Les papys rappeurs

Le plus jeune, a quatre-vingts ballets, mais il est encore véloce. Il faut le voir arriver sur scène tout en béquille arrière avec son déambulateur de course. Puis, par une rotation contrôlée à 16o degrés, il se stabilise face au micro, mais pas toujours face au public, son dernier tour de chant a été  entièrement réalisé de dos, alors qu'il pestait sur l'absence de fans.

Il y a aussi le batteur, un bon ! Enfin il était bon avant, avant que sa vue ne baisse à limite de l'extinction des feux. Maintenant il rate plus de coups qu'il n'en met sur les tomes. Il n'y a guère que sur la grosse caisse qu'il fasse encore pleine cible.

Ah, le soliste à la guitare électrique 220 V, ça c'est quelque chose ! Oui, effectivement quelque chose, mais quoi exactement ? Personne n'en a une idée précise. Son son entre le saxo et le cri d'agonie de la baleine à bosses tourne à vous donner des envies de pendaisons à foison. Quand il est parti, le lascar, on regrette qu'il ne le soit pas, plus rien ne l'arrête. La dernière fois il a fallu l'intervention des pompiers pour le désincarcorder de son instrument. Il a même perdu un doigt dans la lutte. Même pas grave, d'après ses dires, celui-là, ne lui servait à rien, à croire que les autres seraient encore utiles à la musique.

Eh, on a aussi une choriste, si, si ! Bon les déhanchements et la danse, ce n'est plus tellement de son temps, mais il lui reste encore un filet de voix de faussée, qu'il faut amplifier à fond la caisse pour l'entendre murmurer : « Je couche avec la police ! » Oui ! On a au beau lui expliquer, à  Germaine, que « niquer » n'a pas exactement le même sens, rien n'y fait.

Enfin, si vous avez envie de les entendre, leur prochaine prestation se fera dans un EHPAD, dans le neuf-trois, le berceau du hip-hop-youp-la-boum, franco-français à la Vercingétorix. Le groupe avait déjà tenté l'expérience de jouer devant des vieux et cela avait été bénéfique, les résidents criaient et frappaient beaucoup moins fort que les jeunes.