LE VOL DU CONDOR

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LE PROFIL

Yasmina Kallen naît en 1983 au sud de l’Angleterre, fruit d’une liaison éphémère entre un marin Turc et une Britannique d’origine Sri Lankaise. Malgré la précarité du foyer maternel, son enfance s’écoule sans incident. À l’école, elle est très tôt diagnostiquée comme surdouée, sans pour autant être dirigée vers un institut spécialisé, faute de moyens. À l’adolescence, un autre atout se révèle : celle que ses amis surnomment « Yass » est en passe de devenir une jeune femme à la beauté hors du commun.

Sa vie bascule à 17 ans, la nuit du passage au nouveau millénaire. À l’issue du réveillon célébré dans une discothèque, elle est victime d’un viol collectif alors qu’elle est encore vierge. Deux mois jour pour jour après ce drame, quatre jeunes gens de bonne famille sont retrouvés dans un appartement huppé de Londres, le crâne fracassé à coup de marteau. Si la relation entre les deux faits-divers échappe au Yard, elle est en revanche parfaitement établie et analysée par le T.I.R. (Transversal Intelligence Resort), une organisation secrète non gouvernementale qui à l’habitude – entre autres – de repérer et de surveiller les profils exceptionnels qui émergent de la population.

Peu de temps après, Yass intègre une université prestigieuse grâce à un concour de circonstance qu’elle met naïvement sur le compte de la chance. Dans les années qui suivent, elle gravit brillamment les échelons de son cursus et se lie d’amitié avec sa directrice de thèse, Lady Hittle, sans se douter que cette honorable vieille dame est aussi la responsable des ressources humaines du T.I.R. Un soir, Lady Hittle invite sa protégée à dîner dans son manoir. À cette occasion, elle lui présente son fils, Aston Hittle, un homme distingué qui annonce vouloir lui parler de son avenir. Personne ne sait ce qu’ils se disent cette nuit-là. Mais à la suite de cette rencontre, Yass met un terme à ses études et disparaît pendant quatre ans.

En 2009, c’est une femme nouvelle qui débarque au Royaume Unis. Sa beauté est arrivée à maturité, même si son physique reste énigmatique. Ceux qui ne la connaissent pas lui attribuent indifféremment des origines espagnoles, sud-américaines, moyen-orientales ou encore indous. Brune aux cheveux courts, la silhouette athlétique, elle ne fume pas et déteste l’alcool, à l’exception des grands crus de vins blancs auxquels elle voue un véritable culte. Outre le fait qu’elle parle cinq langues, elle est devenue une combattante redoutable doublée d’une analyste hors pair. Seul point faible : elle n’est jamais parvenue à se débarrasser de sa phobie des armes blanches. La simple vue d’une lame peut lui faire perdre tous ses moyens. Cette même année, elle démarre sa carrière au Service Action du T.I.R. Elle à 26 ans.

Sur le plan intime, Yass pallie le traumatisme de son adolescence par une sexualité complexe. Lors de ses périodes stables, elle choisit ses partenaires au gré de son humeur, bien que ses critères soient plutôt atypiques. Mais épisodiquement, la métisse est en proie à une frénésie sexuelle qui échappe à son contrôle. Elle est alors capable d’assouvir ses besoins via les pratiques les plus baroques, allant jusqu’à frayer avec ses vieux démons en se laissant volontairement humilier le temps d’un soir. De manière plus secrète – mais constante – elle apprend également à assumer ses pulsions homosexuelles, sans pour autant franchir le pas. Elle n’est jamais tombée amoureuse.

Au chapitre des curiosités, Yass possède le don étrange de deviner la taille du sexe des hommes au centimètre près, sur la seule base de leur morphologie extérieure. Si cette capacité est le plus souvent divertissante, elle s’avère être parfois utile pour décoder ou manipuler le comportement de ses interlocuteurs masculins.

LE SYNOPSIS

Sous le mandat du président Evo Morales, la Bolivie tourne une page de son histoire. Mais les nationalisations mises en œuvre par ce premier président d’origine amérindienne rencontrent de vives résistances au sein des élites économiques blanches de la région de Santa Cruz. Ces dernières, représentées par le puissant et opaque Cartel Civique de Santa Cruz, n’hésitent pas à brandir des menaces de sécession entre leur département regorgeant de ressources et le reste du pays notoirement défavorisé.

La tension monte d’un cran lorsqu’un correspondant anonyme qui se fait appeler El Condor avertit la CIA qu’une partie de l’état major de l’armée bolivienne a secrètement rejoint les intérêts des séparatistes. Leur but : imposer militairement la scission et scinder le pays en une zone indigène « pauvre » et une zone blanche « riche ». La conséquence directe : le deuxième gisement de gaz naturel du continent serait alors contrôlé par le Cartel de Santa Cruz.

Les acheteurs traditionnels de cette matière première, en l’occurrence les USA et le Brésil, voient la perspective de ce monopole d’un mauvais œil. Ils préfèrent de loin continuer à négocier cette denrée vitale avec Evo Morales auprès duquel ils disposent de leviers humanitaires et économiques suffisamment puissants pour garantir la stabilité du prix de vente.

El Condor affirme être un membre haut placé du Cartel et insiste sur l’urgence d’une intervention extérieure. Mais la CIA, historiquement et idéologiquement proche des oligarques de Santa Cruz, estime ne pas être l’organisme le plus indiqué pour intervenir dans cette crise. Les cadres de Langley font donc appel aux agents du Transversal Intelligence Resort pour que ces derniers infiltrent le Cartel. L’objectif de l’opération est d’identifier El Condor, de connaître ses motivations et d’évaluer la marge de manœuvre qui permettrait d’éviter une scission de la Bolivie.

Pour cette mission, Aston Hittle, le chef du Service Action du TIR, décide de faire monter au créneau un agent qui sera autant à son aise dans le cercle ultra-fermé du Cartel qu’au sein des groupuscules indigènes du bidonville d’El Alto : Yass Kallen.

LA SCÈNE ÉROTIQUE

Elle ouvre la porte et cède le passage à une femme de chambre qui tient son plateau à hauteur du menton, comme s’il s’agissait d’un Saint sacrement. Une jolie rousse, avec un visage mutin et une discrète odeur de vanille qui flotte dans son sillage. Voilà un gentil amuse-gueule, pense Yass en la regardant déposer la bouteille de Creu de la Vit sur la table. Ou alors, un éventuel accompagnement pour un plat plus consistant… En détaillant la soubrette qui regagne le couloir, elle ne peut pas éviter un geste d’agacement. Elle connaît bien ce signal que lui envoie son corps ; elle sait qu’elle tournera comme une lionne en cage tant qu’elle n’y aura pas répondu. 23h15. Le contact ne va plus tarder. Avec un peu de chance, le briefing sera bouclé en trente minutes et elle pourra se retrouver dans un de ces bars branchés de Barcelone, pile à l’heure où l’ambiance devient torride.

– Yass Kallen ? Excusez-moi, mais la porte était ouverte. L’homme se tient à l’entrée de la suite, une enveloppe à la main. Grand, taillé comme un taureau, c’est un pur produit de la péninsule Ibérique. Il est bronzé, porte une barbe courte, des cheveux noirs mi-longs et la chemise blanche qui dépasse de son jean ne parvient pas à cacher un ventre un peu trop confortable. 21 cm, enregistre-t-elle. Mais ce qui la frappe surtout, ce sont ses yeux, d’un vert émeraude presque irréel. Il ressemble à un pirate, s’amuse la métisse.

Les présentations sont rapides. Une fois installés dans le salon, Hernando Vilchez vide le contenu de la pochette et lui fait un topo sur sa couverture. La routine : passeport, permis de conduire, curriculum des trois dernières années… Le discours est sec, à peine courtois, le catalan est visiblement nerveux. Au bout d’un quart d’heure, Yass ne lui prête plus qu’une oreille distraite. Elle préfère donner libre cours à son imagination en observant les larges mains et les avant-bras musclés de son interlocuteur.

Señora, vous ne m’écoutez pas, s'interrompt-il.

– Bien sûr que si, tranche-elle dans un sursaut. Mais je boirais bien quelque chose. Vous nous servez un verre de vino blanco ? Après une brève hésitation, le pirate se lève et se dirige vers la table. Dernière bonne surprise, il a aussi un beau cul…

Il revient vers le sofa, un verre dans chaque main. Mais plutôt que de prendre le sien, Yass passe ses doigts sous la chemise de l’Espagnol et empoigne fermement son entrejambe. Elle laisse échapper un petit rire rauque. Voilà pourquoi Hernando paraissait si mal à l’aise : il bandait déjà avant cet attouchement. En quelques gestes, la métisse libère le sexe épais de l’Espagnol et en emprisonne l’extrémité entre ses lèvres. Comme d’habitude, son estimation était juste. Hernando lâche les deux verres, le souffle court ; il a soudain l’impression d’avoir le gland plongé dans un pot de miel tiède. De son côté, Yass savoure le trouble qui l’envahit à chaque fois qu’elle s’apprête à sucer un homme. Ce si grand pouvoir qui peut à tout instant basculer dans la plus grande vulnérabilité… Elle provoque son partenaire, lèche sa verge sur toute sa longueur et lape furtivement ses cojones. Elle joue avec ses nerfs jusqu’à être certaine qu’il n’est pas du genre à la prendre par les cheveux pour lui faire comprendre ce qu’elle a à faire. Rassurée et le sexe en eaux, elle cesse alors ses jeux de langue pour le prendre entièrement dans sa bouche. Pour elle, le plaisir à faire une fellation n’a toujours tenu qu’à un fil.

Quelques minutes plus tard, ils sont nus sur l’immense lit de la suite. Yass est à califourchon sur la bouche de l’Espagnol, arc-boutée, les bras tendus en arrière pour lui tordre les mamelons pendant qu’il la dévore. Un frisson dans les épaules lui annonce un orgasme imminent. Elle se redresse, agrippe le barbu par la nuque et plaque fermement son visage contre son sexe. Une explosion silencieuse la délivre enfin ; encore un bon point pour le pirate. La métisse reste immobile quelques secondes, haletante, puis se laisse tomber sur le coté. Les jambes écartées, elle l’invite à la pénétrer. La masse d’Hernando se positionne au-dessus de la jeune femme, puis il entre en elle, tout doucement. D’une main sur le torse, elle l’arrête.

– C’est bon, tu m’as suffisamment montré que tu es un amant délicat. Maintenant baises-moi comme tu veux. Comme tu le veux vraiment.

LA SCÈNE D’ACTION

Quant elle recouvre ses esprits, Yass peine à identifier le lieu où elle se trouve. La pièce ressemble à un bloc opératoire désaffecté. Sol et murs carrelés, pas de fenêtre, une unique porte en métal. Ça, c’est pour le décors glauque. La situation, elle, est parfaitement claire. Elle est nue, les pieds entravés et les poignets pris dans des menottes rattachées aux bras d’un fauteuil par des chaînes d’une trentaine de centimètres. Le vieux général Ochoa est installé à quelques mètres d’elle, l’air affable. À côté de lui, Paco est ligoté à une chaise ; le petit bolivien parait plus juvénile que jamais. Posé sur la table près du septuagénaire en uniforme, elle reconnais son HK 9 mm.

Señora Kallen, vous n’imaginez pas combien de fois je me suis retrouvé dans ce genre de situation. Je peux vous décrire précisément le déroulement des minutes qui vont suivre. Je sais que vous connaissez l’identité du Condor et vous allez bien sûr le nier. Je vais alors tirer une balle dans chacune des articulations de ce gamin et lorsqu’il en vomira de douleur, vous craquerez. Ce qui ne m’empêchera pas de vous tuer tous les deux une fois que j’aurai obtenu ce que je voulais, n’est-ce pas ?

La jeune femme garde le silence. Le général se lève et se dirige vers elle, un plateau argenté à la main.

– Mais quel ennui, vous ne trouvez pas ? C’est pour cela que je vous propose une légère variante. Certes, je vous tuerai après que vous m’ayez livré votre petit secret, mais je suis disposé à épargner votre jeune ami, ajoute-t-il en déposant le plateau à portée de la prisonnière.

Yass retient une montée de bile en découvrant l’objet qui y repose : un scalpel.

– C’est quoi le deal ? Demande-t-elle d’une voix blanche.

– C’est très simple, annonce-t-il en regagnant son siège, en échange de la vie de ce pouilleux, je souhaite que vous vous excisiez devant moi. N’y voyez pas là un caprice de sadique, mais plutôt le raffinement d’un connaisseur ; je serai ravi d’ajouter votre charmant appendice à ma collection très particulière. À vous de décider ma chère, vos chaînes sont juste assez longues pour effectuer votre petit ouvrage. Je vous donne trente secondes. Passé ce délais, nous reviendrons au scénario initial : je torture le môme, vous flanchez, vous mourez tous les deux.

Yass tente de trouver une échappatoire, mais les reflets de l’ustensile chromé lui paralysent le cerveau. Pour endiguer les premiers symptômes de la panique, elle se cramponne de toutes ses forces à ce qu’on lui a appris : « la seule chose à faire pour se sortir d’un merdier extrême, c’est d’opter pour une solution plus extrême encore ». Le regard vitreux, elle se saisit alors du scalpel. De sa main gauche, elle écarte les lèvres de son sexe, puis applique ses doigts de part et d’autre de son clitoris. De la droite, elle positionne l’outil de cauchemar. Le temps semble s’arrêter. Elle ferme les yeux et exécute son geste. Le sang jaillit, accompagné par le cri sourd de la jeune femme qui voit le petit bout de chair ensanglanté atterrir sur sa cuisse. Tétanisée par la douleur, elle lâche l’instrument chirurgical et comprime la base de son pubis qui se teinte inexorablement de rouge.

– Oui… Murmure le général dans un souffle d’extase. Il se lève précipitamment en chaussant ses lunettes. Mais avant qu’il n’arrive jusqu’à elle, Yass attrape son organe mutilé et le met dans sa bouche.

– Petite salope ! Hurle-t-il en se jetant sur le visage de la métisse. Craches ça immédiatement, il m’appartient !

C’est exactement là où Yass voulait l’amener. Grâce à la longueur des chaînes, elle parvient à empoigner les revers de l’uniforme du vieillard. Il est à elle. Dans un geste que son bourreau ne pourrait ni anticiper ni même imaginer, elle plante ses dents au creux du cou flasque et les refermes sur la carotide. Pris dans cet étau humain, Ochoa ne peut rien faire pour échapper à la morsure fatale. L’agonie dure une longue minute durant laquelle seuls les râles du couple uni par ce baiser de mort viennent rompre le silence.

Lorsque le général roule enfin sur le sol, Yass est au bord de l’asphyxie. Après un long moment, elle réalise que Paco est allongé près du corps, les bras toujours attachés à la chaise avec la quelle il s’est traîné jusque-là. Du bout des doigts, et au jugé, il s’efforce de fouiller les poches du cadavre. Une fois la clé des menottes en main, il réitère son exercice de contorsionniste pour détacher la jeune femme. Aussitôt libre, Yass sectionne les liens de son sauveur et fonce vers le bureau pour récupérer son automatique. Incrédule, le jeune homme contemple la scène surréaliste. Son amie est nue, le bas du visage maculé du sang du militaire et les cuisses inondées par le sien. Elle vérifie tranquillement le chargeur de son arme.

– Mais qu’est-ce que t’as fait Yass ? Tu t’es quand même pas coupé le clito ?

– Et comment sais-tu ce que c’est, toi ? Répond-elle avec un sourire malicieux.

Devant le regard halluciné de l’adolescent, elle juge préférable de lui donner une explication rationnelle. Elle exhibe un doigt ensanglanté.

– Ne t’inquiètes pas. C’est la peau de mon pouce que j’ai tranché. L’autre malade a tellement pris son pied qu’il n’y a vu que du…

Elle est interrompue par Ugo qui fait une entrée soudaine dans la pièce, son AK 74 toujours suspendu à l’épaule. Devant le spectacle qu’offre la prisonnière, il marque un léger temps avant de cerner la situation. C’est plus qu’il n’en faut à Yass pour presser deux fois la détente de son HK. Le gros garde du corps déguste la première balle dans le sternum et la seconde sous l’œil gauche. Il s’écroule sur le carrelage dans un bruit mou.

– Trouves-moi ma petite culotte Paco, on s’arrache d’ici.

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