les plumes -2

Bérénice

Un jour, j’ai croisé quelqu’un.

Vous me direz qu’on croise toujours des tas de gens.

Seulement, celui-là, je m’en souviens.

Celui là, il avait un petit quelque chose. Il prenait son chapeau à deux doigts. Comme ça. Il le pinçait délicatement.

Et il était gros.

La figure boursouflée. Un amas flasque, un bon gros bonbon gélatineux.

Et pourtant, une délicatesse …

Ce monsieur là, je l’ai su ensuite, c’était le poinçonneur des Lilas. Le vrai, celui de la chanson.

Je l’ai vu poinçonner son chapeau, des tas de fois. Il a poinçonné sa chemise, et le plastique de son cabat.

C’était le poinçonneur des Lilas, et il était à la retraite.

Quand il poinçonnait, ça faisait des petits cercles colorés qui tombaient partout autour de lui.

Il soulevait son chapeau. Là, délicatement, l’air pincé, retenu. Saluait Nadine, ou saluait Lucie, ou saluait une autre.

Son chapeau était plein de trous.

Un autre jour, il n’est plus venu. Le poinçonneur des Lilas n’était plus là. Nulle part.

Parti. Ou malade peut-être.

Jusqu’à ce que je trouve son chapeau.

Son chapeau plein de trous.

je l’ai trouvé devant chez moi.

Là, sur le palier, avec une carte blanche toute trouée. Ça disait..

Y en a marre de faire des trous.

 

Signaler ce texte