Last night

--mephisto--

Last night

« Last nite she said Oh baby I feel so down When you turn me off When I feel left out So I, I turned round Oh baby don't care no more I know this for sure I'm walking out that door »

The Strokes

Elle le regarde dans le rétroviseur de leur BMW. Enfin, de sa BM, à lui. Elle n’en a jamais voulu de ce cadeau, « empoisonné ». C’est le terme qu’elle avait utilisé à l’époque. Il avait souri, s’était approché d’elle. Pour la première fois, elle n’avait pas fui. Elle l’avait laissé pénétrer sa main dans ses cheveux, le regard figé sur un point imaginaire, posé quelque part sur les dalles marbrées du casino. Ils ne se connaissaient que depuis quelques jours. Lorsqu’il l’invita à prendre un verre dans sa suite, elle eut un long moment d’hésitation. « Je devrais pourtant arrêter ces inepties », s’était-elle surprise à songer.

Il  était séduisant, elle était fille d’émigrés. Il allait sur ses 52, possédait des villas à travers le pays, dînait chez les plus grands, roulait en Jag. Elle…elle n’avait jamais rien connu de tout cela. Elle, elle avait sa jeunesse, sa beauté glaciale, des yeux limpides et un corps à faire se rhabiller les starlettes du porno. Nombre d’hommes détournaient le regard en la croisant. Elle en avait pris l’habitude. C’est elle qui menait le jeu, à chaque fois. Un jeu gagnant. A chaque fois…ou presque.

C’est ce qui l’a surprise chez lui. Et chose étonnante, ce qui fait que 6 ans après il était toujours là. 6 ans ! Autant dire qu’elle était loin de s’en douter, ce soir là, plongée dans la volupté du champagne et la douceur des fraises. Elle espérait encore remporter la partie, comme de coutume. Le problème est que ça en devenait presque insolent de facilité. Il suffisait de s’accouder au bar d’un hôtel un peu select, de fixer langoureusement deux ou trois types de passage pour affaires, de préférence étrangers (son regard azuré lui venait généralement en aide à ce moment là) et le show commençait. Une prestation maîtrisée à la perfection.

Ainsi, après deux ou trois tours de passe-passe, issus de techniques apprises durant un passage bâclé par une formation d’art dramatique, l’affaire était généralement entendue. Comme quoi, non, elle n’y avait pas perdu son temps. Et puis c’était quand même mieux que de se retrouver à galérer de casting en casting. Et pas qu’un peu : caviar, champagne (les doses dépendaient souvent de l’individu croisé), folles nuits aux machines à sous ou autres nuits enfiévrées, à califourchon sur l’un de ces inconnus lorsqu’elle se prenait au jeu…les combinaisons étaient nombreuses. Mais ce qui était sûr, et qui devenait acquis au fur et à mesure de ses expériences, c’est qu’elle se retrouvait le lendemain matin, seule, le petit déjeuner servi et, à ses côtés, un bouquet de roses aux contrastes changeants : à dominante rouge à Deauville, elle pouvait être blanche ou jaune dès lors que l’on descendait sur la Côte. Bien souvent, elle avait également droit à une carte avec les coordonnées professionnelles de son amant de la veille. Ceux qui étaient dotés d’avantage de « sensibilité » laissaient à son intention un petit mot maladroitement griffonné au dos :

Hi, I hope you made sweet dreams. Had to leave early this morning, and I didn’t mean to wake you up. Hopefully we’ll see each other again in Bombay / San Francisco / Beijing / Mexico… Take care.

Au-delà de tout, c’est ce qu’elle appréciait le plus. De les sentir. De les caresser, ces fragments de carton blancs, de les voir s’étaler ainsi et couvrir, le soir venu, le voyage du home sweet home consommé, le parquet de sa minuscule chambre de bonne, comme autant d’invitations improbables à l’évasion. A chaque nouvel exemplaire, elle ouvrait alors son encyclopédie, absorbée par la découverte des coutumes, des paysages, de la topographie, des dialectes, des épices, des modes de vie et de la jeunesse locale, des fruits et des légumes, des mers, des lacs et des cours d’eau suggérés par la destination qui y était nommée. Et ainsi, elle rêvait.

D’autres inscriptions, pouvaient en revanche, laisser plus dubitative :

La soirée en ta compagnie fut merveilleuse. Je ne sais comment remercier, ce rayon de soleil qui a illuminé ma vie de vagabond ! N’ayant pas eu le privilège d’obtenir le tien, je te joins mon numéro, à appeler – dois-je le préciser – en toute discrétion (cette dernière remarque était automatiquement suivie d’un smiley). Ton dévoué (elle finissait alors par craquer, et commençait à rire aux larmes devant l’emphase adoptée par certains, au regard d’un florilège d’instants ridicules constitués de maladresses notoires, de lapsus plus-que-révélateurs ou d’ autres mimiques « orgasmiques » qui lui revenaient généralement en mémoire au petit matin et qui lui garantissaient un souvenir impérissable de ses rencontres éphémères ), Pierre / Paul / Jack. P.S. Une petite « récompense » se trouve dans l’enveloppe.

Ladite pouvait aisément atteindre 2000-3000 francs, autant dire une fortune pour l’étudiante qu’elle était.

Elle se rappelle aussi de ce fameux soir, peu après que l’homme d’origine asiatique ait sorti le chéquier de la poche intérieure de sa veste. Elle le revoit encore, détachant méthodiquement le premier feuillet, prenant un stylo dans le compartiment intérieur de son costume D&G, extirpant avec difficulté sa courte stature du canapé club dans lequel il s’était irrémédiablement enfoncé jusqu’alors, pour se rapprocher de la commode Louis XIV qui leur faisait face et apposer, d’un geste assuré, quelques inscriptions sur le petit bout de papier rectangulaire. Qu’il lui tendit. Elle faisait d’abord mine de refuser (toujours refuser, c’était la première règle) mais se ravisait (assez rapidement) devant l’insistance de ses « clients ». L’homme de cette nuit-là, ne dérogea pas à la règle. Elle non plus. Adoptant une mine déconfite, une tête de petite « Cosette », recroquevillée sur elle-même et régressant jusqu’à l’enfance tout en prenant un visage ingénu qui avait l’air de signifier « vous n’auriez pas dû mon bon Monsieur ; je ne puis accepter ; si je le fais, c’est bien pour vous faire plaisir…et parce que je vous trouve charmant », elle faisait glisser le chèque dans son décolleté plongeant, non sans prendre le soin au préalable, de jeter un coup d’œil furtif sur la somme indiquée. Ce soir là, elle s’arrêta net. Avait-elle bien vu tous ces zéros qui s’enchaînaient ? Elle n’en fut pas sure, misa sur 5, remplit son soutien-gorge et déglutit. C’était impossible, ça frisait l’indécence, c’était trop. Même pour elle. Elle tenta de cogiter un instant, se forçant néanmoins de ne pas sortir du rôle qu’elle avait mis tant de temps à maîtriser : que lui voulait-il, ce pervers ? Elle avait pourtant été claire : pas de pratiques « déviantes ». Pas sûr qu’il l’ait comprise cela dit.

Sentant un vent de panique l’envelopper, elle faillit mettre fin à la mascarade. C’est à ce moment là que les 4 mojitos ingurgités en moins d’une demi-heure (les nippons étaient décidemment des gens pressés) lui vinrent en aide. Du coup, la perspective de fêter ça dignement avec les copines et, enfin, l’idée de se retrouver confrontée à un « micro-pénis » prirent le pas sur le scénario catastrophe et eurent raison de sa témérité.

Aussi, lorsqu’elle se réveilla le lendemain dans l’immensité de l’une des suites constituant le dernier étage du George V, baignée par les premiers halos du soleil levant et la tête à l’envers, tâtonnante sous le King Size à la recherche du trésor enfoui dans les profondeurs de dentelle de son Cœur-croisé (même alcoolisée aux derniers degrés elle conservait une mémoire sélective pour certaines choses) et qu’elle réalisa (après une longue contemplation et un rapide calcul) que le montant de 10000 francs aperçu la veille devait en tout état de cause être multiplié par 5 et des brouettes au vu du chèque en dollars ($ US) qu’elle s’était (en réalité) vue signer, son mal de crâne se résorba comme par enchantement, ses remords reculèrent d’un cran et une légèreté bienvenue s’empara d’elle. Elle se dit qu’elle pouvait, pour quelque temps encore, espérer amasser une fortune considérable, pour partir, enfin partir, foutre le camp très loin, en oubliant l’existence miséreuse des premières 21 années de sa vie. Ce qu’elle ne savait pas encore à ce moment là, était que la carte laissée par M. Asashoryu allait mettre prématurément fin (un final certes en beauté, au vu du pactole encaissé) à sa collection, comptant en 14 mois de service rapproché, un gain de près de 128.000 francs pour un total de 39 petits cartons blancs. 39 petits cartons blancs qui représentaient le Monde entier à ses yeux. 39 petits cartons blancs balayés en un instant, en quelques regards et en peu de mots : il s’appelait Antoine et dès lors, tout allait changer.

*

Elle le regarde dans le rétroviseur de sa BM. De profil, affalé sur la banquette arrière, les yeux fermés, la cravate desserrée, la bouche à demi ouverte. Elle réalise qu’elle ne le reconnaît plus, cet homme. Elle l’avait aimé pourtant, elle le sait. Etait-ce fini? Avait-il eu raison d’elle ? Etait-ce le contraire ? Absences de certitudes. Comme les choses peuvent prendre de la vitesse, comme la vie peut basculer en une fraction de seconde. Cette seconde fatidique, elle devait l’expérimenter un soir de décembre, l’année précédente. Elle se sentait à son apogée, invulnérable. Comment pouvait-elle prévoir l’Armageddon qui allait survenir ? She could not.

« Je ne souhaite plus avoir d’enfants. »

C’était arrivé si soudainement. Allongée sur le canapé-lit, en train de feuilleter nonchalamment la brochure de la station, de préparer leur activité du soir. Chamonix devait être animée, le soir. Ses parents auraient aimé voir ça, eux qui n’avaient jamais franchi les portes du périph’. Les voilà ses pensées, à ce moment là. Rien d’autre. Juste elle, lui et les braises qui se consumaient dans la cheminée. Rien d’autre. Elle feignit de ne pas entendre. Le bien-être…

Les fêtes de fin d’année s’annonçaient dans la continuité de 2007. Un cru plus que décent. Côté boulot, elle venait de décrocher le barreau de Paris l’année précédente, signait dans la foulée pour un cabinet américain de la Rive Gauche et commençait tout juste à bénéficier d’une sacrée réputation auprès de ses clients, de plus en plus nombreux, ainsi qu’auprès d’une grande partie de ses confrères, qu’elle écœurait, parallèlement, lors de chacune de ses plaidoiries. Aussi bien qu’en à peine plus de 8 mois, on voyait en elle une future associée. Travaillant comme une forcenée et au grand dam de son compagnon, elle avait ainsi pu annoncer avec fierté le déménagement de ses parents dans une zone pavillonnaire chic, jetant aux oubliettes le F2 qui l’avait vu grandir dans la cité avoisinante. Il s’était, bien entendu, proposé de l’aider, mais elle ne voulut rien savoir…il fallait qu’il laisse sa famille en dehors de ça, que c’était quelque chose de personnel…qu’il l’avait, elle, et qu’elle espérait, après tout, qu’il n’ait besoin de rien d’autre.

Elle, a contrario, si. De plus en plus. Elle le sentait. Oh, ce n’était pas pressant, non. Pour le moment. Encore 2, voire 3 ans. Le temps de s’assumer pleinement, vis-à-vis d’elle, vis-à-vis de lui : elle deviendrait mère et porterait leur enfant, tout comme 2 et 2 font 4.

« Je ne souhaite plus avoir d’enfants. » Bis.

Il lui avait libéré les mains, l’avait amenée à lui en l’étreignant par les épaules. Plongée dans ses yeux gris. Ton inhabituellement grave qui la fit tressauter. Sa vieillesse à lui fut alors invoquée. Ainsi que ce désir, qu’elle refoulait de moins en moins, qui lui devenait insoutenable. Il ne souhaitait pas lui mentir d’avantage. La pâleur du paysage venait de se déverser par névés sur son visage. Il l’aimait, là n’était pas le problème. Il l’aimait plus que tout. Défaillante et déboussolée, en chute libre vers des profondeurs abyssales. Non, son annonce ne fut préméditée. Pouvait-elle le dire, elle, quel genre de père il aurait fait dans 10, dans 15 ans ? De l’air, vite. Aurait-elle pu ? Réponse : un grand-père. Et puis bien sûr…qu’il ne fallait pas qu’elle s’inquiète, il songerait à la vasectomie. Pardon ? What ? Des nausées, une envie de vomir. Merci d’avoir fait le déplacement. « Je n’ai pas envie de te perdre. »

Descente de rideau, silencieuse.

*

Elle le regarde dans le rétroviseur. Il ne l’avait finalement pas fait, il n’en avait pas eu besoin. Il devait se soulager ailleurs pense-t-elle, car ils n’avaient plus fait l’amour depuis des semaines. Et combien même, la dernière fois il s’était retiré en s’évertuant à éjaculer sur son ventre; le tout avant de se laisser tomber sur le côté dans un long râle et finir par sombrer quasi immédiatement dans un sommeil profond, après qu’un dernier baiser fut abandonné sur son front.

Ca lui remonte le long de la gorge. Ca, ce sont les petits fours aux crevettes et aux aubergines, glissant douloureusement sur le champagne mais en sens inverse. Décidemment, jamais elle ne s’y sera habituée, pas plus maintenant que dans sa vie antérieure. Elle doit porter la main droite sur sa bouche pour ne pas éclabousser le pare-brise. A 120 dans le tunnel du Pont de L’Alma, ce serait un remake de mauvais goût. Par chance, rien ne sort. Ce ne sont que ses yeux qui s’expriment en un sanglot difficile à contenir. Une vision qui se trouble sous des apparats humides. Des paupières qui se ferment, imperceptiblement, à la recherche de l’unité du corps. Des mains qui se crispent comme un enchaînement logique de réactions chimiques. Et qui font brusquement dévier la voiture de sa trajectoire.

Le temps se fige dans une explosion de sons, de lumières : appels de phares et coups de klaxon. La fin est proche. Ca paraît d’ailleurs être confirmé par les quelques noctambules parcourant les bords de Seine à cette heure tardive. Un court instant durant lequel on semble se réveiller à l’arrière, on semble percuter les voitures à contresens, on semble dévier du cours de son existence…mais finalement, au terme duquel chaque chose retrouve son inertie: le pantin vacillant sur la banquette, les cris étouffés à l’avant, un cœur qui heurte la cage thoracique avec frénésie, un autre, anesthésié par les vapeurs de grands Bordeaux ; les touristes sortis de torpeur et qui reprennent leur chemin en quête de romance à la française ; les 1300 kilos de la berline allemande qui s’immobilisent en un crissement de pneus au premier feu rouge rencontré.

Ce, afin de laisser la place à d’autres sanglots, tout aussi prévisibles : ceux de la trouille, tout d’abord, la fausse, celle a posteriori. Chez elle, ils se manifestent par une longue expiration quasi silencieuse, ponctués par un raclement sourd du fond de la gorge. Apparait ensuite la seconde vague, celle censée dénoncer sa propre stupidité. Tentative de réponse : « Comment ai-je fait pour en arriver là ? » Cette phase, la plus intense, est cependant réduite à 3 soubresauts convulsifs. En définitive, elle est faussée. Par la volonté de préserver le statut quo de l’habitacle : lui endormi à l’arrière, elle vaguant à ses souvenirs, portant sa croix de compagne belle, riche et…foutrement trop jeune. Ces pensées l’emportent enfin vers la troisième et dernière étape d’un processus maîtrisé : un long soupir aigu s’échappe alors de ses poumons, progressivement absorbé, enfoui en elle. Il s’agit des sanglots de son âme. Elle est la seule à les entendre, ceux-là. Ils lui appartiennent. Ceux-là, ils s’écoulent imperceptiblement, remplissant chaque once de vie en elle. Depuis ce fameux soir où on lui avait ouvert en grand les vannes, où elle entendit pour la première fois de sa vie un homme parler de contraception, où elle sentit tout son mépris vis-à-vis de ce qu’elle a toujours désiré de plus au monde. Depuis ce fameux soir, elle a tantôt appris à persévérer comme une damnée, tantôt à lâcher prise de manière irrationnelle et à bout de forces, le tout dans la démesure conférée par son nouveau statut de femme du monde. En somme, un vrai rôle de composition, tragi-comique à souhaits, à en faire émerger leur frustration à tous les deux, à les amener à des points de non retours quasi définitifs, à coups de fugues, de crises, de barbituriques, de triples doses de Chivas, d’heures interminables, silencieuses, passées allongée sur un divan, de poudre blanche, immaculée, à l’occasion.

En l’espace de quelques mois, elle s’est surprise à devoir supporter le regard de cet homme, surprise aussi de transformer ses caresses, ainsi que toutes les fois où il lui faisait l’amour – cet amour qui s’est peu à peu vidé et qui dans peu de temps serait dépourvu de tout fondement – en une sensation salée, venant, à intervalles réguliers, humecter ses yeux, ses pommettes et ses lèvres, venant, par couches successives, y déposer les alluvions amers de la trahison.

Lumière aveuglante de couleur verte.

C’est également le moment qu’elle choisit pour se pencher vers le paquet de mouchoirs et le flacon Ballantine’s contenus dans la boîte à gants. S’envoie une gorgée. S’essuie le visage. Une deuxième. Puis démarre au son des klaxons familiers.

*

Elle l’observe maintenant dans la pénombre de leur chambre. Mimétisme des postures, elle, assise dans un fauteuil, de trois-quarts, une cigarette allumée entre les lèvres, sa troisième depuis leur arrivée. Lui, allongé sur le lit conjugal les yeux fermés, respirant lourdement. Les éclairages sont ceux de la rue, qui s’immiscent au travers de la baie vitrée translucide. A chaque passage de véhicule, le plafond s’anime de formes gargantuesques. Leurs visages deviennent alors éclairés l’espace d’un instant, leurs contours se modifient, à la manière d’un kaléidoscope qui fonctionnerait au ralenti et de façon aléatoire. A cet instant précis, il lui fait penser à un nabab déchu, à une baleine échouée sur un banc de sable. Reflets trompeurs ?

Elle va le quitter, sa nouvelle certitude.

La soirée commence par lui revenir en mémoire, fragmentée : un toast porté par leur hôte, une saveur trop épicée, le nouvel exemplaire dédicacé par un romancier en vogue, les frasques sexuelles d’un publicitaire. Elle se souvient d’ailleurs à un moment avoir été prise à partie par celui-ci. Ca devait être peu après leur accrochage habituel. La connerie habituelle. Celle qui précédait généralement leur éloignement. Ils ne s’étaient évidemment plus reparlés.

Et donc vint cet enfoiré de publicitaire à la con, avec des airs de condottiere mal attifé. Ils se seraient croisés il y’a quelques années, lors d’un quelconque festival, sur la Croisette. Non pas que ca n’aurait pu être plausible, mais sa tête ne lui était pas revenue en mémoire. Visiblement contrarié, il s’était proposé de réparer le tort en se faisant sucer dans les toilettes. Guettant alors le désintérêt total de son homme à son égard, plus occupé à courber l’échine devant quelques politiques à cigares, elle finit par avaler sa coupe d’une traite, empoigna le type par le bras, en s’assurant qu’il possédât là, enfoui dans la poche intérieure de son veston, l’une de ses boîtes à tabac magiques qui avaient contribué à faire sa réputation au sein du petit milieu parisien des gens branchouilles.

Aussitôt la porte des WC passée, elle dut avant tout s’employer à calmer les ardeurs du gentleman. Elle se proposa ainsi de tester sa came avant de « procéder ». La meilleure sur le marché, dixit. Il en était fier ce con, de ses contacts à Marseille, « importateurs de père en fils ». Attention, il lui faisait une fleur, car normalement ca valait 2 bâtons facile. Elle n’en douta pas une seconde lorsqu’elle inhala la première des deux lignes, soigneusement étalée sur la petite surface rectangulaire argentée prévue à cet effet. Il devait la scruter à ce moment là, avec l’air imbu de celui qui prend le contrôle, qui phagocyte le cerveau des masses à coups de slogans débiles, de drogue douce. Il devait, pense-t-elle, car après, tout s’est flouté. Après…après cette indescriptible montée d’adrénaline, cette brèche des possibles fendue au plus profond de ses neurones, arrivant à faire croire n’importe quel agnostique convaincu à l’imparable transcendantalisme de Dieu. Cette brèche dans l’espace-temps qui fut matérialisée par un long filet de sang dégoulinant des cloisons nasales et un bruit sourd, caractéristique d’une rupture de la pyramide. Telles en furent les conséquences lorsque l’on se pencha un peu trop près du rebord du lavabo : une pression insoupçonnée, étonnamment ferme, exercée du haut vers le bas par deux mains aux doigts fins, joliment vernis, sur une nuque à queue de rat, raidie par l’obsession du reniflement optimal. Sublimation.

Putain, pute, petite pute, grosse pute, sale…, espèce de. Echo des représailles dans la réverbération marbrée, dans sa mémoire. Ou quand l’accroche se répète à l’infini, que le créatif renoue avec son état primal. « Hé Antoine, ta femme c’est n’est ni plus, ni moins qu’une espèce de sale… pute ! » l’entendit-elle lancer en direction des convives, sur un dernier claquement de porte et d’un ton nasillard, le rose du papier toilette ayant viré au rouge sombre au contact de son appendice.

Ils quittèrent la soirée peu après.

Oui, d’abord dormir un peu, puis, au petit au petit matin, avant son réveil, elle partira…elle partira.

Va-t-elle y arriver cette fois ?

Sans doute que oui. This time, she’ll leave.

*

Elle fait un rêve. Nue, allongée sur un lit à baldaquins, des draps en velours rouge, mains et jambes écartées, située au centre d’une pièce blanche et ronde. Des portes sont disposées à intervalles réguliers au sein d’une paroi invisible. Soudain, elle distingue une silhouette pénétrer par l’une des ouvertures, sur sa gauche. Elle peine à apercevoir un homme nu, la cinquantaine, bien en chair. Dans ce décor éblouissant elle essaye d’abriter son regard sous la paume de sa main, mais échoue. Ses mains ne répondent pas. Son corps s’est figé. Sentiment d’impuissance mêlé à une panique qui s’empare d’elle à mesure que l’homme approche. Des cris. Les siens qui se perdent dans le vide. Finalement, elle le voit. C’est lui, c’est Antoine. Elle n’en est pas sûre. Il a ses traits, mais le corps d’un autre. Il n’est plus qu’à quelques mètres. « Antoine ! » crie-t-elle dans sa direction, plus fort. L’homme continue à avancer, lentement, d’un pas décidé. Il est bientôt suivi par une autre forme masculine, grande et maigre. Osseuse. Elle apparaît par une autre porte. C’est également lui, qui avance vers elle au même rythme. En tournant la tête elle l’aperçoit encore, encore. Des dizaines d’Antoine, de toutes tailles, de toutes densités. Qui avancent irrémédiablement, qui la regardent envieusement. « ANTOINE !! » Les premiers finissent par atteindre le lit, à le prendre d’assaut sans résistance, à ramper jusqu’à elle. Larmes et salive commencent à jaillir en abondance de ce corps inerte tandis que l’on s’empare de ses avant-bras, de ses épaules, de son cou dans un déploiement tentaculaire. Ses jambes sont bientôt recouvertes, ainsi que son ventre, ses seins. Une masse difforme qui l’enlace maladroitement, lui comprime la poitrine. De l’air! Elle étouffe. S’enfonce dans les draps rouges…avant un réveil en sursaut.

Mains crispées sur les poignées en acier du fauteuil, elle peine à retrouver ses esprits. Elle est de surcroit assaillie par l’odeur agressive du tabac froid. Coup d’œil confus à sa montre. Le cadran la renseigne sur une absence d’une trentaine de minutes. Elle regarde en direction du lit pour s’apercevoir que son homme s’est mué en vestige d’une soirée trop bien arrosée, couché en chien de fusil, sous les draps. Encore tremblante, elle se lève et prend la direction de la salle de bains à tâtons. Tout en délaissant ses vêtements en chemin, elle se promet de ne plus jamais le refaire, ce fichu cauchemar.

*

  Les lumières s’allument avec violence et laissent apparaître son corps nu dans le miroir à qui elle fait désormais face. Y jette un coup d’œil furtif ; nécessite un temps d’adaptation. Pourvu que la migraine se résorbe. Le placard du bas est ouvert, crème et lingettes démaquillantes sorties. Nettoyage en profondeur, avec hâte. Tourne le robinet, passe sa bouche sous le jet d’eau et crache au bout de quelques secondes. Aspergée d’eau froide, elle se regarde enfin. Gros plan sur un visage creusé par les cernes. Effleure un front, sur lequel les crèmes antirides peinent de plus en plus à faire leur effet. Zoome sur un nez aux traits finement dessinés, qu’elle trouve pourtant laid. Son cou, quant à lui, semble interminable. Un cou de girafe. Les quelques grains de beauté qui le parsèment lui paraissent être des tâches d’encre noire. Au tour de ses seins, qu’elle soupèse longuement, ronds, parfaits. Palpations. Ovulation in progress.

Place ensuite à ses hanches, étroites, anguleuses. Se demande comment quelque chose pourrait un jour en sortir. De profil, les deux mains placées de part et d’autre de son nombril, son ventre paraît n’avoir jamais été aussi plat. Fuck. Elle le gonfle au maximum. Se décourage. Expire. Décide d’en rester là avec l’exploration. Enfile un peignoir, le serre fort contre sa peau, se blottit à l’intérieur. Arrête tout et attend que quelques secondes s‘écoulent. A la pensée de regagner l’appartement, de le rejoindre, sa peau se hérisse, un frisson la parcourt. Et pourtant, elle doit s’y résoudre. Une dernière fois.

C’est à peine si elle remarque alors ses pieds se hisser, son bras se tendre ; se voit cueillir sur l’étagère du haut les cachets qui l’aident à trouver le sommeil depuis un certain temps déjà. Devenue à ce point banale, cette pratique commençait à en inquiéter jusqu’à sa psy. Et ce n’est que lorsqu’elle finit par étaler les comprimés sur le rebord de l’évier, juste après s’être remplie un verre d’eau à ras-bord, se préparant à les ingérer de la plus machinale des façons, qu’elle remarque leur couleur bleue, inhabituelle. En un instant, elle prend conscience que ce ne sont pas les siens. Ce sont ceux d’Antoine, les réponses à ses angoisses à lui, piochées au hasard du tâtonnement. Sensation de gêne, palpable. Avant, pourtant, de s’entendre éclater en un gloussement horrible, qu’elle peine à étouffer en couvrant sa bouche de toute la surface de sa main. Avant que la gamine qu’elle était devenue l’espace d’un instant ne se laisse emporter en un long rire strident. C’est avidement qu’elle part à la recherche de grandes bouffées d’oxygène, mais n’arrive pas à s’arrêter pour autant. Est obligée de s’y reprendre à plusieurs reprises, de faire face aux premières crampes d’estomac. Décide au bout du compte que ça suffit. Quelques hésitations seulement demeurent sur la forme : Valium ou Xanax. Opte pour une dose de 5 mg du second, le premier ayant de fâcheux effets somnolents. Avale les tablettes en plusieurs gorgées car après tout, non, elle ne compte pas se recoucher dans l’immédiat.

Les effets dus au surdosage sont rapides et presqu’inattendus, même pour elle. Toute la tension accumulée jusqu’alors retombe d’un coup, comme si, pendant une fraction de seconde, ses jambes l‘avaient abandonnée. Manquant de vaciller, elle s’agrippe au lavabo des deux mains. Extra lucidité soudaine, calme retrouvé.

Et puis, dès lors, c’est comme si elle quittait son corps, qu’elle se voyait de l’extérieur, et en avance de phase. Que son double la précédait dans tous les gestes qu’elle réalise, dans toutes les actions qu’elle entreprend. La sensation qui prédomine est celle que, quoiqu’il arrive, elle se suivrait, implacablement et sans condition. La première image qui la heurte, c’est donc elle-même, ramassant la boîte de pilules (celles de son compagnon, the blue ones), se dirigeant vers la porte et disparaissant dans la pénombre du couloir. Aussitôt suivie, telle une ombre, de son enveloppe charnelle, son « autre soi ». Traversant les pièces comme un fantôme, se calquant sur son double, en reprenant à l’identique et sans la moindre forme de résistance les faits et gestes de celle qui la précède, c’est à peine si ses pieds parviennent à sentir le carrelage glacé du sol de la cuisine. Se saisit du premier ustensile rencontré sur sa trajectoire. Un couteau. Déverse le contenu de la boîte sur la table. Commence à pilonner les comprimés avec le manche. Est surprise par sa force, sa précision à fracasser les petites pastilles ovales, qui se brisent et s’effritent à chaque coup.

Avec une dextérité qu’elle ne se connaissait pas.

Avec une régularité de métronome, cadencée à haute fréquence.

*

Les premiers tremblements l’assaillent alors qu’elle est déjà dans le lit, à ses côtés. Elle s’y est faufilée comme à l’accoutumée, en faisant le moins de bruit possible, en évitant presque tout contact. Maintenant qu’elle est adossée contre le mur, la solitude l’enveloppe, plus incisive que jamais. Les yeux ouverts, dans le noir, elle devine que le verre d’eau est juste là, posé innocemment sur sa table de nuit. Cela doit faire près de vingt minutes que la tempête se déchaîne dans son esprit, que l’avalanche déferle, assourdissante, entre ses tempes. Depuis qu’elle est sortie de sa carapace devant le miroir de la salle de bains.

L‘erreur n‘est pas permise. Tonight…never

Elle entame une énième prière. Toujours la même, la seule dont elle se souvienne à peu près. Répétée, inlassablement, en silence, les lèvres à peine entrouvertes, les yeux écarquillés. Tandis que le verre d’eau repose calmement à proximité. Elle se sent obligée de venir l’effleurer à intervalles réguliers pour s’assurer de sa présence. Un verre glacial qui la fait frissonner à chaque contact et qu’elle imagine d’un bleu trouble sous l’effet de la poudre venue se déposer en quantité au fond, quelques instants plus tôt. Lorsque, dans la cuisine, elle jouait aux apprenties pharmaciennes. Lorsque, finalement, tout n’était qu’un jeu.

…and after, she’ll leave.

4H00. Le signal. Au dernier coup de la pendule, comme sous hypnose. Se saisissant du verre d’eau, elle s’apprête à le lui faire ingurgiter. Se penche sur lui et murmure à son oreille. Une suite de mots incompréhensible est grommelée. Il se redresse, prend appui sur son coude, manque de renverser la boisson. La vide d’un trait comme il l’aurait fait avec n’importe quel whisky. Se retourne face à elle. Elle, qui demeure en apnée depuis qu’il a avalé la première gorgée et qui sent son bras lourd lui retomber sur la poitrine. Qui sent leurs respirations reprendre à l’unisson. C’en était fait. Basta. Ca lui paraît presque trop simple d‘un coup. Ne surtout pas se dégager pourtant, le moment viendra.

Ses comprimés font leur effet au delà de ses espérances, l'aident à supporter l'impossible attente. Et ce, jusqu’à ce que la pendule se soit avancée d’une dizaine de minutes. Car peu après, sa cuisse droite commence à s’engourdir. Des fourmis qui lui remontent le long de la jambe et qui envahissent tout son flanc, alors qu’il n’y a toujours rien au niveau du bras qui l’entoure, ni du corps qui y est attaché du reste. Se demande si elle a bien calculé : les doses…son cycle. For Christ’s sake, and if something went wrong ?!

Quand tout à coup, alors que les insectes commençaient à affluer vers son cerveau et que se profilait déjà dans les sphères de sa semi-conscience le combat contre les créatures de Morphée, elle y perçoit les premiers signes à travers les rares pores encore neutres de sa nudité. Il s’agit de son cœur, à lui, progressant au rythme d’un crescendo régulier; 80...100…120, son pouls ne paraît pas être en mesure de ralentir. Des battements sourds et à l’intensité saccadée qui semblent mener à une implosion irrémédiable, qui se répercutent directement contre sa peau à elle, et viennent s’évaporer dans le néant de la pièce à la manière d’une rafale de coups tirés au silencieux. 130, peut-être d’avantage, elle ne sait pas. Elle ne sait plus. Prise d’une panique soudaine. Elle voudrait que tout s’arrête. Maintenant ! Elle le supplie. Elle l’aimerait à nouveau, si cela suffisait. S’il le fallait. « Je t’implore, Antoine, ne sombre pas, s’il te plaît…BON DIEU, S’IL TE PLAIT» aurait-elle eu envie de lui crier; de foutre en l’air cette mise en scène grotesque ; de ne pas le perdre, car si elle le perdait, elle finirait par succomber quoiqu‘il arrive. Un appel qui aurait sonné comme une bouée de sauvetage à laquelle ils se seraient accrochés tous les deux, elle en est sûre. Un cri, pourtant, qui reste étouffé au fond de sa gorge. Comme interdit devant le chaos qui se profile. Comme impassible devant cette prise de risques insensée et devant laquelle elle ne reculera plus.

Sans attendre d‘avantage, elle déclenche son corps et l’encourage à se régénérer. Au moyen d’ondulations, de mouvements courts, secs et rapides, elle réveille calmement et par à-coups ses membres endoloris. Surtout, ne pas réfléchir. Préserver cette force,  continuer, retarder au maximum le moment où leurs regards se croiseraient.

Alors que les sensations reviennent dans ses phalanges, alors même que tout son être est porté à ébullition, elle s’en va saisir froidement de sa pleine main, là, enfoui sous les draps et appuyé contre son bas-ventre, le sexe d’Antoine, durci par l’efficacité déconcertante des pilules de couleur bleue ciel. L’ensemble de ses sens en éveil, elle est à l’affut du mouvement suspect qui précède généralement le point de non retour, sursaut irréversible de l’incompréhension et du rejet. Les battements de leurs cœurs se sont, lui semblent-t-il, stabilisés à cette cadence infernale, calqués l’un sur l’autre. Il lui semble même pouvoir sentir son pouls au travers des veines de sa verge, qu’elle serre de plus en plus. Se rapproche de lui en glissade féline sous la couette. A leur contact, les poitrines aimantées sont les premières à entamer la parade nuptiale, s’attirant et se repoussent sans cesse. Et tandis que leurs souffles prennent prise dans leurs chevelures, leurs respirations survoltées y balayent joues, tempes, nuques et puis, tel le ressac, viennent se briser en un bourdonnement sourd entre leurs tympans.

L’enlace désormais de toute l’envergure de sa jambe, plus que jamais crispée sur lui. Prend appui sur sa hanche. Ses cuisses, ses fesses, fermes, contractées à leur maximum. Et bascule au-dessus de lui dans une seule et même impulsion.

Il ne lui faut pas plus d’une seconde pour réaliser. Que les deux masses ont été entraînées dans un mouvement commun et sans la moindre résistance. Qu’à part peut-être un grognement docile, il n’a pas bronché. Cabrée comme un pur-sang, à genoux, tête baissée et mains à plat sur son torse, elle doit enchaîner avec hâte. Récupérer son phallus et l’ériger à la verticale. Humidifier son entrecuisse dans un doux frottement sur son extrémité. Se laisser glisser dessus, lentement, et partir à la rencontre de son corps à lui, toujours avec cette même simplicité, cette facilité étonnante avec laquelle leurs nudités pouvaient s’accorder, s’agencer, se regrouper. Remonter, et revenir, encore plus intensément. Jusqu’à en frémir profondément, sincèrement, et puis laisser échapper son souffle, haletant, à travers le rideau formé de ses mèches brunes, s’écartant à chaque expiration, laissant apparaître son buste inerte, contrastant singulièrement avec ce mélange de désir et de haine, s’amplifiant en elle au fur et à mesure de son déhanché. Il lui semble même ressentir à nouveau et pour quelques instants, la saveur de la passion qui l’avait animée à son égard dans les premières années. Perd pied face à l’évidence surgissant dans l’inhibition de son plaisir. Et tandis qu’elle se laisse imperceptiblement emporter par la transe des souvenirs, elle sent deux mains se plaquer de chaque côté de son bassin. Le sent se contorsionner, vouloir reprendre le contrôle, échapper à son étreinte. Elle, qui le plaque désormais avec insistance. Qui sait qu’elle y est presque. Qui accentue son va et viens, qui sent leurs phalanges se crisper sur leurs peaux respectives avec l’impression de pénétrer dans leurs épidermes jusqu’au sang. Dans le fracas des peaux entrechoquées d’une lutte où elle a tout à perdre. Everything. « Je ne souhaite plus avoir d’enfants. » Plus avoir d’enfants. Jamais. Plus jamais. Egoïste! Je te déteste. Viens maintenant, en moi. Jouis. Allez, viens bon sang! S’il te plaît. Mon ange. C’est notre dernière nuit, alors ne m‘abandonne pas. Maintenant. Plus fort. Tu peux crier. C’est ça. Comme ça! Plus vite. Tremble. Crie. Ici, maintenant…une dernière fois…toi et moi. Je suis prête. Je l’attendais. Je l’attendais tant…je n’en peux plus. Jouis. Maintenant, tu entends? MAINTENANT. Voila, voilà! Tais-toi. Tais-toi! Chut…chuuuut. Je t'aime.

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