L'ivresse du pouvoir

silhius

Quelques pensées jetées sur le papier. Mes vies professionnelle, familiale et sentimentale ont toujours été polluées par ces petits despotes qui parce qu’un jour ils ont pu profiter d’un accès de faiblesse de l’autre, se croient tout permis.

Je vis dans ce monde d’ambitions égoïstes ou certains esprits vides de la pensée du bien de l’autre, comédiens de la séduction et du désir, ne cherchent qu’à troubler leurs semblables pour se voir grandir. Pour nourrir leur cupidité, pour se distraire de leurs tracas, assouvir leur soif de pouvoir, ils sont prêts à bouleverser le monde. Ils sortent et entrent du vrai sans y prendre garde. Leur sincérité n’est qu’un voile qu’ils agitent, uniquement préoccupés de l’effet qu’ils veulent produire pour arriver à leur fin.  Ils disposent souvent d’un talent qui nous enflamme et cet appât qu’ils brandissent devant nous, nous hypnotise. Parce qu’aussi ils savent manier les mots et disposent d’un certain charme, ils sont appréciés, flattés, choyés et bien servis. Ils n’ont plus besoin de désirer. Mieux, il suffit qu’ils émettent un souhait pour que, aussitôt cela leur soit servi sur un plateau. A tout obtenir sans se forcer, ils ne supportent bientôt plus les désirs des autres. Ils n’ont qu’un rêve, ces petits tyrans, se transformer en Jupiter pour pouvoir lancer la foudre. Alors ils se forgent des appétits de plus en plus capricieux, exigent tout et tombent dans l’extravagance et le ridicule. Comme certains de leurs serviteurs les plus flagorneurs les encouragent, les flattent, leur comportement devient de plus en plus grotesque même face à ceux qui croient en eux, voire les aiment, aveuglés par leur naïveté.

Je l’avoue humblement, parfois je me suis laissé berner par leurs talents de manipulateurs. Bien souvent, je n’ai eu aucune réaction sur le moment, comme si je m’étais inconsciemment dématérialisé. Ils savent si bien jouer la comédie des sens que l’on perd toute notion de soi-même. Ils soufflent le chaud et le froid, manipulent affection et indifférence avec brio pour qu’on se trouve dans un état de dépendance viscéral. La peur de leur déplaire surgit alors, irrationnelle et dévoreuse de volonté. Notre attachement béat, notre faiblesse involontaire se heurtent à leur absence d’émotion, leur esprit vide uniquement tourné vers la satisfaction immédiate de leurs simagrées. Il est sur le moment impossible de s’imaginer que leurs gestes, leurs mots, leurs actes insensés ne sont que leurres pour nous entrainer vers leur désir d’asservissement. Seuls les plus serviles et les plus obséquieux, car ils ne sont que le miroir de cet égoïsme du plaisir qui les anime, peuvent trouver grâce à leur yeux. Il nous est impossible lorsqu’on ne veut qu’aimer, penser, méditer et avancer, de nous imaginer qu’ils ne veulent que s’affirmer et alimenter ce pouvoir qui les renvoie à leur propre médiocrité.

Ces dernières années j’en ai croisé trois de ces despotes en herbe. Le premier fut un de mes collègues dans la société ou je travaille. Physiquement peu avantagé par la nature, professionnellement assez passable, il compensait ces défauts par une suffisance et un culot hors normes. Hargneux, doué pour les langues, il pouvait nous noyer sous des flots de paroles pour nous réduire au silence. C’est ce que nous faisions, car face à une telle violence verbale, la réponse ne pouvait être que physique. Obséquieux et servile, il devenait tout miel devant ses supérieurs, sachant manier une langue de bois imperméable à toute critique. De l’autre côté, Il poussait ses collaborateurs à bout, les humiliait, profitait de leur statut d’infériorité hiérarchique pour mieux les exploiter et les pressuriser. Les lauriers étaient pour lui, le bâton pour eux. Lorsqu’il senti un jour le vent tourner, il quitta la société  laissant derrière lui un chaos indescriptible qui fut bien difficile à rattraper pour celui qui récupéra ses fonctions.
Je ne dirai pas grand chose du second, que tout le monde connait. Il usa tant et si bien de son aptitude à manier le verbe, de son absence totale de modestie, de ses promesses vite oubliées qu’il réussit à se faire élire à la tête d’un état.
Quant à la troisième, il s’agit uniquement d’une jeune femme solitaire et renfermée, dont la vie sociale et sentimentale était un désert ou presque. Elle végétait dans un obscur service d’une grande entreprise française. Dotée d’un physique agréable et douée pour les affaires de sexe, elle se lança dans la carrière de callgirl pour améliorer son ordinaire et donner un sens à son ennui. Elle se rendit compte alors que cette activité n’avait que des avantages. Frustrée de pouvoir et de reconnaissance dans sa vie quotidienne et professionnelle, l’adulation et la dévotion que ses michés et autres gobe-mouches lui témoignaient lui montèrent à la tête et en firent une des plus belles garces que j’ai jamais rencontrée.

Signaler ce texte