L'heure de l'interrogatoire

valerie-lemelin

TIC-TAC-TIC-TAC....


Des gouttes du sueur me chatouillent le dos en glissant le long de ma colonne vertébrale. J'ai chaud mais quelque chose à l'intérieur de moi est glacé, comme crispé. Ma respiration est saccadée et je persiste à ne rien prononcer. Rester muet le plus longtemps possible, gagner du temps. Je vois l'horloge derrière le policier bourru installé en face de moi. Les secondes s'égrainent lentement.


TIC-TAC-TIC-TAC


J'ai du sang pleins les mains. Évidemment que j'ai quelque chose à me reprocher. Par contre, pour le moment, je ne sais pas ce que j'ai le droit de dire et ce que je dois laisser enfouis au plus profond de moi. Alors je roule ma langue dans ma bouche pâteuse. J'ai envie de la mordre à en faire jaillir le sang juste pour avoir le bonheur de sortir d'ici d'urgence.


TIC-TAC-TIC-TAC


Le regard noir du flic ne me lâche pas d'une semelle. Il me tient en laisse. Je suis son petit chien meurtri. Il ne me donnera pas mon os avant d'avoir obtenu ce qu'il désire et ce qu'il veut c'est m'amener à la fourrière parmi mes semblables. Exactement comme bien d'autres comme lui rester à m'épier derrière la vitre sans tain. Ils m'analysent : tous mes faits et gestes se retrouvent jetés sur papier ou sur pellicules. Oui, ces enragés veulent me gruger jusqu'à la moelle et ils veulent pouvoir se rejouer la scène en boucle comme des sadiques. Pour se féliciter sans doute de leur proie facile aux aguets et à la mâchoire tremblotante.


TIC-TAC-TIC-TAC


Le caméra au plafond me fixe. J'ai envie de lui faire un doigt d'honneur à ses emmerdeurs! Par contre, je dois rester concentrer, empêcher mes dents de claquer et m'assurer que mes lèvres restent scellées. Je ne peux pas me permettre d'être faible. Je ne peux pas échouer. Mais je sais que tôt ou tard, ils découvriront la vérité. Ils s'apercevront qu'un de leur agent manque à l'appel, et là, tout se compliquera. Ils établiront toutes sortes d'hypothèses sur ce qui s'est passé dans cette ruelle en cet après-midi de juillet. Des théories faussées dans lesquelles je jouerai toujours le rôle du coupable. Car qui soupçonnerait un policier assassiné d'être une racaille de la pire espèce? Personne. Surtout pas ses copains en uniformes.


TIC-TAC-TIC-TAC


Pour l'instant, ils ne savent encore rien. Pour le moment, David et moi avons l'avantage et c'est le temps. Le sablier s'écoule lentement et je prie intérieurement que mon meilleur ami mette enfin la main sur l'élément informatique prouvant notre théorie. Moi je suis malheureusement coincé ici avec ses brutes. Comment savoir qui d'entre eux est sincère? Comment repérer les fripouilles parmi ces sangsues? Comment être sûr de survivre si je parle? Non, je ne peux que gagner du temps...Donner des petites infos inutiles ici et là s'il le faut mais faire tourner l'horloge est ma priorité. Car, pour l'instant, le temps c'est tout ce qu'il me reste.


TIC-TAC-TIC-TAC




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