l'escapade antillaise

Agnès Felina Njambe

AGNES FELINA L’escapade antillaise« Non, ce n’est pas possible, cela ne peut pas être vrai. Ils ne peuvent pas avoir fait cela ! » se répétait sans cesse Claudie Lafayette, ne parvenant pas très bien à encaisser ce qu’elle venait d’apprendre.« Il faut que je m’en aille d’ici, que je parte loin, quelque part où je pourrais me changer les idées et tout oublier » se dit-elle en montant les marches de l’escalier menant à sa chambre.À ce moment-là le téléphone sonna, c’était son père, mais elle n’avait aucune envie de décrocher, ni de lui parler. Elle renvoya l’appel, éteignit son portable et attrapa une valise à l’intérieur de laquelle elle fourra pêle-mêle ses affaires avant de la refermer à la hâte. Elle attrapa ensuite son sac à main, vérifia qu’il contenait ses pièces d’identité et cartes de crédit, puis descendit l’escalier, ouvrit la porte et sortit sur le perron.« Que faire maintenant ? », se demanda-t-elle. « Je ne peux pas prendre ma voiture. Bon je n’ai qu’à emprunter un taxi pour aller à l’aéroport, Sophia est encore dans la maison, je l’appellerai de l’aéroport pour qu’elle attende papa et maman. »Claudie s’engagea alors dans l’allée sa valise et son sac sous le bras, ouvrit le portail et continua d’un bon pas vers la station de taxi située à 200 m de son domicile. Elle s’arrêta au distributeur automatique de billet pour retirer 3500 euros. Elle entra ensuite dans la station et aborda la standardiste :Bonsoir Mademoiselle, puis-je avoir un taxi pour m’emmener à l’aéroport Saint-Exupéry, s’il vous plait ?Bonsoir, vous pourrez en avoir un dans cinq minutes, veuillez prendre un siège en salle d’attente, s’il vous plait. Cinq minutes plus tard, Claudie, dans le taxi qui l’amenait à l’aéroport, ralluma son portable et composa le numéro de Sophia, leur gouvernante. Allô Sophia, j’ai dû partir précipitamment, pouvez-vous attendre le retour de mes parents.Ah Mademoiselle Claudie, c’est vous ? Votre père a téléphoné, il voulait vous parler, c’est à ce moment-là que j’ai su que vous étiez sortie. Je lui ai donc dit que vous étiez absente et il m’a demandé d’attendre son retour.D’accord, merci Sophie, je rentrerais surement tard, si mes parents appellent ou rentrent, dites-leur de ne pas s’inquiéter.Je transmettrais le message, mademoiselle Claudie. Claudie raccrocha et appela l’aéroport pour se renseigner sur les vols prévus pour la soirée et les places disponibles. Elle fut informée qu’il restait des places sur un vol en destination de Fort de France, des passagers ayant annulé leur réservation. Le départ était prévu pour 22 heures et il était 21 heures 20 min. C’était une aubaine pour elle. Elle demanda qu’une place lui soit réservée. À son arrivée à l’aéroport, après avoir réglé la course, Claudie alla confirmer sa réservation, régler les frais et s’acquitter des formalités d’usage avant de se rendre en salle d’embarquement. Elle s’envola pour Fort de France et près de 10 heures plus tard atterrit en Martinique, l’esprit plus embrouillé qu’à son départ précipité de chez elle. Elle se demandait comment elle, la plus équilibrée des Lafayette, avait pu agir ainsi sur un coup de tête.« Non, je n’ai pas fait ça! », se répétait-elle intérieurement. « Je n’ai pas tout laissé en plan pour me retrouver au milieu de nulle part ». Et pourtant, il lui suffisait de regarder autour d’elle pour se rendre compte qu’elle était à mille lieux de chez elle. « Bon, pas de panique ! », se dit-elle. « Il me reste environ 2500 euros et avec ça, je devrais pouvoir m’en sortir ». « Ah voilà ma valise, je vais pouvoir partir de l’aéroport». continua-t-elle Une fois dehors, Claudie héla un taxi.Taxi ! Bonjour, connaissez-vous des maisons d’hôtes, bien tenues et pas chères dans l’île, s’il vous plaît ? demanda-t-elle au chauffeur de taxi.Bonjour Mademoiselle, bien sur que j’en connais. Donnez-moi votre sac et entrez. Je vous amène à la villa Carla à Saint Joseph. Vous y trouverez surement des chambres de libres et à bon prix.Merci, lui dit-elle.Une fois, installés dans la voiture, le chauffeur lui demanda :Que vient donc faire une jeune demoiselle comme vous, seule, en Martinique, à cette période de l’année ?Bof, j’ai pris quelques jours de vacances et j’avais envie de découvrir l’île avant la saison touristique lui répondit-elle.Ah d’accord !Dites-moi Monsieur, les téléphones portables de métropole sont-ils utilisables dans l’île ? se renseigna-t-elle.Oui, les appels sont retransmis via une ligne internationale.Ok merci.Bon mademoiselle, nous voilà arrivés. Voulez-vous que j’attende ici que vous ayez la confirmation qu’une chambre est libre ? lui demanda le chauffeur.Ah merci, c’est gentil. Je n’en aurais pas pour longtemps répondit-elle avant d’entrer dans le hall de la villa Carla.Bonjour Mademoiselle, dit Claudie, à la réceptionniste, vous reste-t-il des chambres de libre ? Quels sont les tarifs ?Oui Mademoiselle, nous disposons de chambres spacieuses et bien équipées allant de 50 à 110 euros, la nuit.Bon, j’en prendrais une de 50 euros, j’aimerais la réserver pour deux semaines.Ça vous fera 750 euros, Mademoiselle.Tenez voici, faites la réservation au nom de Suzie Tergal.Puis elle sortit régler la course et récupérer sa valise.Je vous remercie pour tout dit-elle au chauffeur. Passez une bonne journée.Vous également Mademoiselle.Elle retourna ensuite à la réception de la villa Carla où un groom l’attendait pour la conduire à sa chambre.Une fois dans sa Chambre, elle composa le numéro de Suzanne Morval, sa meilleure amie, dont elle avait quelque peu travesti le nom au moment de réserver sa chambre.Bonjour Suzie, je sais que je te réveille, mais tu ne devineras jamais ce que j’ai appris, ni ce que j’ai fait dit Claudie. Bonjour Clo, répondit Suzie, j’espère que tu as une bonne raison de me tirer du lit.Je ne suis plus enfant unique et j’ai bien l’intention de retrouver ma sœur ainée, même si pour cela, je dois me rendre à la Barbade rétorqua Claudie.Quoi ? dit Suzie hallucinée. SynopsisClaudie Lafayette est une jeune femme bien sous tout rapport. À 23 ans, elle a terminé ses études de Design et vient d’intégrer une grande agence de relations publiques. Côté cœur, elle n’a pas encore trouvé l’âme-sœur, mais cela ne saurait tarder. Elle vit en famille dans la propriété familiale et n’éprouve pas le besoin de se chercher un chez soi, d’autant plus qu’elle s’entend parfaitement bien avec ses parents. Son père, Georges Lafayette, est un Avocat réputé et sa mère, Alexandra Frêche, une femme politique assez conservatrice, 1ère Adjointe au Maire de Lyon 3. Ses parents forment, à ses yeux, le parfait exemple de réussite tant conjugale que socioprofessionnelle. Autant dire que, pour elle, tout va bien dans le meilleur des mondes. Son bel univers cossu va cependant être brusquement ébranlé par un malheureux hasard de circonstances, lorsque venue rendre une petite visite à son père à son Cabinet, rue de la Bourse, elle surprend une conversation téléphonique entre sa femme et lui. Son père lui tournant le dos, n’avait certainement pas entendu la porte s’ouvrir et ne se doutait pas qu’elle se trouvait derrière lui ne perdant rien de sa conversation. Il disait à sa femme avoir trouvé un détective privé capable de localiser avec précision le lieu où se trouve leur fille aînée Nicole. Celle-ci, essayait manifestement de le dissuader de mener une telle opération ou tout au moins d’attendre un peu car il lui rétorqua qu’ils avaient déjà assez attendus, que ça allait faire 10 ans qu’ils avaient découvert que leur fille était en vie et avaient dû patienter tout ce temps, pour éviter qu’un scandale ne vienne éclabousser leurs carrières respectives qui étaient en pleine ascension. Maintenant, pour lui, il était plus que temps d’agir. Bouleversée, par les révélations qu’elle vient de surprendre, Claudie, dans un état second, referme doucement la porte derrière elle et s’en va. Encore sous le choc de ce qu’elle a entendu, elle monte dans sa voiture et roule machinalement jusqu’au domicile familial, sans savoir comment elle y parvient. Ecrasée sous le poids de la duplicité dans laquelle elle a grandi et dans laquelle ses parents, qu’elle tenait pour francs et honnêtes, l’ont maintenu toute sa vie durant, elle est atterrée, blessée, horrifiée et s’exhorte à ne pas pleurer.Soudain, en proie à une colère sourde, elle ressent un irrépressible besoin de partir, de quitter cet univers de mensonges pour tenter d’oublier, de penser à autre chose. Elle décide donc de s’en aller sur un coup de tête, sans savoir que ses pas la guideront vers cette autre partie d’elle-même dont elle ignore pour l’instant tout, mais qu’elle ne tardera pas à apprendre à connaître. Elle se retrouve prise dans une vague déferlante, faite de voyages, d’escales et de recherches, jusqu’à ce qu’elle arrive à son port et trouve la paix en découvrant enfin celle qu’elle cherchait, cette sœur qui lui semble si différente mais en même temps tellement proche et qui seule peut lui permettre de recoller les morceaux de cette vie de famille qu’elle croit à jamais brisée. Cette fuite, l’escapade antillaise, s’avèrera donc hautement enrichissante et salutaire.
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