Les amours imaginaires

Ça a l'air simple, pourtant. Tu le vois partout autour de toi ; avec tes proches, au cinéma, à la télé. Tous les êtres humains trouvent leur moitié. Ils font le choix alchimique de la confiance aveugle dans l'autre, du partage extrême de ce qu'il y a de plus intime en eux. Peu importe que leur relation soit éphémère ou qu'elle dure jusqu'à ce qu'ils meurent, cette intensité de la réciprocité, ils la vivent tous à un moment ou un autre.

On rencontre quelqu'un qui nous plaît, et il arrive qu'on lui plaise aussi. Fin de l'histoire.

Pourquoi ça n'a jamais marché ainsi pour moi?

L'irréciprocité on en parle jamais. C'est vraiment un truc de looser. La défaite la moins glorieuse du monde. Un deuxième Waterloo qui nous donne envie de s'exiler à sainte-Hélène. Une blessure à l'ego qui ne pourra jamais vraiment être guérie. Trop honteux, mais tout aussi dramatique que n'importe quelle autre peine de cœur - peut-être même plus.

Mais peut-on légitimement pleurer un amour qu'on a jamais physiquement connu? Est-ce l'image qu'on se faisait de cet amour qui s'éloigne, ou bien la réalité décevante de celui-ci qui nous fait le plus de mal?

Le plus souvent, on le sent venir de loin. L'autre ne fait jamais attention à toi de la façon dont tu aimerais qu'il le fasse. Les échanges ne sont jamais comme dans les films supposés romantiques. Mais on s'accroche quand même à l'idée de ce minuscule "et si...?".

Aimer quelqu'un qui ne nous aime pas. C'est l'image même de la folie humaine qui laisse son désir le guider jusque dans le malheur le plus primaire. On est déjà pauvre mais on donne sans compter, sans rien recevoir d'équivalant en retour. Ici ce n'est pas de la générosité, juste un abus du désespoir. Et la finalité est toujours pareille: on se retrouve à ramasser les trottoirs en pleurant. 

Puis, pour se rassurer, on se dit alors que la roue tourne.

Et si elle ne tourne pas, nous sommes pourtant les seuls qui avons le pouvoir de la débloquer.