Les pâleurs de 6 h 14.

Alain Lehéricy

Lettre à une amie.

 


 

Ces bestioles ont un vol de baffes

Ou de bercements, mais compliqués.

J'imagine les insectes les claquer

Avant de se faire dévorer,

Sauf, bien sûr, ceux qui me piquent.

N'est-ce pas ceux-là que je voudrais qu'elles mangent ?

Le souffle du vent est parfait

Et a la délicatesse des caresses

Nappées sur les peaux.

Le ciel a ce bleu spécial,

Celui de 6 h 18

Et des premières clartés,

Celles de 6 h 19.

 

Le vent cherche les arbres abattus.

Et ce que l'on a gagné en paysage,

Nous l'avons perdu en oiseaux,

Egaré en flore,

Ils sont dans le jardin, à l'accueil,

La première fane au bec.

Certains parlent une drôle de langue,

Au loin, on entend le paon ne plus crier ; Léon !

Mais criailler ; dehors ! Dehors !

Il faut dire qu'ici,

La peste a bruni.

 

Ma douce dort.

Ma polaque de 6 h 27 a ce sommeil particulier, accidenté.

Christine est très belle pour moi

Et fait très jeune.

Notre fils vaque à ses soirées,

De jours, de matins, de nuits brassées

Il est heureux ?

Je le souhaite,

C'est cela le mieux.

Que la maison est grande.

Grande pour quelques trop rares passagers

Et petite, parfois, pour deux.

Les tensions rapprochent les murs.

 

Mes bateaux de 6 h28 se réveillent,

Ces vieux rafiots aux hublots occultés

Qui savent le cocktail mer et ciel

Posé sur la ligne,

Qui passent comme une plaque de glace,

D'une épaisseur inférieure à la peine,

Mais dont la rivière ne supporte pas le fond

Qui dégage ces vieilles saloperies

Et trouble l'eau que l'on pensait pure.

 

Un marin attend.

Il a cette façon d'être seul.

Il regarde le port.

Toutes les proues piquent au large,

Toutes les poupes fuient les quais,

Aux bras des pierres, chaque être marche,

Tous les vents sifflent aux fils d'acier.

Ils s'infusent de moquerie.

Puis se déchire.

Le vent cruel parfois est le geôlier des bateaux.

J'écris, c'est une façon d'être seul,

Parfois amidonné au paysage empesé

Et parfois libre.

Voilà, je vous laisse, ma très chère amie

Avec une fatigue de 6 h 42.

Elle se réveille avec la grimace de sa jeunesse

Et des années qu'elle cache.

Mes fantômes sont dans le cadre rouge,

Posés au papier jaune,

Surtout un,

 

Fin de 6 h 55.

Signaler ce texte