Les mailles du filet

divina-bonitas

actualité - renseignements - questions - analyse

Je lis vos textes et réactions à la suite de cet énième attentat, entends ces "cris, ces SOS de terriens en détresse" auxquels j'appartiens.


Je pleure et réfléchis, me demande: comment fonctionnent les renseignements français? Pourquoi des gens dûment fichés, connus par les services de l'Etat (police, justice, CAF, impôts, préfecture...), arrivent à passer entre les mailles du filet?


A force d'entendre les commentateurs, chroniqueurs... dans les médias, je finis par penser avec effroi, que les renseignements de notre pays ne possèdent pas un outil informatisé unique, moderne et pertinent permettant de faire ce que l'on appelle de l'analyse de données, c'est à dire du profilage efficace. 


L'analyse de données permet de croiser des informations, d'établir des profils, est utilisée depuis des lustres dans le marketing pour vendre des boites de bouffe pour chat à des gens éparpillés sur le territoire, des barils de lessive à des ménagères lambda, des voitures, des voyages...raison pour laquelle si vous regardez des locations de vacances à la montagne, votre PC va "tout seul" vous en proposer d'autres dans la semaine, en plus de vous suggérer d'acheter des produits associés du fait du profil de consommation établi par les analystes. C'est ainsi qu'à partir d'un simple achat en ligne ou consultation de certains sites (même classés X), des gens dans un bureau vont définir votre profil, cocher en quelque sorte une succession de cases reflétant vos goûts, déplacements, personnalité, nombre et âge des enfants, turpitudes, type d'habitat, capacités budgétaires, consommation de fuel domestique...en améliorant si besoin leur analyse par des fichiers loués, achetés, échangés...


En anglais ça s'appelle le job de "data-base analyser". C'est mon premier métier et donc, l'affaire me titille. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi il est si facile de repérer telle ménagère de derrière un bureau avec un PC et un peu de QI sans arriver à faire de même avec des gens qui sont tous identifiés et identifiables par un biais ou par un autre. Il doit bien y en avoir dans les services de renseignements des gens qui ont ces compétences. Mais...2° question: ont-ils l'outil informatique réactif et interactif ainsi que le droit de construire une base de données unique recensant les informations détenues sur certaines personnes ayant un profil à risque?


C'est à dire, y a-t-il une base de données commune aux différents services de la justice et de la police/gendarmerie/Interpol/douanes/préfectures...banques, CAF, impôts...un outil permettant à n'importe quel acteur de ces services d'intégrer des données en live à la base, y compris un dépôt de main courante pour violences conjugales, des bagarres, une location "extraordinaire" de chambre ou de véhicule  avec une CB...? Existe-t-il un outil possédant une programmation informatique automatisée pour que ça "sonne" quand X données variables sont entrées dans un laps de temps défini? Une base de données comprenant des données fixes 1, 2, 3, par ex nom, prénom, adresse,....et des variables, x, y, z...comme dans une équation mathématiques. Le travail de l'analyste consiste à recenser les données connues et fixes, mais aussi et c'est le plus difficile, à identifier les données nécessaires à un profilage affiné avant de construire la base techniquement pour qu'elle puisse intégrer ces variables. A l'inverse, si chaque service de renseignement possède son propre dispositif et qu'il n'est pas compatible avec l'autre ou que les données ne soient pas les mêmes, pas croisables, ou que les logiciels de tri soient obsolètes...ça ne risque pas de fonctionner.


Techniquement, c'est possible de mettre au point ce type de machine même si c'est un gros boulot. Mais est-ce que légalement ça l'est dans notre pays du fait de la législation sur les libertés fondamentales, les impératifs de la CNIL ou un autre point de droit? De la séparation des pouvoirs justice/police/exécutif? Sans doute en partie, mais alors que faire? Comment éthiquement et démocratiquement poser la limite des informations recensées et exploitées? Et si on ne le fait pas,  comment resserrer les mailles du filet afin de mieux anticiper, étant entendu qu'il est impossible de suivre physiquement chaque individu suspect?


Pourquoi cette question de base de données n'est-elle pas évoquée par les politiques et les médias? Est-ce que la question ne se pose pas? Est-ce une mauvaise question? Ou est-ce que délibérément la question n'est pas posée? Parce que la prise de conscience n'a pas été effectuée? Parce que la mission semble surhumaine? Politiquement délicate? Guerre de territoires? Peurs confuses de sortir d'un état de droit? Oui la frontière entre l'état de droit et Big Brother peut sembler mince, oui le débat doit être démocratique, mais est-ce que ça ne vaut pas le coup quand même de le poser et d'y réfléchir plutôt que de renoncer d'emblée?


J'ai beaucoup de pourquoi et énormément de chagrin pour toutes les victimes et leurs familles, pour nous tous, qui continuons à pleurer nos morts innocents. Mais je suis aussi une femme d'action, prête à aider s'il le faut à mettre au point un système performant et respectueux du droit et de l'individualité de chacun, bénévolement, avec tout mon cœur, mes neurones et mon énergie pour que ça s'arrête. Je n'en peux plus d'allumer la TV pour contempler de tels désastres et entendre des discours compassionnels mais peu visionnaires, sans rien de très concret cernable à l'horizon.  Un an et demi depuis Charlie et je ne vois rien venir d'autre que le burn-out des forces de l'ordre.


Nous avons énormément de formes d'intelligences en France, de gens brillants et dévoués. Unissons nous pour lutter avec nos cerveaux et notre volonté de rétablir la paix, en utilisant des moyens de même qualificatif. C'est une nouvelle guerre à laquelle nous sommes confrontés. Il nous faut donc de nouveaux outils de défense. Et on a intérêt à se bouger vite fait pour les mettre en place si on ne veut pas systématiquement avoir la sensation de courir derrière un train en marche qui ne nous attend malheureusement pas pour avancer.





  • Aucun filet, aussi performant soit-il ou puisse-t-il devenir, ne saurait être totalement "filtrant"

    · Il y a presque 8 ans ·
    Cavalier

    menestrel75

    • C'est clair que le risque zéro est impossible. Néanmoins il est important de prendre les bonnes mesures pour tendre vers...

      · Il y a presque 8 ans ·
      Img 1518

      divina-bonitas

  • J'habite à Nice, de chez moi je vois la Promenade des Anglais... Bon. Les mailles du filet:
    En effet, la peur de sortir de l'état de droit, la trouille que le filet soit trop serré, pas assez, l'instinct de protéger Son boulot, Son territoire l'Ethique et la Démocratie, oui, c'est cela qui bloque, et l'ombre de Big Brother que vous évoquez.
    Mais d'attentat en massacre, attendre, encore, pour réfléchir à un filet commun, ça va devenir quasi-complice...
    De ce filet, je n'ai pas peur. Il pourra être manié par tant de pêcheurs que des risques de dictature me semblent très ténus.
    Toutefois, pour l'exemple du tueur de Nice: Pouvait-on le prendre au filet ? Si vraiment sa radicalisation a été aussi rapide... (hum...)
    Mais, oui, il faut avancer, vite.
    Oui, nous avons les intelligences brillantes, dévouées, du bon matos, et des barrières juridiques pour veiller à la ligne rouge...

    · Il y a presque 8 ans ·
    Oiseau... 300

    astrov

    • Merci Astrov. Je vous envoie mes meilleures pensées pour vous qui vivez à Nice et à tous ceux qui ont été touchés par cet attentat. Un de mes enfants vit à Paris et a vécu de près les attentats de novembre. C'est difficile même en ne faisant pas partie des victimes et de leurs proches.
      Oui, à force d'attendre et comme vous le dîtes très justement, ça va friser la complicité.
      Moi non plus je n'ai pas peur que le filet se resserre. Il y a X moyens pour contenir et prévenir les abus.
      Je vais vous répondre sur le reste par un autre article en espérant éclairer mon propos.

      · Il y a presque 8 ans ·
      Img 1518

      divina-bonitas

    • Je pense qu'aucune méthode n'est exclusive d'une autre. L'analyse de données est un job très pragmatique.
      Merci de votre commentaire.

      · Il y a presque 8 ans ·
      Img 1518

      divina-bonitas

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