L’OGRE DE BARBARIE

Hervé Lénervé

Pays des barbares, contrée étrangère à l’empire romain.

Connaissez-vous le quotidien de la vie d'un Ogre ? Bien-sûr que non. Vous savez les temps ont bien changé depuis les contes de fées de votre enfance et passé l'enfance qui s'intéresse encore à nous. Croyez-moi d'expérience, les Ogres ne sont plus ce qu'ils étaient.

Dans vos souvenirs l'Ogre n'est qu'un être terrifiant créé de toutes pièces pour la tranquillité des parents, comme le loup l'était avec l'inconvénient d'avoir des représentants réels sur Terre qui ont été exterminés, jusqu'au dernier ou presque, par les enfants devenus grands pour exorciser leurs traumatismes.

Mais dans un monde imaginaire où tout est permis que reste-il à ceux qui le sont physiquement dans la réalité. Je vais tenter de vous le dire dans la quotidienneté de la vie d'un Ogre.

Je suis un Ogre moderne, c'est-à-dire votre contemporain dans la modernité qui n'est relative qu'au temps figé du récit. Je vis comme tout un chacun avec mes problèmes, mes difficultés à boucler les fins de mois, mes crises existentielles, bref je suis bon an, mal an comme tout le monde. Maintenant, allez savoir pourquoi, quand on est Ogre, cela se sait et c'est du matin, au soir et souvent même la nuit (les ténèbres sont toujours plus appropriées aux opérations que l'on veut dissimuler aux autres et cacher un peu à soi, aussi ) que l'on vient vous solliciter de toutes parts.

Qui, pour terrifier des enfants qui n'obéissent pas et n'en font qu'à leur tête. Mon Diable ! Comme ils ont raison.

Qui, pour des actions plus extrême et c'est là que vient notre grand malheur, ma bonne Dame.

Vous n'êtes pas sans ignorer ou attendez-vous à le savoir, que notre réputation c'est construite sur la méchante habitude de manger des enfants et oui ! C'est notre croix, chacun la sienne à porter. Maintenant je vais vous compter une anecdote que j'ai vécue il y a longtemps, c'était la première fois et depuis bien d'autres ont fatidiquement suivies. Quand on accepte une seule fois pour faire plaisir, pour dépanner des gens qui vous apparaissent sympathiques, la porte est ouverte et croyez-moi, bien d'autres vont la franchir. Accepter une fois par lassitude, c'est accepter toujours par habitude.

Voici les faits :

C'est la nuit, j'entends frapper à mon huis, je vais ouvrir comme tout innocent le ferait. Devant mon seuil, un couple jeune, vêtu de marques, vêtu à la mode, tenant une fillette par la main (la fillette étant au milieu, car autrement ça devient compliqué de la tenir à deux). Bref, c'est la femme qui parle.

-         Bonjour Monsieur ! Nous venons vous consulter sur l'incitation de personnes qui vous connaissent bien et apprécient votre professionnalisme et vos compétences.

J'écoute, mais ne comprend pas vraiment en quoi mon boulot d'assembleur sur les chaînes automatiques d'un constructeur d'automobiles peut sincèrement les concerner. Je dis par méfiance.

-         Excusez-moi messieurs dames, mais êtes-vous sûr de ne pas faire erreur sur la personne.

-         Assurément non ! croyez-vous que l'on agisse à la légère pour des affaires aussi graves. Pouvons-nous entrer, on ne peut discuter de cela sur le seuil d'une porte. Chuchote toujours la femme d'un ton de conspiratrice.

Intrigué et curieux aussi, je les laisse entrer ignorant que c'est la désolation que je viens d'inviter dans mon antre. Nous, Ogres n'avons pas plus que le commun, don de divination, ni de prémonition.

Toujours la femme, l'homme est peut-être muet ou pire lucide.

-         Notre requête est légitime et nous vous paierons le prix qui sera le vôtre, nous ne sommes pas dans le besoin.

-         Oui… mais…

Notre fille, cette gentille enfant que vous voyez-là n'a que l'apparence de la bonté. En vérité c'est un Monstre de la pire espèce… un Démon.

( A suivre, demain peut-être.)

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