Le silence pour oublier
justine_diot
J'ai été élevé comme la plupart des enfants dans une famille aimante, entourée de mes parents. J'ai vécu une vie articulée entre joie et insouciance d'une enfant de famille ordinaire. Il y avait mon père, ma mère et moi. Ils s'aimaient. Ils m'aimaient. On vivait à l'abri des mensonges, des mystères, des drames.
Très tôt, j'ai appris à respecter les règles, à mériter chacune des choses que je désirais, à ne pas parler la bouche pleine, à respecter la parole des aînées, et ainsi de suite.
Aussi, il peut paraître étrange que je me sois terrée dans le silence une bonne partie de ma vie. Le soleil ne se levait plus dans mon monde. Se taire, s'enfermer dans le mutisme était mon lot quotidien.
Tâcher de trouver une sortie dans cet univers noir où le silence était le seul moyen de me protéger, de me sentir bien et d'avancer. Cacher mes tourments, mes peurs, mes inquiétudes aux yeux de tous et rester seule dans ce monde. Me convaincre que mon malheur n'était que passager et qu'un jour la lueur du soleil apparaîtra de nouveau dans mon ciel gris sans étoile.
Étrangement, pendant longtemps, personne ne perçut mon désarroi. J'ai gardé le silence comme refuge un moment, pour que ma vie s'apaise. Et ma parole n'a manqué à personne.
Et un jour, les mots sont sortis sous l'influence d'une colère trop longtemps refoulée. Des mots qui ont blessé, mon entourage et moi. Des mots dits qui ne s'effaceront jamais. Parler fut effrayant, je m'en souviens. Je redoutais leurs regards, leurs jugements comme si j'étais la fautive de cet évènement.
Ce qui s'est passé ce jour-là, ce soir-là, dans cette ruelle sombre, je m'en souviendrais toute ma vie. Une souffrance intérieure qui me ronge un peu plus chaque jour. Souvent, ma coquille m'attire encore car j'ai peur de ces pulsions qui agitent le monde. Mais, j'ai retrouvé mon sourire, mes mots qui me libèrent, me transforment. Frustration et complexe s'abrège, et mon combat intime disparaît petit à petit...
Un jour viendra où mon ciel sera bleu et ensoleillé, où mes nuits seront étoilées. Mais, jusqu'à ce que ce jour arrive, je ne pourrais oublier.
A croire que le malheur de l'autre est toujours une langue étrangère.
· Il y a environ 12 ans ·Mais il reste la beauté d'écrire.
Ecrire pour apprivoiser la douleur et le monde.
Frédéric Clément