l'invitation au voilage

Jean Claude Blanc

       

                                  Invitation au voilage

 

Au-delà de la mer, la Méditerranée

Y’a des pays sublimes, joliment colorés

De cultures, de musiques, et de visages halés

Une image de l’orient sans voile escamotée

Jadis des territoires, conquis à l’arrachée

Par Lyautey et consorts et Lawrence d’Arabie

Qui les ont mis au pas, et même asservis

Car il était de bon ton, d’avoir des colonies

C’est pas pour leurs beaux yeux qu’on y a débarqué

Des intérêts moins nobles en suscitaient l’attrait

Le pétrole et le gaz pillés à vile prix

Les peuples se révoltent, n’en soyez pas surpris

Ont accédé enfin à leur indépendance

Dans le sang et les larmes, les accords d’Evian

Tandis qu’en métropole, on vantait les faits d’armes

De nos pauvres soldats, qui n’y ont rien compris

La nature on le sait, a horreur du vide

De nouveaux dictateurs, les sauveurs de jadis

Usurpèrent le pouvoir, tels des Raspoutine

Font régner la terreur, sur ces terres bénies

Le voile est retombé, sur les rives d’Afrique

Le peuple résigné, avance à coups de trique

Ne vous étonnez pas, la jeunesse d’aujourd’hui

Grouillante et pleine de vie, en veut au monde entier

Partout elle réclame, liberté et justice

A mort les tyrans, la haine de l’occident

Brandit des oriflammes, en signe de victoire

De toutes les capitales, s’élève la révolte

Un à un les monarques, comme sur l’échiquier

Depuis leur piédestal, se voient décanillés

L’enthousiasme a cédé aux combats de rue

Les églises intégristes y vont faire leur marché

L’obscurantisme avance toujours à pas feutrés

Et reprend à son compte la cause des insurgés

Proclamant la guerre sainte, les vertus de Mahomet

Sur le visage des femmes le voile est retombé

Aux Femmes des Aurès, de Kabylie ou d’ailleurs

On a violé leur âme, et leur identité

Elles qui croyaient si fort, que çà allait changer

On s’est approprié leur révolution

Prend garde à toi ma sœur, fille de Djurdjura

La tyrannie funeste, est bien d’actualité

Ce voile qu’on te tend, pour masquer ton visage

C’est le deuil de l’espoir et de ta liberté

Consommateur béat, d’images à la télé

Je suis partagé entre joie et méfiance

De voir ces foules massées, la plupart des gosses

Qui écrivent leur vengeance de slogans inquiétants

Invitation au voile, au propre, au figuré

Insidieusement on retourne en arrière

Au temps des dictateurs, et des bonimenteurs

Fous d’Allah, fous de Dieu, pour le bonheur du peuple

Sous leur masque de sauveurs, tendant leur poing vengeur

Les faux prédicateurs, ils ont la tête ailleurs

Ils fomentent dans leur coin, leurs desseins pour demain  

Mais leurs dés sont pipés, leur combat, c’est pas le tien

Ta liberté à toi, elle s’exprime dans ton cœur

Ne laisse jamais personne en percer les secrets

Ta crinière en bataille, ballotée par le vent

Figure la fierté, tous les charmes de l’orient

Musulmans ou chrétiens qu’importe la crèmerie

L’essentiel est de savoir, lire entre les lignes

Y’a toujours des brigands qui se cachent dans l’ombre

Prompts à s’accaparer, les misères du monde.

De Baudelaire j’ai emprunté, ce titre plein de douceur

Changeant à l’occasion le sens de la formule

La gravité m’inspire, quand je sens le danger

Ton voile veut s’envoler, fais en un cerf-volant    

JC Blanc                             décembre 2011

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