Le Risque sacré

Yannick Bériault

         Que comprendraient-ils à la mort, ceux-là qui passent à côté des éclairs de soleil qui fendent le temps à côté, de leur corps qui passe, à côté de leur temps remplié ?  Ils passent, peut-on croire qu’ils sont chaque instant sur le point de découvrir, d’ouvrir les yeux sur ce qui compte, en prégnance du temps ?  S’ils vivent la nuit, ce me semble être en surface, sans tragique, ivres et abîmés, sans conscience de l’abîme.  Comment alors comprendre le jour, qui n’est rien s’il n’est pas l’époux de la nuit ?  Ils ne vont sans doute jamais embrasser ce drame qui se joue en eux : la nuit au cœur du jour, le jour au cœur de la nuit ; la mort comme noyau fort de la vie. 

         Comment comprendraient-ils les élans du temps, sans mettre leur peau en jeu, sans risquer les incertitudes du devenir pour parier sur la fulgurance qui perce le jour, fend la peau de maigre foi qui fait la continuité du corps quotidien… 

         L’émergence à même le corps vif du feu violent du non-être, qui est encore l’être lorsque tissé à contre-trame du sang, qui n’est simplement plus moi, qui est déjà plus, moins, en-deçà, transcendant par fulgurance.  Transcendant à l’antique, colonne de feu sacré, muscles bandés et risque réel, primitif, de déchirement des chairs… sacré sauvage, à même le corps, le cœur ne cessant pas de battre mais la continuité de l’être étant clivée, marquée d’une charnière existentielle : avant, après, parce que justement, l’enveloppe eut pu se rompre, le sang s’épandre dans le sable…

         Ils ne savent pas parce qu’ils passent à cent lieues de la folie, la contournent de loin, pince-nez, comprimés, mascarades…  La risquer seulement est pourtant suffisant, fulgurant, alchimique.  C’est le feu terrible accompagnant les armées d’Israël, aujourd’hui, dans la ville, dans la nébuleuse des Urbs.  Le savoir qui ne passe par cette coupe est superficiel, ne ravive pas, il ne fait que construire, tisser de l’illusion.  Et il s’ignore lui-même.

         Ils ne comprennent pas la mort et où qu’ils aillent ils ne font que transmettre un mouvement d’ensemble, courroies, véhicules.  Ils ne savent s’ériger dans la verticalité réelle, traverser à la fois plusieurs trames de fond, voir sur plusieurs plans, déchirer quelques voiles, violer le consensus par la simple fierté virile de leur érection spirituelle.  Même leur sauvagerie n’a pas ce raffinement, essence nécessaire d’une véritable noblesse.

  • Chère France, il est entendu que la monnaie que le portier prendra n'est en rien commune... Cela dit il n'y a pas de mal à y voir un coût et cela n'est certainement un symptôme capitaliste... le passeur du Styx prenait les pièces bien avant la naissance d'Adam Smith...

    Seulement, le marché me semble avoir quelque chose de Faustien et la monnaie que l'on y risque c'est son âme, ou sa peau, selon vos croyances... Si société il y a, de ces risque-tout, j'ai bien peur qu'elle soit à (re)fonder...

    · Il y a plus de 11 ans ·
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    Yannick Bériault

  • «Comment alors comprendre le jour, qui n’est rien s’il n’est pas l’époux de la nuit ? Ils ne vont sans doute jamais embrasser ce drame qui se joue en eux : la nuit au cœur du jour, le jour au cœur de la nuit ; la mort comme noyau fort de la vie.» SUPERBE!

    Combien coûteraît une adhésion totale et entière, un abonnement à cette société secrète dont vous parlez (ou pour entreprendre un tel voyage d'aventure dans sa propre in-finitude humaine)? Si on exclut dans ma question le recours au modèle économique en vigueur qui semble m'avoir contaminée abominablement), je suis acheteuse! Merci pour le BEAU RISQUE à nous le communiquer! Et bonne journée au coeur de votre nuit!

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Aquarelle

    france-lecuyer

  • J'étais convaincu que vous aviez compris le sens du texte chère dame. Pour moi nous ouvrons ici la discussion sur une autre dimension : le risque que prend l'écrivain, qui se déclare souverain de pensée, lui et ses intuitions et arrogances avec...

    · Il y a plus de 11 ans ·
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    Yannick Bériault

  • Risquer sa peau et sa vie, c’est très courageux, le tout est de ne pas se rétamer la gueule par terre, mais bon il y a toujours moyen de se relever, le risque est de se reboîter juste après. Mais comme vous le dites si bien, c’est un risque à prendre, sinon ne rien tenter et prendre le risque (encore) de se faire chier, finalement tout est risqué... sinon, j'avais compris le sens du texte, mais merci pour le mot clé :)

    · Il y a plus de 11 ans ·
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    Intrigante

  • Vous avez souligné le mot-clé : ''risquer''... Risquer sa peau, sa gueule !

    · Il y a plus de 11 ans ·
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    Yannick Bériault

  • Superbe, qui peut se risquer à comprendre les pensées des autres...

    · Il y a plus de 11 ans ·
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    Intrigante

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