L’enfant, la femme, l’infini.

Quand j'étais petit, je sais, je n'étais pas grand, par contre, je ne montrais pas mon cul à tous les passants.

J'avais quelques problèmes, en tant qu'enfant, observateur appliqué de mon milieu, de mon biotope, de m'enfin, quoi, avec la notion de « l'infini » et celui plus modeste, de « la plaine ».

Commençons par le plus facile. La Plaine ! L'instit disait la plaine est plate ! Ok ! Mais pour moi, un truc plat, c'était un truc vraiment plat, comme une limande ou comme l'Isabelle dans « Thierry la fronde. » Alors, comment la plaine, formée de bottes de terres, de fossés entre les champs, pouvait être plate, ridicule !  La maîtresse me foutait le doute.

Quant à la notion de l'Infini, le grand ou le petit, je ne comprenais ni l'un, ni l'autre. Dans mon Monde délimité, cerné et borné tout avait un début et une fin. Ne parle-t-on pas de la fin dans le Monde ? Une route, aussi fuyante soit-elle, à notre vision lointaine, finira, même si on ne le voit plus, à arriver à la mer. Départementales, Nationales, Autoroutes alimentent tous les Océans. Si bien que ce concept d'infini me laissait perplexe et pantois qui pue.

Quand la maîtresse qui m'avait déjà foutu le doute sur le concept de « plaine » versus « pleine platitude », mais que j'aimais en secret, dit un jour, une phrase qui fit tilt dans mon cerveau de veau élevé sous le niveau de la mère. Elle prit l'image de « la vache qui rit » pour illustrer, en couleur et en odeur, son propos. Sur la boite du fromage on voit une vache qui rit, normal c'est le titre du bouquin, qui porte en boucle d'oreille une autre boite de vache qui rit, identique à l'original. Donc, dans cette deuxième image se répète la même boucle d'oreille, qui contient, elle-même, une boite en boucle d'oreille, qui a vu l'ours. Donc, de boucle d'oreille en boucle d'oreille, on conçoit, même pour un enfant, qu'écouter de la musique en boucle d'oreille, c'est l'écouter à l'infini.

Mais de ces notions abstraites de monts en vallées jusqu'à l'infini, on s'en fout un peu, il vaut mieux que je vous raconte mon idylle avec ma maîtresse qui, il faut bien l'avouer était plus âgée que moi, qui était jeune puceau. Mais malgré son grand âge de vingt-cinq ans, elle était très jolie avec ses cheveux nattés comme une gamine et ses jupes courtes et légères qui ne cachaient pas ses jambes galbées et dorées  comme des baguettes sortant du four.

Un jour que j'étais en retenue, sous sa surveillance, pour une broutille dont j'ai oublié la banalité, je lui posais candidement la question.

-         Voulez-vous, maîtresse, couchez avec moi ?

Comme elle était dans l'enseignement, elle ne perdait jamais une occasion de faire son travail de pédagogue.

-         Passe ton BAC, d'abord !

-         Je ne pensais pas faire des études si supérieures.

-         Ce sera ta motivation, Bac en poche, tu m'empoches, je t'épouse !

-         Je ne pourrais pas avoir un petit acompte.

-         Non, ni l'enseignement, ni mon corps ne font crédit.

C'est donc grâce à ma maîtresse que j'obtins mon BAC. Malheureusement comme j'avais traîné en chemin, je l'obtins à l'âge de trente-cinq ans et elle était déjà une vieille toute ridée comme une poire, car je n'aime pas les pommes.

Si bien qu'à la Fac, je pris une enseignante qui était bien plus jeune que moi, au cas, où elle me lancerait un défi à long terme.