Les mains du piano.

la-tete-en-neige

On n’imagine pas les ravages de ses mains. Je suis allongée sous un rectangle d’ivoire, et la mélodie résonne dans ma tête. Sur ma tête, elle cogne, contre du bois, des boucles de métal. Ses mains jouent. Sans arrêt. Sans arrêt, il me frappe, à jouer, comme ca. Je ne suis que la poussière d’une mélodie, l’ombre d’un bloc au teint blême, l’interstice entre le bois vernis et le hachoir. Je l’écoute sans l’écouter, quand il se joue de moi, j’ai les oreilles fermées. C’est lui qui les ferme, il appuie sur la touche, mord les lèvres, mange ma bouche. Cet homme est étrange. Cet homme parle le silence couramment. Je le sais. Je dors sous le pétale de ses fleurs. Je frétille à sa vu, trousseau de clé allongé, au sol. On n’imagine pas les ravages de ses mains, qui arrangent mon humeur comme la coupe d’un bouquet. Un bouquet parmi tant d’autre. Mais moi, qui l’attends, si longtemps, ne suis finalement, que la fleur séchée, oubliée, au coin d’une pédale de piano, brisée. 

Signaler ce texte