Les sourires s'éteignent.

Christophe Hulé

Les sourires s'éteignent un par un, et pour cause, il y a bien longtemps qu'on ne rit plus.

C'est bien dommage quand on y pense, pardon pour l'euphémisme.

On échange parfois des regards entendus avec les voisins de palier ou d'autres étages, il faut bien se croiser de temps en temps, mon pauv' Monsieur, ma pauv'Dame.

Je ne suis pas si vieux, je travaille encore, et pour une poignée d'années, pour que la retraite m'épargne la misère et la banque alimentaire.

Faut pas trop se plaindre, on ne vit pas chez les amerloques, ou même bien pire hélas !

Oui, on se croise, comme des robots fourbus.

- Vous êtes au 3ème je crois, le froid perdure, à quand les beaux jours ?

- Bien aimable Monsieur, à défaut d'être au 7ème, enfin on peut blaguer un peu.

- Si vous saviez combien votre blague me réchauffe !


On pourrait bien sûr aller plus loin, l'un chez l'autre, mais les convenances, enfin vous me suivez.

Sur internet tu dois aller pour ces choses là.

Et nous en sommes là en effet.


La petite vieille est morte, je l'ai appris par son aide à domicile, toujours dans l'ascenseur.

Je ne la connaissais pas, elle semblait si frêle, j'aurais peut-être dû lui parler un peu, putain !

Et encore, je ne vis pas dans ces cages à lapins, Bon Dieu !


- Alors on fait quoi Monsieur le Maire ?

- On fait avec ce que l'État veut bien nous laisser.

- L'État a bon dos, si vous me permettez, ou si ça n'est pas le cas, je m'en cogne.

C'est bien joli les jardins sur les toits, et il y en des hectares dans cette putain d'cité, mais le deal se fait maintenant entre tomates et salades, c'est d'autant plus rentable qu'il faut moins de guetteurs et que les clients ont moins d'appréhension.

Allez savoir ce qu'ils font pousser !


- Monsieur le Préfet, cette histoire d'hélicos n'aura pas bonne presse, suis-je assez clair ? 

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