Les regrets de l'imbécile
immenserouge
Quand l’orange roule et dépasse les limites de la table, elle tombe. Quand les gouttes d’eau se condensent dans les nuages, elles tombent. Quand la chemise se détache du cintre, elle tombe. Quand j’enjambe la balustrade de ma fenêtre et me jette dans le vide, oui, je tombe. Je n’ai aucune excuse, j’étais prévenu. Hier encore, lorsque mes clés m’ont échappé des mains, elles sont tombées. Alors pourquoi espérais-je un autre résultat ? N’avais-je pas réalisé que l’on achève généralement sa chute dans la tombe, lorsque c’est de haut que l’on tombe ? Si, bien sûr que si. J’avais sauté dans le but mûrement réfléchi de me donner la mort, pas pour observer de plus près la rue de Rivoli (qui n’a d’ailleurs pas grand intérêt). Si j’espérais ne pas m’écraser sur le sol comme les postillons qui s’échappent de la bouche de mon voisin alcoolique lorsqu’il insulte sa femme, c’est parce qu’à l’instant même où mes pieds on quitté le rebord de la fenêtre, j’ai changé d’avis. Je ne voulais plus sauter, je ne voulais plus tomber, je ne voulais plus mourir. Je commençais malgré moi à aimer ce monde que je venais de quitter. J’aimais mon voisin alcoolique et sa femme battue, j’aimais les abrutis multidiplomés qui cherchent à nous vendre du sucre sans sucres ajoutés, j’aimais les pigeons qui prennent ma voiture pour une latrine, j’aimais la voix qui m’annonce que mon train a du retard, j’aimais le message en bas de mon écran qui me dis de faire du sport pour ne pas être obèse, j’aimais l’obèse à cause de qui j’avais ce message en bas de mon écran. J’aimais les prêtres, les anarchistes, les dictateurs, les sous-nourris, les sportifs, les handicapés, les coiffeuses, les rois, les mauvaises-herbes, les rasoirs à 27 lames, les sous-marins nucléaires, les couches pour vieux, les préservatifs pour femme et les jouets pour chien. Le plus surprenant, malgré tout, c’est que je m’aimais aussi. Moi, l’imbécile qui regrette son choix au moment où il se jette dans le vide. La seule chose que je haïssais, dans ce monde, c’était cette idiote de fenêtre qui avait l’idée débile de se situer à 15 mètres du sol. Alors j’ai fermé les yeux et j’ai compris pourquoi il n’y avait pas de e, à la fin de mourir. Mou rire.
J,aime beaucoup beaucoup !
· Il y a plus de 12 ans ·lounalovegood
J'adore! Tu es vraiment génial! Pour moi ce sera un coup de coeur (si j'arrive à trouver comment on fait...)
· Il y a plus de 12 ans ·Holly Storm
Non je n'ai pas modifié la fin, mais as-tu pensé à lire la page 2 ? Quand on ne met pas le texte en pleine page les dernières lignes sont sur la page suivante.
· Il y a plus de 12 ans ·Très bizarre en effet, c'est vrai que ce texte je ne le voulais pas sombre, mais selon les humeurs il peut le sembler.
immenserouge
J'ai bien aimé, je ne m'attendais pas à ce retournement de situation très positif !!! Bravo
· Il y a plus de 12 ans ·mlo
Bravo. Du court, du condensé, et un paquet d’arguments très drôles pour décourager tous les candidats au suicide.
· Il y a plus de 12 ans ·Rappel : Entre la fenêtre et le sol, toujours se dire « Jusqu’ici, tout va bien ».
Christophe Dessaux