Lettre à une amie -3

Anne Mel

Une femme écrit à son amie pour lui raconter sa rencontre avec un homme
Très chère Caroline,
Je vous l'avais promit ma douce amie. Je sais que vous attendez ces lignes, je devine l'impatience qui va vous submerger lorsque vous découvrirez cette enveloppe au milieu de votre courrier. Je sens d'ici la douce chaleur qui montera doucement en vous et qui fera chauffer vos joues alors que vous la tiendrez entre vos mains. Car vous savez ce que je vous écris. Vous en frémissez à l'avance. Vous espérez déjà lire ces mots de moi. Vous me les avez demandé dans votre dernière lettre. Vous m'avez supplié de tout vous dire.
Je sais que vous ne l'ouvrirez pas tout de suite. Vous vous assurerez d'abord de pouvoir en prendre connaissance dans le calme le plus absolu. Vous monterez certainement  vous cacher dans votre chambre. Je ne crois pas que vous vous installerez à votre secrétaire, comme vous le faite quotidiennement pour traiter vos affaires courantes, non, vous choisirez l'accueillante et veloutée duchesse de soie bleue qui se trouve devant la fenêtre qui donne sur le parc. Je sais que vous rechercherez le douillet confort de ses coussins. Ils accueilleront votre corps, vous envelopperont de toute part, gaineront vos hanches et vos cuisses d'un étau moelleux et ferme à la fois. Vous vous sentirez ainsi maintenue, cernée et prête à céder à la rudesse des mots que vous vous apprêterez à lire. Ainsi installée, les rayons du soleil qui se lève illumineront vos jolies épaules, réchaufferont votre nuque et la naissance de votre chignon. Vous serez enfin parfaitement détendue pour vous laisser noyer par le désir qui naitra de votre lecture.
Alors que je m'apprête à commencer mon récit, je devine déjà le plaisir qui fera briller vos jolies yeux noirs et colorer vos pommettes pendant que vous décachèterez délicatement le rabat qui enferme ces lignes et que vous tirerez doucement cette feuille sur laquelle je couche maintenant les mots que vous attendez de découvrir avec frénésie…
J'ai donc céder ma très chère Caroline. Le désir de connaitre enfin cet homme, à l'origine du trouble qui m'avait envahi dès ce premier billet, reçu lors de votre présence au printemps dernier, souvenez-vous, ne me quittait plus. Depuis, chaque lecture me laissait dans un état d'agitation extrême. J'attendais ces lettres avec une impatience qui me laissait pantelante. Tous les jours je cherchais à apercevoir son écriture parmi mon courrier. La lecture de ses mots, si doux et audacieux et parfois même, obscènes, m'offensait et me laissait profondément troublée à la fois. Son ton, si directif lorsqu'il me demandait de le rejoindre, si impérieux dans la description de son désir de moi, si caressant dans l'expression de ses rêves et de ses espoirs de nous a fini de ravager les dernières frontières de ma résistance et de ma solitude. Je ne pouvais plus désobéir, il me voulait. Son appétit était devenu le mien, sa soif, la mienne, sa convoitise, mon voeu.
Ma très chère Caroline, les lignes de sa dernière lettre ont fait céder mes ultimes angoisses à me donner à lui. Je me suis rendue à l'adresse qu'il m'avait indiqué.
Lorsque je suis arrivée il faisait presque nuit. Il m'attendait sur le perron la demeure. La lune baignait cette rencontre d'une intensité pleine. Ce n'est pourtant pas la fraicheur du crépuscule qui me faisait frémir sous ma capeline. L'envie de savoir, l'envie de connaître, l'envie de sentir, l'envie de vivre enfin…
Est-ce parce que je l'avais tant lu depuis des mois ? Est-ce parce que je connaissais tout de ses désirs ? Caroline, je n'ai pas reculé lorsqu'il m'a pris dans ses bras. Je n'ai pas eu peur lorsque sa bouche s'est écrasée sur mes lèvres, lorsque sa langue a forcé l'ouverture de mes dents pour aller à la rencontre de la mienne. Sa fougue et sa volonté me transperçaient le ventre. Ses mains se sont fait curieuses, je sentais chacun de ses doigts parcourir mes hanches et remonter le long de ma taille. Quant l'une d'elles trouva enfin mon sein, mon téton était déjà tendu vers lui. Sa caresse était d'une douceur fulgurante. J'aurais souhaité alors être déjà nue pour que sa peau touche enfin la mienne. Je reconnaissait son goût, je reconnaissait son souffle sur moi… S'il m'avait laissé reprendre ma respiration je lui aurai tenu des paroles digne d'une catin. Malgré sa fougue, il n'y avait aucune brusquerie dans ses gestes, seule son impatience à m'aimer et à me découvrir nourrissait son ardeur. Oh, Caroline, je n'avais d'autre volonté que de me donner à lui, à l'instant où je l'ai vu. Il aurait pu me saillir devant sa porte et je l'aurai laissé faire.
Mais non, tel n'était pas son dessein. Respectueux du courage qu'il me reconnaissait il m'accompagna avec douceur à l'intérieur. Là, il m'aida à m'asseoir, m'offrit un verre de Clairet puis sans dire un mot, me regarda partout. Partout. Pas une seule parcelle de mon corps ne fut oubliée. Il étancha sa soif de moi en me dévorant des yeux. C'était délicieux et terriblement inconfortable à la fois. Je sentais son regard sur ma gorge, puis descendre sur mes seins qui, il devait s'en rendre compte, palpitèrent brusquement d'une envie audacieuse. Ma taille et mon ventre furent aussi l'objet de son attention. Je n'y tenais plus. La bergère dans laquelle je m'étais assise devenait trop petite pour que je m'y cache. Je me sentais nue, déshabillée sans l'avoir décidé. J'avais très chaud et je frissonnais en même temps. Je ne connaissais toujours pas son nom. Je ne savais toujours pas qui était en face de moi, je ne savais rien de celui que je désirais ardemment. Aucune parole n'avait encore été dite. Il était écrit qu'aucune ne serait prononcée.
Voyant certainement que je ne reculerai pas, il avança jusqu'à moi, s'agenouilla et me serra dans ses bras. Geste inattendu, cette brusque tendresse me chavira. Son étreinte fut tellement douce que je me détendis et me collais davantage contre lui. Il n'attendait que ce signe pour lancer ma mise à mort. Il me souleva puis me porta dans ses bras jusqu'à l'alcôve que je n'avais pas remarqué en entrant. Mon dieu Caroline ! je ne savais pas à ce moment là que je n'avais encore jamais gouter au bonheur dans ma vie…
Doucement, sous la lumière tamisée de dizaines de bougies, il défit une par une les agrafes de ma robe. Doucement, il prit son temps et sembla savourer la vue de chaque centimètre de peau qu'il mettait à jour. Il se délecta de la torture qu'il savait que m'infligeait cette attente interminable mais nécessaire, je l'ai découvert, pour que je sois à lui tout entière, pour que je n'eusse pour seul désir que celui de me perdre en lui. Il dégagea mes épaules avec délicatesse en me regardant dans les yeux. Je soutins son regard sans ciller. Découvrir son beau visage aux traits si réguliers me chavira de bien-être. La force qui s'en dégageait, l'assurance du désir que je lisais dans ses beaux yeux clairs me donna l'audace, j'ose à peine vous le confier Caroline, de porter moi même ses mains sur ma poitrine tout juste mise à nue. J'eus alors cette révélation : je ne m'appartenais plus.
La nuit fut à nous. Les heures servirent nos corps et notre jouissance de l'un et de l'autre. Aucune fatigue ne vint freiner ses élans à me faire toujours plus murmurer, gémir et parfois crier mon plaisir d'être a lui. Caroline, j'ai découvert qu'une langue pouvait vous faire pleurer de bonheur et qu'un sexe tendu pouvait vous caresser le coeur…
Je fut rentrée à l'aube.
Dieu ! quand le reverrai-je ?
Tendrement,
Joséphine
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