LES YEUX BLEUS

Laurence Marie Legrand

Toute petite déjà je voyais ces fenêtres bleues.
Au fil du temps passant, je les croisais au détour d'une porte, furtifs ces yeux.

Je les entendais s'exprimer à d'autres, rarement à moi.

Ils étaient entourés de cheveux blancs. Jamais je n'ai pu caresser ce nuage si haut sur ces fenêtres au ciel bleu.

Pourtant lorsqu'ils étaient là, je les écoutais, je les surveillais, j'épiais leurs moindres mouvements qui auraient pu les diriger vers moi avec tendresse, avec amour, avec complicité, avec chaleur.

Jamais ces yeux ne m'ont embrassés, nous nous sommes toujours croisés sans nous arrêter pour un moment discuter, pour un moment nous rassembler.

Et cette couleur claire, limpide, cristalline, contenait tellement de vies. Mais lesquelles ? Jamais je ne saurais, car même au seuil de la mort, ces yeux se sont sauvés.
Ils m'ont pourtant quittés en me fixant, ils étaient peinés et m'ont salués pour me faire comprendre qu'ils me laissaient pour l'éternité.
Les fenêtres bleues et le nuage si haut se sont dispersés une nuit d'automne lorsque je dormais encore, sans m'en douter.

Ces bleus sont de ma maman, ses beaux yeux.

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