Limonade

Magali B.

pas de début, pas de fin, juste un passage, un extrait de vie, un jour, une heure, à Tel Aviv.

Dans la ruelle Hahasmal, il y avait cet homme d'une cinquantaine d'années qui s'est approché en me voyant concentrée sur un plan du quartier Neve Sha'anan. Après avoir pris le temps de vérifier que j'étais à la bonne adresse, sous cette chaleur assommante d'un après-midi de Septembre, le type s'est éloigné. Comme s'il oubliait quelque chose, il s'est brusquement retourné et m'a lancé "Do you need something else?"

J'ai poussé la porte et je me suis retrouvée là au milieu d'une pièce pas bien grande. Du bois clair, peu de lumière, du silence. Il y avait ces jeunes, des écouteurs dans les oreilles et pianotant sur leur clavier comme si le monde extérieur n'existait pas. Je me suis dirigée au fond, me suis assise à une table face au comptoir.

Il y avait plein de jolis détails dans ce café. Une ancienne machine à coudre, des appareils photos d'une autre époque sur une étagère, des vinyles? des livres, je crois, rangés dans un coin. J'ai aimé ce mur de briques sur lequel la couleur des tableaux se fondait en quelques sorte, pour ne former qu'une grande image aux couleurs douces. J'ai aimé, je n'ai pas de photo, j'ai aimé les toilettes dans une cabine d'ascenseur rénovée, la porte, l'intérieur, les cables métalliques sur le mur, derrière le WC. Dingue ces toilettes.

J'ai commandé ma boisson préférée à Tel Aviv, la limonade. Cette limonade qui n'est pas ce à quoi on pense quand on pense limonade. Il n'y a pas de bulle. De l'eau, du citron et des feuilles de menthe fraîche, c'est tout. C'est simple, mais c'est délicieux. Peut être qu'elle a la saveur des longues journées pleine de soleil cette limonade au citron. Peut être qu'elle a la saveur du voyage, de l'inconnu. De la solitude aussi. Cette solitude que j'aime en voyage. C'est peut être tout ça qui lui donne ce goût si particulier, à la limonade.

Je suis sortie une heure plus tard, le temps que mon corps et tous les pores de ma peau s'habituent à l'air conditionné. En me retrouvant à l'extérieur, c'est comme une chape de plomb qui s'est abattue sur moi. Je suis restée à l'ombre quelques secondes, le temps de me faire à l'idée. Me faire à l'idée que j'allais remonter toute la rue Yehuda Halevi jusqu'au carrefour là-bas.

J'ai avancé. A droite, tout droit, à droite encore, traverser cette avenue embouteillée, la crainte de se faire renverser par inattention, cette chaleur, cette chaleur.

Bientôt, quand j'humecterais mes lèvres, il ne resterait plus rien de la fraîcheur de la menthe. Ma bouche serait sèche, avec juste une pointe d'acidité. J'aurais sur la langue le goût du citron.

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