L'île aux Moi

Mathilde En Soir

Je dédie ce texte à F. qui j'espère lui plaira autant qu'à moi lorsque je l'ai écrit.

J'entends le crépitement d'un feu. Je crois entendre à nouveau ta voix, qui résonne en moi tel un écho. A marcher trop longtemps en direction de la plage, je perds le fil de ma pensée. Mes pas laissent une empreinte immuable dans le sable, la même que celle laissée par tes ancêtres. Mon cœur bât et j'espère qu'il ne cessera jamais de battre près de notre feu.

Je suis à la fois inquiet et rongé par le doute. Je repense à ce qui n'a pas fonctionné entre nous. Elle était prête pour passer la bague au doigt, mais peut-être pas pour tenir un petit être de 30 cm dans ses bras. Je revois encore son expression, un mélange d'incompréhension et d'angoisse. On pensait que l'air de la campagne nous ferait du bien. Retourner sur sa petite île bucolique, retrouver ses origines finlandaises, ses pensées d'enfance. Et si cette escapade avait été un révélateur ? Le feu délaisse ses dernières braises incandescentes, ravivant le souvenir d'un jour sans fin, sans brûlures.

Je m'en veux, jamais je n'aurais dû te laisser seule, vous laisser seuls. Avec des « si », nous sommes capables de refaire le monde. Je veux simplement refaire surface. Avec toi. Il n'aurait plus aucun sens ce feu. Mettre pied à terre sur l'île, ton île, comme stipulé dans ta lettre n'apportera peut-être rien. Mais ça me fait du bien de revenir. J'aime m'y perdre. La forêt est l'endroit idéal pour s'abandonner. 

Maintenant, je sais où aller. La Taïga n'a jamais été aussi belle. Tout est pur et lumineux. Nulle trace de vie. Qu'est-ce que tu cherches ici ? Dans les hauteurs, le vent se fraye un chemin parmi les arbres et se fracasse sur l'écorce des pins, émettant un bruit sourd, un cri provenant de mes entrailles.

Tu te caches dans les hauteurs ? Le froid s'est installé et a déposé son manteau blanc qui recouvre la vallée. Le temps se radoucit peu à peu. J'ai enfin une piste. J'aperçois notre maison en bois. Aucun signe de toi. J'ai beau t'appeler, personne ne répond. Il n'y a qu'un mot, accroché sur la porte gelée.

«Guillaume, te voilà près de moi. Je suis enfin prête. Notre petit cow-boy t'attend. Pardonne-moi, il n'y a plus qu'un seul moi. Helvi. 

PS : S'il-te-plaît, retourne-toi et regarde l'alignement de conifères près de l'étang. »

Une lumière bleue verdâtre perce la forêt, laissant échapper une poussière étincelante qui tapisse le ciel étoilé.  Je n'ai pas eu besoin d'attendre qu'elle pose sa main sur mon épaule pour comprendre, le feu près de l'étang était bien réel.

 

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