Les cheveux colorés
lena-siwel
Les cheveux colorés
… Vince, mon amour, s'est doucement approché de moi.
Il a posé, sur mes cheveux, un regard caressant…
Je savais qu'ils n'étaient pas assez beaux, ni assez soyeux, mais ce regard était déjà comme une promesse…
*
Puis le coiffeur est arrivé, portant un sac de cuir qu'il a ouvert, pour en sortir des poudres de couleur marron et des fioles au contenu gras et transparent.
— Puis-je, s'il vous plaît ? M'a t-il demandé avec toute la déférence due à la reine de Saba.
J'ai acquiescé.
Il a comparé les tonalités de ses poudres avec celles de mes cheveux, de la racine jusqu'aux pointes. Il les a mélangées afin de rester le plus fidèle possible à ma couleur d'origine, tout en incorporant l'effet soleil qui devait briller dedans. A l'aide d'une petite truelle de poupée il a obtenu une pâte onctueuse en y ajoutant quelques gouttes huileuses provenant des fioles.
Il a choisi le pinceau adéquat pour m'appliquer la couleur, et sorti une paire de gants en caoutchouc transparents.
J'ai fermé les yeux et je me suis laissée faire...
Mes cheveux ont été peignés, raie au milieu.
… Appliquée lentement,
lentement, la couleur,
oui, lentement…
sinon ça ne marche pas.
Il a fallu attendre.
Longtemps.
… Attendre que ça sèche.
Mes cheveux était huileux et gras et jamais ne séchaient...
Puis il a fallu comme les dégorger de leur couleur sans pourtant les rincer, petit à petit, pour ne pas dire un à un.
Je l'ai entendu douter du coloris,
douter du résultat,
douter du temps de pose et du délai d'attente.
Je l'ai vu recommencer encore et encore l'opération,
parce que la couleur ne prenait pas,
parce que le reflet ne convenait pas,
parce que la lumière n'y était pas.
… Pas comme il l'espérait en tous cas.
Et puis encore du temps de pause avec un minuteur pour compter les minutes et les heures…
Parce que le temps ne passait pas.
Il m'a fallu attendre.
Attendre
Attendre…
Impossible de faire de façon classique, comme chez les autres coiffeurs en tous cas, non, il fallait autre chose, pour un autre résultat.
Il voulait ce qui n'existait pas,
qui n'existait pas ailleurs, en tous cas.
Et c'est parce que ça n'existait pas, qu'il voulait ça.
*
Mon Dieu que l'attente fut longue et décourageante mais quelle récompense aujourd'hui…
*
Vince s'est assis face à moi pour me regarder, et si j'osais, je pourrais évoquer l'idée qu'il s'est assis auprès de mon âme.
J'ai vu le trouble qui a figé ses traits…
Il a d'abord hésité, puis il a, en silence, posé ses doigts à la racine de mes cheveux et en a suivi chaque mèche, sur toute sa longueur.
C'était comme si, tout autour de moi, le monde se patinait, devenait souple et ouaté, sans contour véritable.
*
C'était comme si j'entrais, vivante, dans la magie de son amour…
... moi, le robot qu'il a créé...
Lena SIWEL.