Le Sang du Monde

indiana

Le rachat d’un monde passe par une rencontre. L’exigence est fondamentale. Car s’il nous est donné d’être en notre temps pour une raison qui nous échappe, il nous est aussi donné d’être pour une raison que nous choisissons, ce qui fait notre vouloir, ce que nous refuserons de sacrifier, ce que Dieu respectera et entendra à l’heure du Jugement.

Parking de l’autostrade de l’A666, kilomètre 17 avant Galleria del Monte.
Mateo et l’autre n’avaient pas seulement emprunté la voiture cinquante kilomètres, fumé dans la voiture et vidé presque le réservoir. Avant de s’éloigner, Mateo avait vu le siège de bébé à l’arrière. Il l’avait vu et s’était éloigné un peu. Puis s’était retourné. Une pichenette de reflet de soleil sur la peinture neuve l’avait trop ébloui. Le siège de bébé et cette peinture neuve lui avait parlé de bonheur.
C’est pourquoi il était retourné à la voiture, s’était glissé sous le carter, comme ça, juste pour arracher une alimentation des freins hydrauliques.

Jacques est sorti du restaurant routier le premier, en tenant Damien dans les bras. Fanny avait pris deux bonnes minutes encore pour se lever — pour bien montrer à Jacques qu’elle avait tout son temps. Il était toujours carré, à se préoccuper des détails. Deux minutes passées, elle avait emmené la petite dernière par la main, un peu trop brusquement. Et une fois de plus, elle s’était dit qu’elle avait fait exprès d’attendre, pour lui montrer qu’elle n’était pas tout à fait prête. En le faisant attendre, elle lui ferait payer un peu. Elle voulait quelque chose de confus, comme tout le monde ; qu’il revienne et lui demande pardon de ne l’avoir pas attendue davantage. Bref, qu’il l’aime plus encore. C’était son côté emmerdeuse.
Tout à l’heure, juste avant que son mari et les enfants ne meurent, elle comprendrait que c’est le petit, Théo, qui avait fait se lever Jacques, dans le café. Elle ne s’en était même pas rendu compte : Théo avait disparu. Son mari, lui, s’en était aperçu, il s’était levé pour le retrouver. Pendant qu’elle ruminait, Jacques avait cherché Théo partout, tenant Damien dans les bras, sans la prévenir, pour ne pas l’affoler. Il avait eu très peur et n’avait rien dit. Il avait retrouvé le bambin, à jouer avec des bidons dégoûtants, et l’avait ramené à la voiture. Elle n’en avait rien su. Mais au moment de l’accident, elle verrait tout. Elle sentirait que depuis dix ans, il l’avait protégée de mauvaises nouvelles des centaines de fois. Elle devinerait même, dans cet instant de prescience incompréhensible, que Jacques avait regretté d’avoir laissé sa femme seule dans le café. Dans ce moment atroce et lumineux, elle comprendrait qu’une fois de plus, ce père avait été le meilleur des maris.
Toujours fière, elle fait le tour de la voiture, vers la place du conducteur, alors qu’il s’apprêtait gentiment à la remplacer. « Tu veux bien installer la petite », dit-elle sous forme d’affirmation. Il descend de voiture, la contourne, ouvre à l’arrière droite pour installer les trois enfants. Elle s’assoit à la place du conducteur et, avant de mettre le contact, elle sent l’odeur de tabac. Elle ressort d’un bond.
Lui, dehors, la regarde déjà depuis dix secondes. Son énervement, ce perpétuel énervement des femmes heureuses sans le savoir, lui avait masqué à elle ce qu’il avait perçu tout de suite. Maintenant qu’il voit qu’elle a compris, sans un mot, il regarde la portière du passager avant. Elle fait le tour et s’approche. La portière a été forcée.
Rien ne manque à l’intérieur. Ces types ont fait un tour avec la voiture neuve, voilà tout.
Il n’y a rien à faire. Ils remontent à bord après une conversation tendue, elle estime qu’il vaut mieux aérer et repartir. Ils font peut-être sept ou huit kilomètres. Il est resté calme. Elle aurait préféré qu’il s’énerve, qu’il prenne les choses en main. Mais il est resté calme, à un point agaçant. Elle a parlé toute seule, de ce qu’ils auraient dû faire à la station, se signaler à la police… alors que c’est elle qui avait décidé de reprendre la route. Elle s’invente encore des soucis.

Comme toutes les femmes heureuses sans le savoir, c’est une usine à soucis.
Juste après s’être sentie désarmée par son silence et consciente tout à coup qu’elle devenait difficile à vivre, juste après ça, elle se tourne vers Jacques, désespérée. Son pied enfonce dans le vide. Durant ces quelques secondes, elle retombe amoureuse de lui. Il la regarde aussi, le visage doux, et il dit d’une voix monocorde – mais pendant qu’elle réalise ce qu’il dit, elle se retourne vers les enfants qui ont commencé à pleurer ensemble : « Fanny, tu n’as plus de frein ».
Elle sait qu’il y a quelque chose à faire, enclencher la seconde, faire travailler le frein moteur, il l’aurait fait, lui. Mais elle panique. Comment diable les enfants ont-ils senti qu’ils partaient trop vite ? La voiture a percuté la rambarde qu’elle a arraché. Au lieu de poursuivre sa route à l’horizontale, elle braque en l’air, la rambarde ayant agrippé le carter.
Le choc avec la rambarde a projeté Fanny à l’extérieur, elle tombe violemment au sol et se redresse aussitôt,  elle voit distinctement son mari et les enfants partir dans le vide et tomber dans la mer d’un vert sombre, ce vert typique avant Vintimille.
Les meilleurs partent toujours les premiers.
Remontant la falaise, elle atteint la route et tombe à genoux. Elle penche la tête et s’arrache lentement les cheveux.
Personne ne passe sur l’A666. Elle se lève et remonte, le long de la côte, vers la mer, vers la France. Plus haut, derrière elle, des crissements de frein, des gens affolés par ce qui vient de se passer. Elle marche encore, 10 minutes, un quart d’heure. Une sirène. Il y a du monde là-haut, sur les lieux de l’accident.
Jacques, Damien, Théo et Mathilde sont morts.

Tout s’est envolé, en quelques secondes. Plus d’avenir, plus de présent. C’est sa faute à lui, il aurait dû faire quelque chose. Il aurait dû les empêcher de reprendre la route. Mais c’est elle qui a dit que la police leur ferait perdre du temps, c’est elle qui…
— Jaaaaacques !
Hurlement qui court au-dessus du vide de la falaise et se perd dans l’air chaud .

— Qu’est-ce que je vous sers, ma p’tite dame ? ç’a pas l’air d’aller fort. Prenez quelque chose, après la frontière vous n’aurez que des cornetto. Non, je rigole, on mange très bien en Italie. Vous y allez en vacances ?
— On dit des cornetti.
— Vous savez quoi ? Vous n’avez pas bonne mine. Allez vous faire un morceau de toilette.
Fanny se lève.
— Et votre jupe est déchirée. Qu’est-ce qui vous est arrivé ?
— Je ne vais pas en Italie, je rentre chez moi. Merci, je vais me débarbouiller mais s’il vous plaît, fichez-moi la paix.

A minuit, un camion la ramasse, un Bulgare gentil et doux comme du yaourt. Il parle beaucoup, elle ne dit rien. Il la laisse à Lyon. Là, elle fait du stop. Un autre camion, une voiture, un camion.
— Vous allez où ?
— Nantes.
— Montez, je vous laisse à Vierzon.
A Vierzon, elle monte dans un train, sans un sou. Toutes ses affaires sont dans la voiture. Elle aurait dû rester sur place, et attendre les secours. Mais elle a préféré partir. Elle ne sait pas pourquoi. Elle a dû perdre la tête.
De toute façon, Jacques n’est plus là-bas. Les enfants sont au ciel, elle le sait. C’est idiot, elle pleure dans son train ; elle n’a jamais cru à rien, mais elle a vu les trois petits monter au ciel. C’est idiot. Jacques n’est pas monté au ciel. Il est mort, mais il est vivant. Il est quelque part et elle doit le retrouver. Elle doit lui dire que… qu’elle regrette. C’est plus facile à penser qu’à dire, dans ses sanglots, elle essaie de le dire, le visage dans les mains, les mains mouillées de larmes.
La SNCF ne lui a pas envoyé de contrôleur, elle descend à Tours, dort dans la salle d’attente, prend le 6H25 pour Nantes. A Nantes, elle descend après tout le monde, sale, écorchée au genou, et rentre chez elle à pieds.

Annette, sa chère voisine, a un double des clés. Eberluée, elle ouvre la porte devant Fanny, sans dire un mot. Elle lui fait un bol de soupe, lui fait couler un bain. Pendant que Fanny est plongée dans l’eau léthargique du premier bain depuis une semaine, Annette s’assoit à côté d’elle, compose un numéro sur le téléphone sans fil et dit :
— Bonsoir, madame Fanny d’Estrée est là, chez elle. Oui, elle est rentrée. Le commissaire Legris m’a dit de vous prévenir. Oui… oui. D’accord, on attend.
L’accident en Italie, le drame qui a tué une famille, toute la presse en a parlé, la police est venue et a demandé à la voisine de la tenir au courant.
— Ça va mieux ?
Fanny ne répond pas.
— Pourquoi tu n’as pas attendu les secours ?
— Il n’y avait plus personne à secourir.
— La police va venir avec un psychiatre. Ils vont t’aider.
Fanny se redresse brutalement.
— Non ! Je t’interdis de faire entrer un psychiatre.
— Pourquoi ? Tu es sous le choc. Tu te rends compte, revenir d’Italie toute seule, sans prévenir qui que ce soit ?
— Je t’interdis ! ça ne regarde personne !
Annette est une bonne amie. Elle pose le téléphone et tend un savon à Fanny. Puis se met à pleurer. Elle dit des mots mouillés :
— Fais-toi belle, au moins. Ecoute, je ne vais pas les laisser entrer. Juste le policier, d’accord ?
— Oui, merci. Tu es… Tu es ma meilleure amie.
Annette se lève et se prépare à descendre pour accueillir ces messieurs. Mais elle a une hésitation :
— Fanny ? Ils ont dit que tu n’étais pas dans l’épave. Je savais que tu étais vivante, tu sais. Mais…
— Mais quoi ?
— Ils n’ont pas retrouvé Jacques non plus. Il est où, Jacques ?
Fanny ne répond rien, pendant un instant. Puis :
— Tu sais… j’étais heureuse. Mais je ne le savais pas. C’est pour ça que je suis encore là…

Le petit temple hindou est lugubre, entre les deux rivières d’émeraude. Elle a abandonné le groupe de touristes, contrairement aux instructions formelles du guide, et maintenant la voilà dans un traquenard. L’un des deux miliciens karens lui prend le bras et crie, probablement qu’il lui dit que c’est interdit de venir ici. Ils ont peur, les doigts sur la détente des kalachnikovs. Elle ne comprend pas ce qu’il dit. Elle veut entrer dans le temple, c’est là qu’elle aura la réponse. Elle a un regard terrible, le milicien la lâche, effrayé. Elle avance vers le temple. Les deux hommes la regardent aller.

Que fait-elle là, au fond de la forêt tropicale ? Jacques lui parle chaque nuit. La première fois, ça l’a réveillée. Elle s’en est voulu, car l’image de Jacques a disparu et elle s’est retrouvée seule dans cette chambre. Cette chambre où elle a vécu les plus beaux moments de la vie d’une femme : l’amour, les bébés pendus à son sein, et tout le reste, toute cette vie de mère et de femme comblée, tout ; tout ce qu’elle a gâché, petit à petit, énervements après énervements. Elle a pensé à cette formule qui terminent les contes : « Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfant. » Et elle a ajouté à haute voix : « Et c’est là qu’elle a commencé à se plaindre… » Pourquoi est-ce qu’elle s’est comportée comme ça ? Elle les a tués. Une chambre où elle est seule. Le rêve et les cauchemars sont moins durs que la réalité, désormais. Elle s’en est voulu de s’être réveillée. Jacques lui a parlé. Dans le rêve, il était si doux, si beau. Il lui disait les choses différemment, cette fois il était si sûr de lui, il lui parlait les yeux dans les yeux. Il était comme ça, au fond, mais elle ne le lui avait jamais permis. Il lui a parlé. Il lui a dit : « Je suis revenu pour toi. Viens ! Viens jusqu’à moi. » Il est revenu pour lui donner une seconde chance.
Elle a fait tout ce qu’il lui a demandé. Après le second rêve, la seconde apparition, elle est allée au milieu de Brocéliande. Il lui a demandé silencieusement de s’y rendre.
Elle s’est enfoncée dans la forêt. Elle a trouvé une clairière. Là, dans un jour que la coupe claire permettait, elle n’a rien rencontré, ni personne, mais cent mille esprits de femmes l’entouraient, venaient à elle et l’attiraient dans leur nuit pour l’ensevelir au sein des rêves que, de leur vivant, elles avaient gâchés. Dryades, elfes, mères ancestrales, nymphes damnées, biches-fées, se pressaient autour d’elle... Et des femmes, tant de femmes qu’elle ne pouvait en croire, des femmes dont l’esprit était regret. Fanny a été effrayée, elle s’est sentie proche d’elles, elle était comme elles. Il fallait qu’elles les rencontrent, ces femmes que tout devait rendre heureuses et qui hantent encore, comme des divinités liées par des serments rompus, l’obscurité sylvestre de la forêt légendaire. Elles se lamentaient : « Nous rejoins-tu ? Nous sommes les femmes folles, punies par les femmes malheureuses, les femmes battues, violées, tuées, nous sommes condamnées à vivre ici, punies par elles pour n’avoir pas su être heureuses. »
L’une de ces femmes, dame blanche, arrêtant ses congénères maudites d’un geste auguste, lui a dit : « Si tu n’es pas des nôtres, fuis, fuis, femme folle, rattrape ce que tu t’es volé ! »
— Où est mon mari ?
L’esprit femme s’est tenu silencieux. Puis, levant le bras vers le septentrion :
— Lui, que tu disais égoïste, n’a pas enseveli le talent qui lui a été donné. Trouve-le donc, si tu le peux, avant que sur ta tête l’or ne se fasse cendre. Avant que d’être vieille et fripée, retrouve-le et donne-toi, donne celle que tu t’es gardée.
Fanny a fui, elle veut vivre désormais. Le regret est sa force maintenant, une force terrible qui ne l’arrêtera plus. Elle veut le retrouver. Elle a couru dans la forêt, s’écorchant encore, roulant sur les mousses, trébuchant, s’arrachant la joue, laissant sur les griffes végétales son fard factice et son maquillage.

Matin birman. Les bonzes, dans la grande salle, psalmodient en basculant d’avant en arrière de manière arythmique. Elle s’avance au-milieu d’eux. Un moinillon lui sourit.
Elle vient s’asseoir à côté du bonze le plus âgé, celui qui fait face à la grande porte.
— Avez-vous bien tout regardé ?
— Oui.
— Alors, vous savez comment vous étiez ?
— Qui vous a dit qui je suis ?
Le vieux bonze sourit.
— Vous êtes Fanny. Je pense que vous savez qui me l’a dit.
Elle n’ose pas répondre.
— J’étais… je l’embêtais tout le temps. Mais on a eu de bons moments. Je n’ai pas toujours été comme ça.
— Et maintenant ?
— Et maintenant, quoi ?
— Vous lui en voulez toujours ?
Elle retient ses mots, sa gorge se noue. Elle sourit maladroitement :
— Oui.
Le bonze sourit.
— Non, vous ne lui en voulez plus.
— Non, je ne lui en veux plus.
— Et c’est tout ?
Un jeune moine dit :
— Vous savez, nous autres Karens, nous risquons notre vie tous les jours. Vous avez vu les hélicoptères de l’armée ? Ils tirent sur les villageois. Nous lançons des appels à l’aide. Personne ne répond.
Le vénérable fait un geste, le jeune moine se rassoit :
— Les gens heureux ne nous entendent pas. Chaque soir peut être le dernier. C’est pour ça que nous ne commettons pas ces erreurs que vous faites, vous, les gens heureux.
— Je crois que… je crois que je l’aime plus que jamais.
Le bonze prend un peu d’encens et en jette dans l’encensoir.
— C’est bien. Alors, vous avez fait l’essentiel. Vous êtes sur le chemin. Maintenant, il faut faire le voyage.
— Pourquoi devais-je venir jusqu’ici ?
— Jacques vous l’a demandé, n’est-ce pas ?
Sur ces mots, le vénérable ne fait plus attention à elle. Il reprend ses récitations.
Fanny se lève. Elle se sent bien. Une longue route l’attend. « Mais où es-tu ? » Jacques est quelque part, là, dans les nuées, dans l’éther aérien du petit matin birman, ou ailleurs. Non loin d’elle. Elle a tant envie de lui.
Elle s’éloigne du temple. Les miliciens lui remettent un cadeau, une feuille de palme. Elle la plie et la glisse sous son sarrau.

____________________________________________________

Chap1: Accident. Une famille est tuée sur la route de l'Italie. Seule Fanny, la mère de famille, survit. Elle n'avait pas remarqué que Jacques veillait sur les enfants, spécialement Théo qui avait disparu le matin même, elle n'avait pas remarqué qu'il avait toujours veillé à la protéger des mauvaises nouvelles, elle n'avait jamais fait tout ce qu'il fallait pour l'aimer. Et quand l'auto sabotée par des petits malfrats a quitté la route, elle a compris. Elle s'en est tirée, est rentrée seule en France. L'affaire a fait la Une des journaux, on la croyait morte. Jacques, Théo, Damien et Mathilde sont morts. Les enfants sont montés au ciel, elle les a vus. Mais Jacques, qui est mort, est toujours vivant. Il est quelque part. Elle le sent. Passent quelques nuits, et il lui apparaît en songe. Elle va dans Brocéliande où elle rencontre les esprits des femmes condamnées pour n'avoir pas su être heureuses. Elle va en Birmanie, en pleine zone karen, rencontrer un bonze qui lui parle de Jacques. Mais comment sait-il ? Tout est étrange, depuis l'accident.

Chap2: Chihuahua, Mexique. Fanny rencontre une gamine qui parle un mélange d'espagnol, d'anglais et de français. La petite lui remet un drap. Dans l'avion du retour, Fanny se rend compte que le drap comporte des centaines de petites tâches de sang. Fanny doit parcourir le monde à la recherche de son amour disparu, mais elle doit aussi en passer par tous ceux auxquels elle n'a jamais pensé, tous ceux qui ont connu autant de malheur que d'autres ont eu du bonheur, ceux qui meurent pour le bonheur d'autrui. Peu à peu, Fanny se fait l'image d'une grande balance du bonheur et du malheur. Souvent, et elle a été ainsi, ceux qui ont tout ne savent pas être heureux, ceux qui n'ont rien savent s'en contenter.

Chap3: Fanny tombe malade. Dépression. Elle est lasse de courir après le fantôme de Jacques, qui ne lui parle plus dans ses songes. Elle veut tout oublier. Elle se surcharge de travail.

Chap4: Signes. Les signes se multiplient. Quand elle voyage, quand elle travaille, quand elle traverse la rue ou va à la mairie. Des mots, des objets. Ce ne peut être un coup monté, personne ne peut savoir le sens de tout ça, il n'y a qu'elle. Et Jacques.

Chap5: Elle décide d'appeler Jacques. Il revient en songe. Elle décolle pour les Etats-Unis. Un avocat la reçoit sur la 5ème ave. Il lui explique tout: le bonheur et les grâces sont donnés en quantité égale à chacun mais peu le savent, peu font fructifier ce qu'il leur est donné. Chacun porte sa croix, chacun vit les peines qu'il doit souffrir et qu'il seul à même de souffrir. "N'avez-vous jamais essayé d'imaginer vivre les difficultés de votre voisine ?" "Si, j'y ai pensé." "Et alors?" "Alors, je n'y arriverais pas." "Voilà: vous souffrez ce que vous pouvez et devez souffrir, c'est votre croix." Pourquoi cet avocat-là sait-il tout ça ? Parce que bien des gens qui savent se sont jetés dans le monde et se battent secrètement pour maintenir l'équilibre de la balance. Ils ne sont pas une confrérie, mais ils savent se reconnaître, rien qu'au regard. Mais il y a le sang. Chaque jour, le sang coule. Tant que ce sang est dispersé, il y a déséquilibre. "Il faut réunir le sang du monde."

Chap6: Bouleversée, Fanny croise dans les rues de New-York des quantités de gens qui semblent lui faire signe, sourire. Les gens lui sourient dans les rues de Singapour, à Sienne, à Paris, à Toronto, partout. Et partout elle va à la recherche des gens blessés et tués pour rien. Elle recueille une tâche de sang de chaque victime sur le drap. Il est inutile de marquer quoi que ce soit sur le drap, l'ADN dit tout.

Chap7: Jacques se bat. Contre le silence du monde qui tait la vérité; contre le bruit du monde qui recouvre la vérité. Chaque mort injuste provient d'un même et unique mécanisme, la longue progression d'une erreur qui rejaillit sur chacun. Cauchemars. Bien et Mal se livrent des combats immenses, ils n'existent pas en ce monde mais dans l'autre.

Chap8: Les puissances du monde. Fanny est contactée par la préfecture. Le préfet lui explique qu'elle doit arrêter de collecter du sang. Ce n'est pas hygiénique, ce genre de choses. Il menace. Elle tient bon. Elle reçoit un appel du ministère, même discours. La présidence de la République l'invite. Elle s'y rend. Le président parle d'"organisations mondiales", de "gens influents", de "préoccupations d'ordre mondial". Elle doit renoncer. C'est très important. Pourquoi ? Il ne parvient pas à l'expliquer, il n'est là que pour expliquer, il n'a pas le pouvoir de changer quoi que ce soit. Elle rentre chez elle, cache le drap. Dehors, des policiers et un scientifique, un type étrange. Ils lui expliquent qu'il est inutile de cacher le drap, car il n'est pas en leur pouvoir de le prendre. Elle ne comprend pas. Le type entre dans la maison, il va droit à la cachette, il découvre le drap et... ne parvient pas à s'en approcher. Une sorte d'inhibition. Il fait entrer un policier, lui donne l'ordre de le prendre, même réaction. Impossible pour eux d'y toucher. "C'est une force qui nous dépasse". Nous vous demandons juste d'arrêter. Mais nous ne pouvons pas vous en empêcher." "Aucune armée, aucune police ne peut vous barrer la route." Elle veut s'en rendre compte.

Chap9: Fanny va en Somalie, au Nicaragua, en Thaïlande, en Mongolie, partout. Elle receuille du sang, des petites tâches de sang. Les autorités publiques qu'elle rencontre, quelles qu'elles soient, s'écartent toujours devant elle, elle peut aller n'importe où. On lui explique: il lui reste 400 tâches à recueillir. Si elle persiste, elle les recueillera sur les lieux d'un gigantesque attentat. Si elle renonce, l'attentat n'aura pas lieu. Quel attentat ? Un attentat que les organisations mondiales feront commettre par une organisation terroriste quelconque, quelque chose qui provoquera aussi d'immenses dégâts, par exemple à Rome, sur la place Saint-Pierre, la civilisation y perdra la moitié des oeuvres de Leonard de Vinci et la bibliothèque pontificale, la plus importante du monde. Est-ce qu'elle veut ? C'est la lutte ultime.

Chap10: Fanny décide. Elle fait son choix.

  • Il y a une fluidité et une précision à votre narration qui stimule grandement l'attention. Voilà, maintenant j'ai le désir de suivre cette histoire. Le plan que vous nous partagez, vous le suivez, c'est un projet que vous continuez ?

    · Il y a environ 11 ans ·
    11033880 825117154233339 6283109977325325793 o

    Yannick Bériault

Signaler ce texte