les châteaux de sables

Lucie Labat

le premier amour, je crois, semble être un passage obligé. Ce qui en ressort quand même, c'est que ça vaut la peine d'être vécu

On était pas comme les autres. Non, c'est faux, on était pas. On l'était pas ! Pourquoi ils me sortent tous leurs remèdes miracles contre ma peine, on était unique, personne ne peut comprendre. Si ?

Nous on s'aimait. Oui je sais c'est difficile à croire. On avait réussi l'impensable. L'amour, le vrai, pas celui on l'on ne voit pas les défauts de la personne, celui où l'on comprend intimement qui se tient devant nos yeux, et où l'on aime, éperdument. On aime pas les qualités d'une personne, on aime ses défauts, si vous préférez. Nous voilà donc, ré enchantant le monde à coup d'idéaux et de romantisme, concept qui semblait alors nous appartenir. Oui. On ré inventait ce qu'était d'aimer. Combiner des idées pourtant saugrenues : l'amour pour toujours, l'exaltation amoureuse jusqu'à en mourir, avec un bonheur sain, une vision claire de la réalité, presque rationnelle, était notre spécialité. Comment vouloir ce dont on avait besoin, tant de bénéfices et aucun compromis.

Mais il était là le hic. Une entente parfaite, bénie des dieux… fausse. La rupture pointe son nez, timide. Il ne parle plus… je suis seule. Il a rencontré une fille, elle lui plait. Et c'est là qu'il réalise : je ne suis pas la seule, et il n'a pas envie que je le sois. Il a menti dit-il, s'est menti à lui-même, s'est laissé dépasser par la force de son amour. ça c'est moi qui l'ai compris. L'amour était grand, il fallait que la relation soit absolue. J'étais sa première, il était tout comme, l'amour de l'idée de l'amour appuyait puissamment toutes nos déclarations. Il m'a convaincue. Ironie du sort, je ne voulais pas le croire alors, je peine aujourd'hui à comprendre comment un grand amour et un trop grand besoin de l'être aimé sont indissociables l'un de l'autre. Comment aimer à la folie sans courir à la perte ? On est tombé en plein dedans, si vite, tellement vite. Le piège s'est finalement refermé. Les cordes du cœur mal accordées depuis le début n'étaient pas au même diapason, elles ont lâchées. Le feu s'est éteint bien plus vite qu'il ne s'était allumé. En effet : on était sûr. Sûr de nous, de notre complicité qui nous permettrait toujours de communiquer dès qu'il serait nécessaire, évitant ainsi toute crise. Mais comment avouer à la personne qu'on aime qu'on s'est enfermé dans une relation absolue sans savoir dans quoi l'on s'embarquait, par amour, par grand amour, celui qui fait faire de grandes bêtises, aussi grande que notre amour ? On est vite dépassé quand on se heurte au couple et à tout ce que ça signifie, et qu'on ne veut pas de ce couple-là, de cet univers que l'on a construit ensemble, indépendamment de l'amour que l'on porte à quelqu'un. Qu'est-ce que c'est l'amour, le plus haut degré d'amour si ce n'est vouloir être avec cette personne à tout prix ? Et que faire quand l'amour est si fort qu'on en oublie qui on est, et ce qu'on veut vraiment ? Se rendre compte que ce n'est pas de l'amour. Il suffit d'un rappel à l'ordre, pour atterrir sur la terre ferme. L'illusion est vicieuse, elle ne se dénonce que quand il est trop tard.

Il renie l'absolu, l'engagement, reprend toutes ses promesses et brise mon cœur par la même occasion. Bien sûr il y avait des dysfonctionnements. En en prenant conscience il a aussi pris conscience qu'il ne désirait pas les fixer, parce qu'ils étaient la désillusion. Là où je pensais être dans le vrai, le beau, le réalisme poétique, lui avait menti tout du long. Nous avons chassé les arcs-en-ciel tout du long.

C'est là que la seconde réalité frappe. « Que vais-je faire sans lui, il est tout pour moi »… Je le pensais, avant même notre amour. « Il est le garant de l'amour que je me porte. Si lui ne m'aime plus… » Rien qu'à lire cela on sent la tuile. Encore plus quand elle vous tombe dessus. Tu n'es pas le seul à t'être menti. A présent les châteaux de sables ont été détruits, lessivés par ce raz de marée que l'on appelle la réalité. Et je sais qu'il en faudra certainement d'autres encore, avant que je ne m'éloigne du rivage.

  • Beaucoup de sensibilité...tout ce qu'on pense graver dans le sable ne résiste jamais à la marée

    · Il y a presque 8 ans ·
    Siren

    hinareva

  • Terriblement beau et réaliste ! On a tous eu nos châteaux de sable et ils renaissent et se démolissent à l'infini ...

    · Il y a presque 8 ans ·
    Louve blanche

    Louve

    • merci beaucoup Martine j'avais peur justement d'être un peu trop réaliste pour que ce soit qualitatif, ton commentaire m'est très utile :)

      · Il y a presque 8 ans ·
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      Lucie Labat

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