait d’être usée à ne - presque - plus avoir envie de ressentir.

Héroïne eau-de-rose, pulsation vivace dans un coeur qui ne répond plus. Mes envies ont eu raison de moi. Ce soir, je ne souffre plus d’amour. Je sens
mon coeur qui ne bat plus pour personne. Les sentiments sont morts. Amours explosives, cible atteinte. Corps totalement é-vi-dé. Je suis allongée, les rideaux sont tirés. Il fait toujours nuit noire à présent.

Allongée, les yeux fermés, j’attends de voir renaître mes sentiments. Je mastique machinalement l’espoir. Il prend le goût du doute. Je subis chaque seconde comme un déshonneur. Je me suis tuée pour l’amour, hybris eau-de-rose.

Je suis tombée amoureuse des dizaines de fois. Collectionneuse de bleus hématomes, je les conserve en mon coeur ruisselant de sang froid. Je suis inerte. Je sens que c’est la fin. Je vois devant moi défiler les souvenirs, et mon corps alors vide se remplit d’amertume. Nous sommes proches du dénouement.

Je tachycarde. Sursaute. Trouve quelques dernières forces dans un brouillon de colère. Je les exploite, étudie les possibilités. Je me suis abandonnée pour l’amour. Tout est une question de vocabulaire. Métaphore dramatique, je n’en mourrai pas. Il suffit de tourner ma page.

Je ne suis qu’un personnage, héroïne eau-de-rose. J’ai vécu quelques dizaines de débuts d’histoire d’amour. Des romances superposées costumée
harlequine. J’ai l’estomac stigmaté de papillons dans le ventre. Je resterai probablement à jamais nauséeuse.

A chaque romance suffit ma peine. J’ai avorté à chaque fois qu’une rêverie m’a conjuguée prophétie passé simple : et ils vécurent heureux et eurent
beaucoup d’enfants. Charmant n’est pas très stable. Il me quitte toujours à la fin de l’histoire, avec comme seuls mouchoirs ce qui reste de pages blanches.

Je suis qu’un personnage romantique qui fait pleurer les ménagères. J’ai fait acte de mélodrame comme destinée jusqu’à épuisement. C’est terminé. Je suis allongée, les rideaux sont tirés. J’ouvre les yeux sur le silence. J’ai perdu la guerre, touché l’assurance vie. Je suis libre de faire mes propres erreurs.

Je me suis portée disparue des romans-crochets. Personne ne me recherche, ici-bas nombreux sont les aventuriers de l’amour.

La fuite. La cavale. Je deviens figurante sur la liste d’attente de ma réalité. Chercheuse de vie pour cesser de traîner mon absence d’existence comme un boulet au pied.

M’inventer corps unique et plein de défauts. Sortir du carcan symbolique et saigner pour de vrai. Ne plus être cerveau mécanisme dans peau de porcelaine. Naître en imperfection ineffable.

Je survis donc à ma narration. Plante quelques graines de libre-arbitre. Laisse tomber des gouttelettes de sueur issues acharnement. Fais pousser la subjectivité.

Savoir me lire entre les lignes. Je me suis arrachée des pages. J’ai dormi sous quelques quatrièmes de couverture. Fait ma révolution sur les pavés présents dans l’étagère de la bibliothèque où mon imaginaire avait trouvé refuge.

Je n’ai pas l’habitude d’avoir une conscience. Ça bouillonne en dedans, j’en ai mal à la tête. Je ressens le contraire et son inverse. J’ai le sourire aux nerfs et les lèvres en pelote. Tricoter des idées en points mots. La langue aiguille. Je m’emmêle les pensées. Faire des choix. Mettre un pied devant l’autre sans touches directionnelles. Et faire peau de langage. Créer ma propre histoire sans sauter à la ligne. Voir plus loin que le bout de l’étagère. Au-delà du rideau. Percer la toile de projection de la fiction. Sur la pointe des pieds, regarder les possibilités.

Je ne suis pas seule ici.


Je ne suis pas seule ici. C’est peut-être un hasard. Personnage à inventer cherche lecteur expérimental déçu des passions imprimées.

Je le vois dévorer tous les livres de l’étagère jusqu’à ne plus avoir faim de rien. Romans d’amour comme cerise sur le gâteau de sa mine déconfite. Ne plus vouloir vivre en se demandant et si c’était vrai.

Il est ici lui aussi.

Je ne suis pas responsable de mes sentiments. Créée pour aimer, je me suis libérée de mes chaînes de schéma émotions. Troqué peau de papier contre conscience mais. Je ressens contre-corps habitable. Réactions survécues bioprogrammées. On dit, l’amour, c’est neurologique.

Je le sens. Il est ici lui aussi. Mais pas assez près de. Jamais. Couloir de l’amour en nerf terminal. Attente interminable. Boostée dopamine. Ressentis neurotransmis sans passer par la case conscience. Mon inconnu nommé désir par possessif inapproprié.

Le coup de foudre. La faute aux phényléthylamines.»


Et beaucoup d'autres pages.

© marie-alice villaume (texte déposé à la SGDL)
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