Les Cassoces (4)

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Les Cassoces (4)


Un misanthrope


Philibert de Grandnoeud n'aimait plus, mais alors plus du tout la compagnie de ses semblables, qu'il jugeaient vains et superficiels et sonnant aussi creux que des barriques...

« Rien que du vent ! » Maugréait-il souvent...

Il ne supportait plus le monde de ses congénères et ne comprenait plus vraiment leur désir de se tenir ensemble, de se fréquenter, enfin si, il ne le comprenait que trop justement, toutes ces réunions, ces assemblages, ces regroupements n'étaient fait que par hypocrisie et cachaient, sous des apparences affables, des intérêts bassement matériels...

Rien n'était sincère chez l'homme, et il valait mieux se tenir le plus  éloigné possible de cet être vaniteux et futile.

Philibert était devenu ce qu'il est convenu d'appeler un « Misanthrope », et de plus un misanthrope endurci...

Il était devenu si allergique à toute présence humaine qu'il en était arrivé à ne plus se fréquenter lui-même...

A tel point qu'il ne s'adressait plus la parole depuis des mois!

Lorsqu'il se croisait au détour d'un couloir de son vaste appartement de la rue de Grenelle, il faisait semblant de ne s'être pas vu.

Il s'ignorait totalement, sauf évidemment pour les choses essentielles, ou il était contraint de faire attention à lui. Se raser était devenue une activité problématique puisqu'il refusait de se voir dans la glace.

Et il se coupait souvent.

Il évitait aussi soigneusement tout monologue intérieur, dès qu'il sentait qu'il se parlait à lui-même, là aussi il se coupait, mais volontairement...


Il refusait de dîner en sa propre compagnie.

En tout cas, lors des repas, il s'adressait à son chien plutôt qu'à lui-même, son chien qui le regardait avec l'air de dire « cause toujours, moi ce qui m'intéresse, c'est ce que tu as dans ton assiette !


Aux rares amis qui supportaient encore sa misanthropie et qui lui demandait : « Mais n'es-tu point malheureux ainsi, à ne plus vouloir voir personne ?  A ne même plus vouloir te fréquenter toi-même ?».

Philibert leur répondait : «  Je suis en paix avec ma conscience, un authentique misanthrope, doué de raison et de logique, se doit, s'il veut mépriser le genre humain, commencer par lui-même ! ».


Mais il n'y a rien à faire, on a beau détester sa propre espèce, il faut cependant bien vivre, et à moins d'être rentier, exercer une activité qui assure sa subsistance. Et Philibert n'avait peut-être pas choisi le bon métier pour un misanthrope, il était en effet chargé de communication dans une grande agence de presse internationale...


Nul n'est parfait !




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