Le visage de Comédie

Yeza Ahem

Quand un de plus est un de trop...

Vous me trouvez souriante ? Croyez-vous que j'aie le choix ? Voilà des années que mon cœur de pierre ne rit plus et se repent. Non, ne partez pas : je ne voulais pas être insolente ou méchante. Restez... je suis si seule à présent. Soit, puisque vous voulez connaître mon histoire, je vais vous la dire. Mais sachez que vous allez sourire, gronder et pleurer pour moi.

Enfant, j'étais comme toutes : espiègle, rieuse, parfois boudeuse. On me disait mignonne et j'aimais déjà cela. Puis je grandis et ma beauté avec moi. Nombreux étaient celles et ceux qui rivalisaient pour être à mes côtés. Et j'aimais cela. Je me suis fait un jeu de séduire, puis de repousser quand mes mœurs en venaient à être choqués. Bref, je me suis amusée avec les cœurs qui m'ont aimée et haïe, avec les esprits qui m'ont invoquée et maudite.

Je me sentais puissante et forte mais jamais je ne pouvais voir les Hommes autrement que passionnés. Alors peu à peu mon cœur s'est aigri et j'ai été plus cruelle avec ceux qui m'aimaient, les poussant de plus en plus hors de l'humanité, et moi avec eux. Puis un jour un être vint me voir. Je sus tout de suite qu'il était autre car mon visage, mon allure, ne le faisaient pas plus que sourire. Il me demanda ce qui avait obscurci mon âme et je lui racontais alors ma solitude. Il fouilla sa besace et en sortit un masque affreux. Il me suffirait de le porter pour que ma magie cesse. Et c'est ce que je fis, chaque fois que je voulais de la compagnie pour rire, parler, partager. Ce fut une période heureuse dans ma vie.

Et pourtant, chaque fois que je revoyais celui qui m'avait aidée, une pensée insidieuse creusait son lit : lui n'avait pas succombé à ma beauté. Je n'avais pas pu être maîtresse de lui. Peu à peu, l'idée de réussir à le séduire devint folie. Il sentit que je changeais et me dis de me contenter de l'Humanité. Si je venais à être trop désirable à ses yeux, il ferait en sorte que jamais plus je ne puisse m'y soustraire. Alors, je l'assurais que son amitié me suffisait. Quelques semaines passèrent mais ma folie d'orgueil me revint et je tentais de le séduire. Un instant, j'ai vu un changement dans ses yeux. L'instant d'après, il me regardait, heureux et triste, mais moi je ne pouvais plus bouger. Son amour m'avait transformée en idole de pierre et depuis, j'attends qu'il se lasse de moi pour redevenir femme de sang et de chair. Depuis si longtemps...

Ah... vous devez partir, déjà ? Revenez me voir et me raconter le monde de ceux qui aiment, haïssent, vivent. Bientôt, peut-être ?


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