Le Thinker n’en fait qu’à sa tête

Baptiste Szuwarski

Et si le Thinking était le reflet le plus fidèle de notre personnalité ?

Et si le Thinking était le reflet le plus fidèle de notre personnalité ? Clemens Lehnebach, premier ministre allemand, est la première personnalité publique à s'opposer ouvertement aux avancées du géant américain après le scandale que la presse appelle depuis quelques jours « l'affaire du fantasmessage ».

 

 

Prise de tête

 

 

Depuis la sortie de sa nouvelle technologie Thinking, Apple n'a de cesse d'animer la communauté connectée. L'annonce avait déjà été ressentie comme une bombe lâchée sur la Toile : contrôler un device par la pensée marque un bond technologique astronomique, diminuant encore l'espace séparant l'homme de la machine.

 

 

Le Thinker, système de connexion entre le device et l'esprit humain, démontre  une nouvelle fois l'avance qu'a réussi à prendre Apple face à son challenger coréen Samsung. Celui-ci avait pourtant marqué l'année avec la sortie de Select, son système ultra-perfectionné d'organisation de Cloud développé par Google. Mais en terme d'équipement, Samsung garde un retard prononcé comparé à l'envolée technologique de la marque à la pomme.

 

 

Le tri de la surinformation face au développement du device : un choix audacieux, mais non suffisant pour la marque coréenne. Avec la technologie du Thinking, Apple bouleverse les habitudes numériques des consommateurs et propose une nouvelle façon d'envisager la technologie dans son utilisation quotidienne. « Ce n'est plus à l'homme de comprendre la machine, mais à la machine de comprendre l'homme » disait Steve Jobs, le CEO d'Apple, lors de sa conférence de presse le mois dernier.

 

 

Le terme de Thinker marque lui-même cette rupture : l'iPod révolutionnait notre consommation musicale, l'iPhone lançait la révolution Smartphone, l'iPad notre façon d'utiliser le virtuel au quotidien et l'iPlay le jeu vidéo en ligne. Le Thinker se veut radicalement différent, non-pas en apportant une évolution dans un domaine précis mais une nouvelle approche de notre utilisation de la technologie en général, tous domaines et tous supports confondus.

 

 

Je dis ça, je ne dis rien

 

 

            Une question plus philosophique se pose : laisser la technologie s'infiltrer directement dans notre cortex pour qu'elle puisse y interpréter nos pensées, n'est-ce pas lui procurer une trop grande liberté ? Peut-on considérer que la personnalité d'un être humain aujourd'hui se compose en partie d'une identité virtuelle extérieure ? Laisser un appareil électronique deviner nos ordres sans même les formuler ne représente-t-il pas un risque ?

 

 

C'est en tout cas la vision du premier ministre allemand Clemens Lehnebach, qui en a fait les frais la semaine dernière. En plein conseil des ministres, celui-ci a envoyé un message sulfureux relativement explicite à son assistante de cabinet (nous n'évoquerons volontairement pas le contenu ici). Le politicien jure pourtant ne jamais l'avoir envoyé. Mauvaise interprétation de son device ou mauvaise foi ?

 

 

            En effet, la technologie psychokinésique* n'en étant encore qu'à ses débuts, on est en droit de se demander si celle-ci est prête à être commercialisée par Apple. Ce pauvre Lehnebach n'est d'ailleurs pas un cas isolé : l'avocat David Khozer a plaidé la « déviance technologique » dans le cadre du divorce de son client. On pourrait aussi parler ici du fait divers qui a endeuillé la France cette semaine : la petite Anne qui s'est suicidé en rentrant de l'école. Son mobile avait informé tous ses amis Facebook de sa bisexualité un peu plus tôt dans la journée.

 

 

            Steve Jobs a pourtant clairement confirmé sa position sur le sujet. Pour le businessman, dont l'entreprise suffit à elle-seule à faire vivre l'état de Californie, ces mauvaises interprétations de nos stimulis mentaux ne sont « qu'une phase de transition normale entre deux univers, le temps que l'homme et sa division virtuelle trouvent leur place dans ce dialogue entre cerveau et device. » À la fin de sa conférence de presse du 28 mars, il conclue le sujet en affirmant : « Il ne faut pas voir cette technologie comme un ennemi, mais comme une opportunité incroyable. Les problèmes qu'elle engendre aujourd'hui seront réglés par une simple mise à jour. »

 

 

Perdu dans ses pensées

 

 

            Dernièrement, Apple Company a annoncé son ambition de conquérir de nouveaux marchés grâce à son innovation. Le Thinking pourrait donc se retrouver sur de nombreux connectors d'ici l'année prochaine, en particulier dans nos maisons. De la machine à laver qui lance votre lessive au bon programme, juste en y pensant, à votre écran changeant de chaîne à votre guise, on imagine déjà l'immense potentiel de développement de notre confort quotidien.

 

 

            L'histoire montre que depuis toujours, l'évolution de l'homme suit le même chemin : il devient de plus en plus cérébral et tend à éloigner le plus possible le travail physique de sa condition. Le Thinking ne serait donc qu'une continuité logique de la révolution industrielle et numérique. En 2018, le film The New Country d'Alex Proyas évoquait déjà cette façon d'évoluer dans un monde ultra-connecté, ou les biens matériels répondaient à l'homme sans que celui-ci ne fasse le moindre effort. Une vision futuriste qui s'avère aujourd'hui bien réelle, seulement quelques années plus tard. Espérons néanmoins que cette nouvelle étape de « L'homo Connectus » ne termine pas dans une lutte sans merci entre l'homme et la machine au sein même de nos cerveaux, comme le film l'annonçait il y a sept ans.

 

 

 

Baptiste Szuwarski

 

 

 

 

 

 

*psychokinésie : faculté métapsychique d'agir directement sur la matière, par l'esprit. On parle de technologie psychokinésique lorsqu'un appareil se contrôle par le biais de la pensée.

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