L'ecchymose du coeur
Lev Hamels
Les gens qui rencontraient Loeva Beauregard retenaient souvent deux choses. Premièrement, c'était une femme souvent lourdement maquillée. Deuxièmement, c'est à quel point elle portait bien son nom, malgré qu'il lui vint de son mariage avec Mathis Beauregard, il y a cinq ans. Loeva avait des yeux incroyables, entre le bleu et le violet, un peu voilés. Ils avaient la même couleur que les marques qui apparaissaient sur ses poignets lorsqu'un mouvement les découvraient. Loeva avait le corps couvert de bleus. Son visage, sous ses épaisses couches de maquillage, l'était aussi. A vrai dire, c'est pour les cacher qu'elle se maquillait autant. Ce soir, devant son miroir, Loeva pleure en silence. Son corps compte de nouveaux coups, qui se perdent dans les autres. Elle essuie ses larmes, et se lève pour aller dans la chambre sur la pointe des pieds. Mathis, écroulé sur le lit, ronfle. Il empeste l'alcool et n'a pas pris le temps de se déshabiller. Sous ses mèches blondes et moites, ses sourcils sont froncés, comme soucieux. C'est un bon garçon, au fond, Loeva en est persuadée. Elle se couche à ses côtés, soupire. Entre les coups de poings, les coups de gueule, les gueule de bois et tout ce qu'il boit, Loeva avait beaucoup perdu. Elle avait perdu sa liberté, perdu la foi, perdu du poids aussi, elle avait surtout perdu l'envie. Seul son amour inconditionnel était étrangement resté. Elle avait rencontré Mathis dans un festival de blues. Ivre, elle était rentrée dans sa tente par confusion. Ils en avaient ri le lendemain, et avaient sympathisé. La romance s'était installée entre eux, puis la routine. Il l'avait demandée en mariage devant la mer. Elle était amoureuse, fraîchement enceinte. Elle a dit oui. Deux mois plus tard, un accident de voiture lui avait fait perdre l'enfant qu'elle portait. Mathis était tombé en dépression. Ils s'étaient mariés trois mois après, et s'étaient fait tatouer ensemble. Une pomme sur la nuque. La mère de Mathis l'avait appelé une semaine plus tard. Son frère jumeau s'était pendu. Mathis était tombé dans l'alcool. Petit à petit, il avait changé. D'abord il était devenu mutique, puis susceptible, jusqu'à l'agressivité. Les coups étaient entrés dans cette routine, qui était avant si belle.
"Loeva ?"
Temps. Loeva ne réponds pas. "Tu dors ?" Elle ne répond pas, tourne seulement la tête. "Excuse moi..." Sa voix est brisée et humide, comme refoulée par l'écume de ses larmes. "C'est pas grave..." Mathis fond en larmes. "Je suis tellement désolé, Loeva... Je t'aime..." Des larmes roulent sur ses joues tuméfiées. Silencieuses, amères, comme si l'acide de sa vie se liquéfiait pour s'échapper de sa prison corporelle. "Moi aussi, Mathis. Moi aussi je t'aime."
Une violence qui touche tous les milieux sociaux, hélas. ..le maître mot partir quelqu'en soit le prix... merci d'avoir traité ce sujet ...
· Il y a plus de 6 ans ·marielesmots
De rien, malheureusement pour certain(e)s, l'amour semble les empêcher de partir...
· Il y a plus de 6 ans ·Lev Hamels
Emouvante et tragique histoire de la femme battue enfermée dans un cercle infernal, qu'elle ne pourra certainement jamais rompre !
· Il y a plus de 6 ans ·Louve
La torture de voir un être aimé se détruire, et de tenter par tous les moyens de le sauver sans rien pouvoir faire...
· Il y a plus de 6 ans ·Lev Hamels