L'OISEAU DE FEU

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Au jardin des plaisirs, ce grand parc d'attraction londonien, on put voir au début des années 1950 un incroyable numéro de cirque, jamais réédité depuis ;  exécuté par un anglais illuminé nommé Bunds, devenu éphémèrement célèbre lorsqu'il inonda la capitale d'affiches des plus flamboyantes, le vantant ne craindre ni eau ni feu.

Après un bref roulement de tambour, devant quelques centaines de spectateurs, apparaissait chaque soir dans le halo d'un projecteur le preux tout en muscle, juché sur une plateforme en plein air, plantée 30 mètres au-dessus des têtes.  Au pied de ce perchoir, installé à une distance bien précise trônait une minuscule cuve, remplie sur une hauteur d'à peine six pieds d'eau, mais  astucieusement munie d'une membrane souple à mi-profondeur.

Ayant fini de savourer les applaudissements d'encouragement, l'intrépide s'avançait façon somnambule au bord du vide, et s'immobilisait tandis que le public époustouflé retenait son souffle.

Dans le noir prenant place, le tambour reprenait fortissimo son roulement, et soudain l'homme s'embrasait, vite léché des pieds à la tête par un feu attisé par le vent, puis basculait plongeant les bras en avant dans la piscine, tandis qu'un cri épouvanté de l'assistance montait vers la torche vivante qui s'engouffrait en un éclair dans l'eau vaporisée à son contact.

Sortant encore fumant comme une mèche fraichement soufflée, il saluait un public enflammé, jusqu'à ce soir du 25 juin 1952, où poussé par une forte brise, feu  Bunds tel un Spitfire touché, s'écrasa tout en se consumant du bas sur le bord du bassin, qu'il se brisa comme la colonne vertébrale et le crâne.

Devant une foule horrifiée, couvrant les cris d'agonie, l'orchestre liquéfié entonna sans canard, un air de l'oiseau de feu.

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