L'Homme est un animal imparfait

Archange Flippé

L'Homme s'est trouvé d'emblée considérablement défavorisé par rapport aux autres espèces animales. C'est son imperfection qui l'a amené à parler, à communiquer avec ses congénères afin de tenter de pallier le carences de sa nature. Son évolution s'est révélée alors la plus rapide de tout le règne animal. La pensée a-t-elle précédé la parole ? Difficile de répondre. Mais un fait demeure certain : ses aptitudes et ses aspirations l'ont conduit à se doter de capacités qui lui étaient naturellement refusées. Copiant ses voisins dans la nature, il a pu à son tour se déplacer de plus en plus vite, se déplacer dans l'eau, dans l'air, dans l'espace, se parer d'ornements divers, édifier des abris de plus en plus et de moins en moins sophistiqués, il a pu s'armer, se battre...

Mais, à la différence des autres espèces animales, qu'il a d'ailleurs tendance à éliminer - il est parfois utile de gommer son passé -, il combat sa propre espèce. Depuis que l'antropophagie a disparu, il se demande, rarement, pourquoi il tend à exterminer ses semblables et ses réponses sont toujours restées très ambiguës. L'évolution de ses moyens guerriers, de la pierre à la bombe atomique, en passant par la guerre bactériologique, est un processus qui ne présente que peu d'intérêt. Le vrai problème est de savoir comment il a bien pu commencer. Ici encore il semblerait que la parole ait joué un rôle déterminant. De l'invective au duel diplomatique, en passant par la guerre froide, le pas qui mène à l'affrontement physique est vite franchi. Ce n'est même pas lui qui a inventé la dissuasion. Le skunks ou le putois obtiennent les mêmes résultats avec une économie de moyens remarquable. De toute façon que ferait un rat d'une bombe atomique, un serpent d'un pistolet mitrailleur ?

Outre ses " qualités " de guerrier, l'Homme pense affirmer sa supériorité par la philosophie voire les arts. Mais le lézard qui se dore au soleil doit-il s'interroger sur la finalité de son existence ? Le poisson pris à l'hameçon doit-il analyser les rapports entre le déterminisme et la religion. Le lamentin s'interroge-t-il sur le monde tel qu'il le perçoit et sur une autre conception irriguée par une foi ? Comme dirait Kant : " Où cela noumène-t-il ? ". Et comme le déclarait un imbécile heureux : " Philosophe, philosophe ? Mais c'est la poule qui philosophe. "

Quant aux arts, l'Homme se comporte en faussaire, bien plus, en mauvais faussaire. Ses pâles reproductions de la nature feraient rougir un paon. Et le chant est-il l'apanage des cantatrices à l'opulente poitrine ou bien celui du délicat rossignol ? Pour le cinéma, il est difficile de juger, mais attendez que les ânes aient fait des progrès dans ce domaine. Quoique...

Peut-être l'Homme a-t-il réellement inventé quelque chose : l'humour.

Mais l'Homme demeure un animal imparfait. La preuve ? Il écrit... si je puis dire.

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