Les salles d'attente

divina-bonitas

Chronique - humour - billet d'humeur

Les salles d'attente sont comme leur dénomination le signale, un endroit ou les patients, quidams innocents, poireautent, des minutes voire des heures qui peuvent se compter par 24, de jour comme de nuit, dans l'attente d'un humain en blouse blanche - de style, tissu et longueur personnalisés / N.B: quand la blouse est verte ou bleu, la situation peut s'avérer plus préoccupante.


Dans ces lieux souvent chargés de stress voire d'angoisses de légères à critiques, se trouvent des sièges, rarement confortables puisqu'il s'agit essentiellement de chaises dans tous leurs états: de neuves en résine blanche design super glissantes sans accoudoirs réels auxquels pitonner, de pliantes en phase terminale menaçant de céder dans des grincements sinistres dès qu'on s'y pose, de dépareillées récupérées dans des vide-greniers, en passant par un grand classique: les chaises attachées en rang d'oignon - y a t-il vraiment des patients qui partiraient avec des chaises de salle d'attente? - aux galettes colorées et néanmoins usagées, tachées, râpées, garnies de mousse minimaliste dûment espouties. (Espouties: On comprend à l'oreille que la mousse est défunte). 


Au milieu du lieu ou dans les angles, des tables/tablettes, des étagères vissées au mur, supportant des revues passionnantes: chasse et pêche, déco and co, finances et bourses, presse people, le choc des photos de P.M, psycho, journaux TV, Oui-Oui coincé entre deux hebdos féminins...tous ces magazines ayant un point en commun: en quantité limitée et feuilletés par des doigts moites de stress et/ou d'énervement, ils datent de plusieurs mois quand ce n'est pas plusieurs années, les tests et les mots croisés sont achevés, des pages sont manquantes,  on se demande quelle bactérie on va choper en tournant celles qui restent.


Certes, cela permet enfin de s'intéresser à un sujet aussi capital que la façon d'enfiler un ver sur un hameçon, de faire un point sur ses connaissances concernant le prénom zarbi du dernier gamin d'une star, le prix de la robe de mariage de telle actrice se remariant pour la 3° fois, de se dire qu'on a bien fait de repeindre le salon dans un gris-beige très chic à la mode d'il y a deux ans, de relativiser son état de santé en constatant que quelque part ailleurs, des gens sont passés de vie à trépas du fait d'une catastrophe naturelle, d'une guerre ou d'un accident aérien, de se dire qu'on n'est pas venu voir le psy pour rien du fait que notre syndrome abandonnique est expliqué sur quatre pages - en priant le Ciel que le psy ait lu l'article avant la consultation - , mais bon sang de bois, quand je fais le pied de grue dans une salle d'attente, je voudrais surtout pouvoir lire un truc récent et à peu près en état, tout en ayant un minimum de choix sur les sujets, sans me sentir plus angoissée après ces lectures qu'en arrivant.


Et puis je ne sais pas quelles idées piquent les architectes, lesquels trouvent manifestement génial de faire des salles d'attente ouvertes, servant aussi de hall et couloirs, à proximité des desks des secrétaires médicales, dans les courants d'airs, les sonneries de téléphone, les conversations privées, le chuintement des portes des ascenseurs, quand ce n'est pas en face des chiottes et des cabines de "déshabillage". La peur et les odeurs en live, l'odeur de la peur parfois, c'est vrai, c'est parfaitement réfléchi, pensé, humaniste dans l'approche créative.

C'est tellement cool et rassurant de voir les gens sortirent du bureau du toubib les yeux rouges et la mine défaite, d'entendre ensuite la secrétaire, écouteurs sur les oreilles, susurrer un "je vous prends RV pour l'IRM le 12?" sans lever le nez de son clavier. 


Enfin, histoire de clore le débat, prenons quelques instants pour décrire la déco: murs tapissés de papier armé - plein de COV ou composés organiques volatiles , mixte colles et fibre de verre -  peint en blanc/gris/beige sur 3 murs, le dernier en orange ou vert anis - code couleur des cuisines, très tendance, faussement gai, franchement excitant pour l'œil- sol en lino transpirant des fragrances de caoutchouc tiède rappelant à la mémoire olfactive les vestiaires de lycée, plafonnier aveuglant, et le clou du spectacle: fausse plante pas toujours verte - il font de nos jours de très belles imitations d'érables du japon rougeoyant en tissu ou plastique - prenant la poussière dans un coin, aux airs non dissimulés de rayon d'hypermarché à la veille de Toussaint. Certains, comme j'ai pu le voir en cancéro, poussent le vice jusqu'à mettre des branches mortes dans un ersatz de vase cubique. C'est vrai que l'avantage est que ça apporte à l'atmosphère déjà mortifère, une final touch of reality que chacun appréciera.


Et dire qu'aujourd'hui on apprend en première année d'études de médecine, dans un nouvel UV de Sciences Humaines très pertinent, cette phrase clef: "le patient est guéri quand il n'a pas de séquelles psychologiques de la maladie".


On n'y est pas. L'attente et les lieux associées font parties de la prise en charge des malades qui passent souvent bien plus de temps à "attendre" qu'à voir des soignants. Qui va le comprendre un jour et quand, que la maladie pour le malade ne se limite pas aux murs du cabinet ou aux lieux d'investigations médicales, qu'il y aurait un grand bénéfice pour les soignants et les patients de rendre ces endroits agréables en utilisant la chromothérapie et l'aromathérapie par exemple, en mettant un pot avec une vraie plante dedans ou un bouquet de fleurs par semaine, une TV passant des comédies, des films d'amour ou Joséphine Ange Gardien, des BD de Raiser ou des Bidochons, des bouquins parlant de spiritualité ou du parfum des fleurs, un aquarium avec des Bubulles...et surtout un endroit avec des portes qui ferment, ce qui permettrait d'être en adéquation avec cette fameuse charte de confidentialité placardée partout mais peu respectée de ce fait.


Oui mais...ce n'est pas "vendeur" la déco de la salle d'attente dans les revues de même qualificatif. Dommage! Il y a pourtant là une niche de marché!!!



  • Ah oui ! Bravo et merci, c'est de la description vraie, concrète, authentique ! Le fin du fin (que j'ai expérimenté, sans diagnostic grave d'ailleurs), c'est le cas de plusieurs examens de suite dans la même matinée, avec, dans ce grand centre hospitalier, une salle d'attente par examen. J'en ai ainsi vu quatre à la file. Soyons francs: les chaises et fauteuils étaient fort acceptables.

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Oiseau... 300

    astrov

    • Merci Astrov d'avoir à nouveau lu un de mes textes.
      Je me suis encore énervée à ce sujet la semaine dernière en accompagnant un proche, promis à la secrétaire de lui ramener une pile de revues propres et récentes aux sujets variés!

      · Il y a plus de 8 ans ·
      Img 1518

      divina-bonitas

    • eh oui mais tous ceux qui reçoivent du public dans le domaine médical ou pas vous le diront : toutes les revues récentes sont systématiquement fauchées, c'est pour cette raison qu'il n'y en a pas, de même les jouets mis à la disposition des enfants disparaissent, les miettes de goûter jonchent le sol , les chewing gum sont collés aux chaises , aux murs etc...
      quand aux films et à la musique, il faut payer la redevance.. mais il y a des salles d'attente chic et choc dans certains quartiers , pas sur que moins de microbes pour autant ..

      · Il y a plus de 8 ans ·
      Photo

      Susanne Derève

    • Bonjour et merci de votre commentaire...très inquiétant.
      Je reçois des personnes en consultation et rien n'a jamais disparu depuis plusieurs années. Je dois avoir beaucoup de chance! En revanche il m'arrive souvent de donner une revue récente à une personne qui semble intéressée par un article, un livre dont je n'ai plus besoin...et des jouets.
      La médecine et associée tendant à se pratiquer à plusieurs, je pense quand même qu'investir 5 euros par tête de pipe de façon hebdomadaire, à passer en charges sur le bilan, ne devrait pas grever de façon dramatique le revenu des praticiens.
      Un écran avec un lecteur de DVD intégré doit permettre de résoudre l'épineux problème de la redevance.
      Le manque de confidentialité de certaines salles d'attente relèvent d'un choix architectural et des dirigeants, y compris dans les CHU.
      Je ne savais pas qu'il fallait payer une redevance pour passer de la musique.
      Bon courage à vous, vous semblez travailler dans un secteur particulièrement difficile.

      · Il y a plus de 8 ans ·
      Img 1518

      divina-bonitas

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