Le vieux chien.(1)

Avec du mauvais destin on peut mettre ses ambitions de côté, mais il suffit de prendre rendez-vous avec lui pour pouvoir changer le cours des choses.

Ainsi donc, mardi dernier, j'attendais mon destin Chez Pierrot, où nous nous étions fixés rencard à 14 heures. J'étais assis en terrasse du bar et j'étais bien dans ma tête, comme allongé dans un bon lit avec un bon livre puisque je n'ai pas vu la lumière s'éteindre.

Apaisé et enivré par quelques demi de bière bien servi, je me repassais dans un plan séquence, quelques instants de ma vie tout en prenant soin de ne revisiter que le positif. J'étais assez content de moi-même puisque j'en concluais que pour avoir obtenu une Black Card à débit illimité, une collection impressionnante de voitures rapides, une maison sur la mer avec la fibre dans les tuyaux, une piscine à vagues répétitives, une jolie femme qui sentait bon et qui pouvait passer son temps chez les coiffeurs et les instituts de beauté autant qu'elle le souhaitait pour plus facilement se faire géolocaliser, que j'avais dû forcement plutôt bien calculer et réussir mes coups.

Pourtant, une sorte de petit nuage venait s'installer dans ce petit flashback avec l'arrivée de mon chien qu'on aurait dit ressembler à un vieux tapis à franges tellement il avait le poil long et terne, de la couleur d'un catalogue Ikea, dans des teintes qui faisaient penser à une mauvaise impression sur papier recyclé:

- Tu sais quel âge il a le Loulou ? me demandait Betty en petite voix off.

- Il est pas tout neuf ! C'est un vieux chien !

- 12 ans ! Et 12 ans chez un chien, ça fait grosso modo 80 balais ! T'imagines ? Il va bientôt falloir penser à le remplacer !

- Betty !  On va quand même essayer de le laisser mourir tranquille ! Il est pas aux pièces !

- Il est pas aux pièces, il est pas aux pièces ! Toi, tu changes bien tes bagnoles quand t'en as marre ! Y a même encore parfois le plastique de protection sur les sièges arrière pour mieux les revendre !

- Mais le Loulou c'est pas une voiture, il a pas de sièges ! Et puis un tien vaut mieux que deux tu l'auras ! (je savais que cette fin de phrase allait travailler Betty, mais je n'y pouvais rien).

- Toi, t'es encore allé Chez Pierrot! T'es encore allé trainer avec ton destin !

(fin des petites voix).

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