Libérée de moi

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C’est une maison sans fenêtres, une pièce sous vide où je respire mal. Mes yeux me piquent, encore. J’y suis habituée mais je ne m’y fais pas. La pénombre m’étouffe et cet air vicié m’alcoolise. Je vis ici mais tout me semble oppressant. J’ouvre les yeux. Encore ce mur gris qui me toise. Je suis fatiguée, je ne veux pas le voir. Tout cela m’ennui infiniment. Pour échapper à cette sombre réalité, je me blottis dans un coin. Recroquevillée, les genoux repliés sous mon menton, je suis bien. Alors, je ferme les yeux et me mets à rêver. Je rêve d’un ailleurs. Plus de murs gris, plus de poussière, plus de contraintes inutiles et d’espaces confinés. Mécaniquement, je me balance pour me bercer. Une vague de plaisir, cette onde chaude et douce monte en moi. Elle me chatouille le bas du ventre et offre à mon âme un bouillon d’oxygène. C’est exquis.

Mais la peur revient. Glacée et violente, elle s’abat sur mon corps vulnérable. Cette raclée je ne l’ai pas volée. Cette fois je le sais, je suis allée trop loin. Alarmée, j’ouvre les yeux. Il est déjà trop tard : un mur noir vient d’apparaitre devant moi. Mon espace, désormais réduit de moitié, me dégoute. Au bord de l’hystérie, je me lève et me frotte frénétiquement le corps. Salie, il faut que je me nettoie, et au plus vite. Des larmes solitaires coulent sur mes joues. L’une d’elle ose descendre jusqu’à mes lèvres. Surprise de sa venue, je la goutte. Sa douceur entre en moi, je tombe au sol et savoure cette trêve.

Je reste un moment à terre. Petit animal endolori, en proie à une perversion perpétrée par le bourreau que je suis aussi. Je prends une longue respiration. Mes pensées défilent à la vitesse d’un avion de chasse. Les tirs se font de plus en plus forts dans ma tête. Il faut que je sorte. Cette fois c’est décidé, je ne resterai pas un jour de plus entre ces quatre murs. Je me relève, la tête haute, prête à combattre mon ennemi invisible.

Comment sortir ? Je me fige. Je connais la réponse. C’est bien ça le problème. La clé, je l’ai. C’est très ennuyeux, ça ne m’arrange pas du tout mais alors pas du tout. Victime de mon régime de terreur, ce n’est pas le moment de jouer les héros. Récapitulons. Si je suis là, c’est que je l’ai voulu, non ? J’ai bien dû m’enfermer pour une raison ? Oui mais laquelle, ça je ne me souviens pas. Je tourne en rond telle une essoreuse. J’égoutte mes pensées. Une à une, je les filtre. Il n’est pas question de la laisser passer. A force de lutter, je vais bien finir par trouver. Je l’ai.

Elle est là. Je ne peux pas. Si je peux. Non je ne peux pas. Mais si ! Ca fait trop longtemps, tu dois. Non. Si. Non. Je cris et tombe à terre. Je me relève. Mon bras gauche saisit brusquement mon bras droit. Ils se battent. Je hurle pour les départager mais mon corps se fait violence, sur de son combat. Je tente de le calmer, de le rassurer, mais rien n’y fait. Et puis j’ose, j’ose la dire. Cette fouttue pensée, ce mot de trop. Pour être entendue, je le clame haut et fort : JOUIR ! Déprogrammé, mon bras droit relâche mon bras gauche, mon corps se détend et nous glissons au sol.

Plus un bruit. Le temps s’est arrêté. Fébrilement, ma main droite vient caresser ma joue. Elle dessine les contours de ma peau. Adulte et audacieuse, elle glisse le long de mon cou puis s’agite entre mes seins. Que dis-je, mes seins ? Je les découvre, majestueux et fiers, pointant vers un soleil fictif. La noirceur du mur qui me fait face commence à se dissoudre. Avec légèreté, ma main se laisse porter au grès de mon envie subite. Elle coule sur mon ventre rebondi, se perd dans le tortueux de mon nombril et s’égare entre mes hanches. Ma respiration s’accélère. Puis ma main se fige. Curieuse, je l’observe. Cette fois, je n’ai plus le contrôle, elle le sait. Timidement, elle attend. Sa peur n’a rien de semblable à celle qui me servait de cage. Celle-là me chatouille et m’excite. Impatiente, je me mors la lèvre pour ne plus penser. Puis délicatement, d’un geste souple, elle se glisse en mon centre et vient effleurer ma peau, moite. Je souris. Elle s’invite en moi. Je gémi. Ensemble, je ne fais qu’un. Enfin complète, enfin parfaite. En sueur, j’ouvre à nouveau les yeux. Mes murs ont disparu. Allongée au sol, je déplie mes jambes dans cet espace infini et contemple le ciel bleu qui m’envahit.  Jouissance ultime qu’est mon plaisir libéré.

Libérée de moi, je suis libre d’être moi.

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