Le voyage
Sylvie Palados
Frédérique était ravie, les vacances commençaient ! Certes préparer le voyage n'était pas de tout repos, mais c'était excitant de se dire que ce soir, ils dormiraient tous les trois chez mamie. Le sud-ouest, ses pins, ses plages de sable fin, les vacances quoi ! Ils y retournaient tous les ans depuis quinze ans. Frédérique adorait cette campagne sauvage, ses odeurs de pins qui les réveillaient le matin. La mère de François était une maitresse femme elle n'acceptait pas qu'ils puissent aller dormir ailleurs que chez elle. Et franchement qui s'en plaindrait ! Se faire dorloter était un réel plaisir pour tous. Ils connaissaient tous les bons coins, ceux où les vrais touristes ne vont jamais, parce qu'ils ne sont connus que des landais. Mais ce qu'elle préférait le plus, c'était les promenades en forêt, en pleine nature, à se ressourcer. Elle avait convaincue toute la famille et ils passaient ainsi des journées à se promener, à pique-niquer et à profiter de chaque instant.
Les valises étaient enfin bouclées, François n'avait plus qu'à les charger dans la voiture. Limiter les paquets était un devoir depuis qu'il y a cinq ans, une panne de voiture les avait immobilisé en plein milieu de l'autoroute avec un retour obligatoire vers la maison. Un véritable cauchemar avec tous les paquets ; de ce jour-là, Frédérique avait jurée de réduire au strict minimum les bagages. Tout devait tenir dans le coffre, au moins on ne prenait que l'utile. Même Floriane n'échappait pas à la règle. Comme toujours, que demander à une ado de 14 ans ? Préparer un sac était un véritable exploit ! Pas question en tout cas de s'énerver, il y aurait assez de tension tout au long de la route.
Une heure déjà que l'on roulait, une heure à entendre François râler après les conducteurs qui oublient régulièrement leurs clignotants, qui se rabattent dans un mouchoir de poche ou qui roulent tellement lentement qu'on se demande s'ils savent lire les panneaux de signalisation ! Bref un parcours banal de vacanciers en devenir. Le voyage était vraiment le moment le plus pénible des vacances.
Ouf, la barrière d'autoroute enfin, attention au lâcher de fauves !
Et c'est parti ! Floriane leva la tête, jeta un œil sur le trafic dense et se replongea dans ses contacts. Comment vivaient-on déjà avant les portables ?... un mince sourire éclaira le visage de Frédérique. Au moins avait-on la paix et ça, ça n'avait pas de prix ! François était tendu, il serrait les dents, plus aucun son ne sortait de sa bouche, il avait horreur de voyager le samedi. Il y avait trop de monde, il aimait rouler tranquille, il préférait le dimanche, car en plus il n'y avait plus de camions. Mais c'était lui qui avait fixé la date de départ en se trompant sur le calendrier. Il n'était plus possible de la décaler, sa mère ne le lui pardonnerait pas ! Emmenée par la voiture, sous un beau rayon de soleil qui chauffait son visage, Frédérique s'assoupit quelques instants, soudain ses poils se hérissèrent, une décharge électrique la parcourut sur tout le corps, elle sursauta !
« Excuse-moi chérie, mais j'ai freiné un peu brusquement, on ne pouvait pas échapper bien longtemps aux bouchons ! »
Elle regarda devant elle et vit qu'ils étaient bien coincés dans un superbe embouteillage. A perte de vue deux colonnes de voitures s'étiraient. On n'avait plus qu'à suivre le mouvement. Elle soupira, tant pis, on allait prendre son mal en patience.
« Tiens regarde dans deux cents mètres une aire de repos, quitte à patienter autant en profiter pour s'étirer un peu les muscles ! »
François sourit : « c'est une bonne idée ! ». Un quart d'heure plus tard, avec une patience d'ange, ils se garèrent devant un camion. Et oui, ils n'étaient pas les seuls à avoir eu la même idée ! Et dire que le bouchon semblait constant, décidément c'était à n'y rien comprendre. Faire la queue pour la pause pipi, avaler le petit en-cas pour tenir le coup avant le repas et une demi-heure plus tard, il fallut se réinsérer dans le bouchon. Juste le temps de se glisser entre deux pare-chocs et soudain, Pff... les voitures s'élancèrent, les moteurs se mirent à vrombir, allez savoir comment, mais le bouchon s'était envolé !
Ils venaient de quitter Tours et sa rocade enfin roulant à bonne allure quand Floriane rompit le silence :
« J'ai faim ! » Une chape de plomb s'abattit dans l'habitacle. Frédérique et François se regardèrent ! Ils n'avaient pas besoin d'échanger un mot pour savoir que s'ils voulaient éviter un cataclysme, il était dans leur intérêt de s'arrêter ! L'adolescence est une période de la vie à haut risque, surtout pour les parents !
« Tiens, dans dix kilomètres il y a une cafétéria, si tu veux bien patienter on s'y arrêtera ».
Floriane émit un son qui semblait dire qu'elle était d'accord et le silence retomba.
Il durent se garer loin, à cheval sur la chaussée derrière le parking des camions. La foule ne les surprenait plus. Il fallut marcher cinq minutes pour rejoindre la cafétéria.
Elle était propre et noire de monde. Sa façade originale était teintée de gris, de rouge et d'orange. Bien que les couleurs semblaient criardes, elles s'harmonisaient parfaitement aux ouvertures ovales qui faisaient office de fenêtres. Frédérique pensa que l'architecte aimait relever les défis, un soupçon de bateau, un zeste de camion, avec une porte d'entrée carrée, encadrée de spots et un toit couvert de pneus. On se demandait bien ce qu'un tel bâtiment faisait au milieu d'une autoroute. Il ne ressemblait à aucun autre. Bah, après tout en s'en fichait ! Frédérique et Floriane se glissèrent vers une table dans un coin, après avoir repéré qu'elle se libérait et attendirent le retour de François avec les plats. L'intérieur était aussi hétéroclite que l'extérieur. Des miroirs sur tous les murs encadrés de spots ronds et bariolés. Les tables étaient peintes des trois couleurs et bizarrement elles étaient toutes ovales, comme les fenêtres. Les murs étaient d'un gris froid qui jurait avec les couleurs chaudes, pourtant cela donnait un aspect étouffé. D'ailleurs les gens parlaient à voix basse. Ce qui semblait étrange dans un lieu ouvert à tous et sujet au passage. Frédérique sortit de ses réflexions avec le retour de François. Rien de tel que des pizzas pour calmer un appétit d'ogre. Même Floriane sembla conquise quand elle mit le nez dans son assiette. François se détendit enfin. Il étira ses jambes et sourit à sa femme. Ils échangèrent des banalités, un peu d'humour les détendit tous les trois. Ils savaient bien qu'à ce rythme là ils arriveraient très tard à destination. François décida d'appeler sa mère pour la prévenir de laisser la clé à l'entrée de la maison, car ils ne savaient pas à quelle heure ils arriveraient. Il valait mieux profiter de chaque instant pour commencer les vacances. Déjà une heure qu'ils étaient attablés, repus. Il était temps de repartir. François alla faire un tour au toilette avec Floriane, pendant que Frédérique débarrassait la table. Floriane rejoignit sa mère. Mais François se fit attendre. Floriane partit le chercher et revint bredouille.
« Il n'y a personne aux toilettes, maman, je sais pas où il est ! » Frédérique sentit une décharge électrique la parcourir, comme tout à l'heure dans la voiture quand elle s'était assoupie. Son estomac se noua, elle sentit la nausée la prendre. Ne pas paniquer, surtout rester concentrée. Il était surement sorti et elles le retrouveraient à la voiture. Elle emmena sa fille moitié marchant, moitié courant jusqu'au parking. Le chemin lui sembla durer une éternité. Elle était comme dans un brouillard, plus rien ne comptait, elle ne voyait plus personne, elle se moquait soudain de tout, elle devait le retrouver. Personne, il n'était pas là ! Son sang se figea dans ses veines, ses jambes menacèrent de ne plus la porter. Elle vit sa fille blêmir. Soudain le portable de Floriane emplit le silence glacial qui les clouait sur place, il sonna s'y fort que les passants se retournèrent. Floriane se jeta dessus comme sur une bouée de sauvetage !
« Allo ! »
« Bonjour Floriane, passez-moi votre mère, s'il vous plait ! » Elle s'exécuta. Le regard qui accompagna son geste était tellement empreint de peur que Frédérique saisit le téléphone du bout des doigts.
« Bonjour madame Angelun, n'ayez pas peur, votre mari est avec nous. Vous allez reprendre la route avec votre fille, comme si de rien n'était. Après le camion rouge vous tournerez à droite et suivrez l'autoroute qui s'ouvrira devant vous. Vous récupérerez votre mari à la fin du voyage. Un dernier conseil : quoi qu'il arrive continuez d'avancer. Je dis bien : quoi qu'il arrive ! Votre destin est scellé ! »
« Qui êtes-vous et que voulez-vous ? » hurla Frédérique.
« Vous le saurez en temps utile, être juste n'est pas donné à tous. Prouvez-nous que nous avons eu raison de vous faire confiance ! »
« Mais de quoi parlez-vous ? C'est vous qui me faîtes confiance ? »
«Oui, la gématrie a parlée, vous ne pouvez plus reculer, bonne route ! » et il raccrocha.
Hébétées, hagardes, les voilà toutes deux seules, faces à une voix lugubre, sans émotion, comme sortie d'outre-tombe. Seules à devoir affronter un voyage qui semblait déjà cauchemardesque et dont l'ultime but était la vie de François. Elles montèrent telles des automates dans la voiture qui leur sembla vide. La place de François devint soudain glacée, Frédérique réprima un sanglot, il ne fallait pas faiblir, elle ne pouvait pas se le permettre, pour Floriane, pour François. Frédérique démarra et contourna le camion rouge, comme la voix le lui avait enjoint. Elle tourna à droite et devant elle en lettres noires sur fond blanc un panneau indiqua 'autoroute 666'. Alors sans une hésitation elle appuya sur l'accélérateur...
Le ciel était clair. Floriane pleurait en silence. Les larmes avaient tracées des sillons sur ses joues blêmes. Que se passait-il ? Qu'était-il arrivé à son père ? Pourquoi l'homme avait dit faire confiance à sa mère ? Ça n'avait pas de sens... c'était ridicule ! Pourquoi s'était-elle refermée d'un coup ? Pourquoi ne lui parlait-elle pas ? Il fallait vraiment qu'elle comprenne ou elle allait devenir folle !
C'était un cauchemar pensa Frédérique. Elles n'allaient pas tarder à se réveiller. Ça ne pouvait rien être d'autre.
Elle n'avait jamais vu une entrée aussi étrange. Un portail blanc encadrait le bandeau d'asphalte noir qu'elle emprunta. Quelques feuilles blanches vinrent se poser sur le capot. C'était bien un arbre blanc qui faisait office de portail pour accéder à cette autoroute 666. Elle roula au pas et vit qu'il ondulait comme s'il était fait de branches laiteuses vibrant sous un souffle qu'elle ne sentit pas. Il sembla s'épaissir, les branches grossirent, s'étirèrent vers la voiture. Les feuilles semblaient pousser au fur et à mesure que les précédentes tombaient. Un mouvement aérien, presque hypnotique emplissait ce lieu. Était-il enchanteur ou maléfique ? Elle prit peur et donna un coup d'accélérateur. Elle vit dans le rétroviseur que le portail sembla s'emplir des branches, le fermant comme on scelle une porte, une tombe. La route était là, immensément vide et noire sous un ciel d'une pureté sans nom..
« Maman, pourquoi a-t-il dit qu'il te faisait confiance ? »
Frédérique sursauta :
« Je ne sais pas, je n'y comprends rien. On dirait presque un défi qu'il faut que l'on relève toutes les deux. Il faut être forte ma chérie, il le faut pour ton père ! »
Floriane hocha la tête, elle était d'accord. Le silence devint leur compagnon de route. Depuis combien de temps roulaient-elles maintenant ? Impossible de le savoir, leurs montres semblaient s'être arrêtées quand elles avaient empruntées cette autoroute 666. Le soleil décrivait un arc étrange dans le ciel, on aurait dit que sa course était aléatoire. Il passait tantôt à gauche, tantôt à droite sans aucune logique. Les ombres étaient inexistantes, le ciel était sans nuage. D'ailleurs comment appeler ce ciel, qui ne ressemblait à rien. Il était aussi laiteux que le portail qu'elles avaient franchi emprunt d'une couleur indéfinissable. Frédérique sentit un malaise l'envahir, sa poitrine se serrer, ce ciel l'inquiétait, elle était sûre qu'il était dangereux. Elle porta son regard sur le paysage. Un désert s'étirait de chaque coté de l'autoroute, immense, gris. Jamais elle n'avait vu une telle couleur de sable, un gris acier. Où étaient-elles ? Le sable d'abord plat laissa la place à des dunes de plus en plus hautes, pourtant aucune n'apportait d'ombre, alors même qu'elles semblaient se mouvoir, doucement, imperceptiblement, mais sûrement. Elle repéra une dune qui se trouvait être toujours dans le même angle de vue. Impossible ! Était-ce les dunes qui avançaient ou la route qui reculait ? Il ne fallait pas effrayer Floriane, mais depuis combien de temps étaient-elles sur cette route ? . Impossible d 'avoir le moindre indicateur de temps. L'autoroute était rectiligne, elle semblait sans fin. Le macadam ne renvoyait pas la chaleur, il l'absorbait. C'était étrange, la voiture aussi ne faisait aucun bruit en roulant. Comme la chaleur, les bruits y disparaissaient, s'y étouffaient. Elle ralentit pour observer l'asphalte. Aucune aspérité ne semblait y figurer, comme si elle avait été faite d'un seul tenant ! Les lignes blanches étaient parfaites, sans aucun raccord. Décidément c'était un sacré boulot, trop parfait peut-être ! Elle remarqua alors que les glissières de sécurité extérieures étaient surmontées de flèches indiquant le sens de circulation.; c'était curieux, elle n'avait encore jamais vu ça. La glissière centrale quant à elle était basse, mat, du même gris que les dunes et pas plus haute que les roues de la voiture. Quelle étrange conception de la sécurité ! Mais était-ce bien dans ce but que cette autoroute existait ? Frédérique sentit un frisson la parcourir. Dans quoi s'était-elle fourrée ? Elle n'eut pas le temps de réfléchir plus, un grondement assourdissant les fit sursauter. Floriane hurla en regardant à droite et à gauche, Frédérique suivit son regard et sentit son sang se glacer...
Là dehors, de chaque côté de l'autoroute, sortant de derrière les dunes, deux vagues gigantesques s'élevaient. Son instinct lui ordonna d'accélérer, plus vite, toujours plus vite ! Les vagues se rejoignirent pour ne plus former qu'un mur immense les encadrant comme si elles devenaient le centre d'un écrin. L'effroi se lut dans le regard de Floriane, elle n'eut plus la force de hurler, elle n'était plus que le fantôme d'elle-même. Frédérique sentit la rage monter en elle, on lui avait enlevé son amour et on voudrait la voir rester sans rien faire devant la peur de sa fille pour une mort certaine ? C'était mal la connaître !!
« Je me battrai jusqu'au bout, vous m'entendez ? » hurla-t-elle.
« Si c'est moi que vous voulez venez me chercher, mais ne touchez pas à mon enfant ! Je ne vous y autoriserez pas !! »
La vague grandit, sembla ne faire qu'une avec l'autoroute et se teinta d'orange. Elle absorba les dunes qui furent réduites en cendres sous un crépitement horrible. Elle ressemblait à de l'acier chauffé à blanc laissant des éclairs rouge et blancs la traverser. Un monstre froid les poursuivait et elle ne savait pas pourquoi. La vague était lisse comme le métal, moirée de gris et d'orange, laissant sortir ses éclairs à chaque mouvement. Frédérique pensa à une faux gigantesque prête à les réduire à néant, puis elle forma un dôme derrière la voiture qui montait, montait toujours plus haut! Frédérique lui trouva soudain une étrange similitude avec une nef ! Quel rapport avec cette vague annonciatrice de mort et la nef d'une cathédrale ? Soudain des gouttes se mirent à tomber sur l'habitacle. Frédérique se raidit. Chaque goutte semblait frapper le toit comme autant de coup de poignard. Un bruit strident les accompagnait. Ça ne faisait qu'empirer, les coups étaient tellement rapides que le bruit lui sembla continu. Floriane se protégea les oreilles comme si cela suffisait à les éloigner. Soudain un trou apparut au-dessus de Floriane. Ce n'était pas de l'eau ! C'était acide, ça rongeait le métal ! Frédérique obligeât Floriane à se rouler en boule, enveloppée dans des vêtements, afin d'échapper à ce qui s'écoulait des trous, la protégeant avec son bras. Elle ne sentit pas la douleur dans sa chair à vif. Elle ne sentait plus rien. Sauver sa fille c'était tout ce qui lui importait. La vague semblait garder la même vitesse, qu'est-ce qui se passait, était-ce le défi à relever ? Soudain elle aperçut une aire de repos sur sa droite, c'était incongru comme apparition, pourtant elle sentit que c'était sa planche de salut, elle n'hésita pas une seconde. La vague continua sur l'autoroute 666. elles étaient sauvées, du moins pour le moment...
Elles descendirent en titubant de la voiture, comme ivres. Floriane aida sa mère à avancer jusqu'à l'entrée de l'hôtel. La douleur était soudain intense, son bras droit était gonflé. Des cloques impressionnantes commençaient à apparaître là ou l'acide avait percé la peau. Elles entrèrent dans le hall. Il était immense. Étrangement de l'extérieur l'hôtel semblait modeste, tout blanc avec un étage, mais de l'intérieur on ne voyait pas le bout du hall. Une odeur de terre emplit leurs narines. Une lumière crue sortie de nulle part n'éclairait que le comptoir d'ébène. Aucun lustre au plafond, aucune applique et pourtant la lumière faisait mal aux yeux. Frédérique sentit la nausée la prendre, elles s'approchèrent du comptoir où un homme sans âge leur tendit une clé. Il était chauve, mais ce qui surprenait avant tout c'était ses yeux rouges. J'ai déjà vu ça pensa Frédérique, elle chercha frénétiquement dans sa mémoire avant de se rappeler : oui c'est ça, s'était des yeux d'albinos ! Il mit un doigt sur sa bouche pour leur signifier de garder le silence. Elles n'étaient plus en état de réfléchir, elles prirent la clé et montèrent sans un mot dans la chambre qui leur était attribuée, la numéro 9. Le couloir semblait sans fin la lumière les suivait, n'éclairant les portes qu'au fur et à mesure de leur avancée. Étrangement les numéros étaient aléatoires, sans cohérence. On passait du numéro 1 à 13 puis 45, 21, 60, 7, 32, 9 et 72. Seulement neuf chambres s'ouvraient sur cet immense couloir. Elles ouvrirent leur porte. Un spectacle totalement irréel s'offrit à leurs yeux. Frédérique ne put s'empêcher de prendre un fou rire. Là, sur la table de nuit, trônait un bouquet de fleurs aux couleurs de l'arc-en-ciel. Une magnificence de bouquet. Un véritable chef-d'œuvre de travail, avec des fleurs dont la beauté sembla effacer d'un coup les souffrances qu'elles avaient subies. Un parfum subtil emplissait la pièce décorée avec goût, toute de vert amande. Aucune fenêtre n'était visible, alors d'où provenait la lumière du soleil ? La lumière ne semblait pas artificielle, les ombres tapissaient les murs et semblaient même bouger. Il n'était plus temps de penser, elles se couchèrent dans les bras l'une de l'autre, sans plus se préoccuper de rien, ni des blessures, ni de leur peur, ni de se déshabiller et s'endormirent d'un sommeil sans rêve...