l'ombre de la nuit

Christophe Paris

texte à contrainte pour Maud Garnier,: photo+ parallélépipède, coruscant,flamenco, australopithèque, fusion,coronelle,bourrasque, théâtre,déficience,impasse.


Tard nuit. Chaud braise. Pas sommeil.
Une nuit de 15 août à la chaleur aussi écrasante qu'un mammouth sur chaque épaule empêche Maud de passer une nuit réparatrice. Une fournaise nocturne qui la fait tellement transpirer que sa nuisette lui colle à la peau comme un poisson-pilote à son requin. Gênée par des impatiences de la gambette, elle s'agite éveillée comme en plein jour à ranger un peu le désordre de la maison. Une chaumière à la blanche-neige dans une clairière éloignée des autres maisons du bourg. Une location dans un théâtre de verdure pour  quelques jours « alone in Babylone ». Une semaine toute seule peinarde.  Un break total, une urgence.
 Fatiguée de son job, ses filles, son mari, et du chat qui régulièrement lacère le canapé, Maud avait besoin de solitude, d'un retour aux sources, elle qui débordait de partout. Un trop plein créatif, une envie de maculer de la toile dans une liberté totale, sans courses,  sans frigo, sans les embrouilles avec la concierge les jours où Maud est cuite comme un pot au-feu. Un irrépréhensible désir de solitude pour peindre, peindre, expurger sur la toile les couleurs de ses pensées, même les plus noires. La peinture, sa grande passion, sa quintessence  d'humaine, sa nécessité.
 Douze toiles produites en six jours et demain c'est déjà le départ. Elle voulait en produire treize par superstition mais elle manque d'inspiration. Une impasse créative qui la contrarie et la pousse à ménager dans tous les sens. Pour le moment, elle s'énerve sur un photophore qu'elle vient de faire chuter en jouant les fées du logis hystériques.
Photophore.
Elle rigole toute seule sur une auto-blague interne, « moi photopasphorte », en repensant aux critiques d'amis sur la piètre qualité de ses clichés. Elle se marre d'autant plus qu'effectivement,  que ce soit un site somptueux ou non, elle n'est pas fichue de faire une prise de vue un tant soit peu artistique ou tout simplement cadrée correctement.
Inapte à l'argentique mais surdouée pour les triptyques. C'est son truc, trois cadres distincts mais toujours complémentaires  pour chacune de ses œuvres.
Tout en rangeant,  Maud cherche un thème et s'arrête soudainement tout en prêtant l'oreille. Au loin, les chiens du voisinage aboient à plein volume comme paniqués. La Madone de la chiffonnette trouve cela étrange.
L'étrangeté, lorsque l'on commence à y penser c'est le ticket direct pour la parano à grande vitesse…
« Chiens qui hurlent dans la nuit annoncent les ennuis », une phrase de son livre de chevet qui lui fend la cervelle comme on coupe une bûche. « C'est pas normal » pense-t-elle inquiète, d'autant que jusqu'ici elle ne les avait jamais entendus. Maud commence alors à guetter au travers des vitres du salon si quelque chose d'inhabituel se déroulait. Le fait de scruter la forêt éclairée par une lune diaphane à la loup-garou s'ajoute à une angoisse qui ne cesse de monter vers la zone rouge.
Pour se rassurer Maud allume une vieille platine disque en lançant le 33 tours laissé par les précédents locataires. Un vieux vinyle d'AC/DC qui déboule volume au max. Surprise par l'intensité sonore qui lui brise les tympans, Maud se propulse sur la chaîne stéréo proche d'une fenêtre pour mettre fin à sa torture auditive.
C'est en baissant le volume et via un bref coup d'œil aux vitres qu'elle aperçoit une forme au loin. Une forme qui bougeait et qui vient de disparaître. Le cœur de Maud accélère comme une formule 1 quitte sa grille de départ. Une chamade qui résonne dans sa nuque et lui coupe le souffle.
La peur s'installe tranquillement dans le canapé de l'angoisse.
Maud coupe la lumière et se recroqueville derrière le meuble de la chaîne. Léger temps de pondération. Elle file ensuite en rampant vers la cuisine toute proche y récupérer le plus grand couteau et un rouleau à pâtisserie de pro.
Elle se sent du coup plus rassurée. Pour peu de temps. Les chiens sont devenus muets, en revanche, elle distingue maintenant des bruits de branches qui cassent, des feuillages que l'on déplace. Il y a quelque chose c'est certain pense une Maud totalement paniquée. Un sanglier ? Non la forme était de grande taille. Une biche ? Non non, une biche aurait détalé vite fait en voyant la lumière s'éteindre. Non, et puis  la forme qu'elle avait distinguée s'était baissée lentement comme si elle l'observait.
Observer.
Maud se sent proie, panique sans pouvoir crier à l'aide, victime du même syndrome que les femmes subissant un viol, enfin reconnu par la justice depuis peu. Elle s'imagine un psychopathe sexuel malade de sa tête de pas normal lui faisant subir les pires outrages. Elle se sent prise et retournée en tous sens sans pouvoir résister à la frénésie turgescente du membre de son agresseur. Elle l'imagine aussi laid et brutal qu'un australopithèque en plein rut avec râles bestiales et grosse culbute. Glacée d'horreur elle en perd son rouleau qu'elle ne voyait plus sous le même jour...
Au même instant dehors apparaît dans la forêt une lumière intense. Une boule d'un feu si coruscant que Maud pense que quelque chose vient de rentrer en fusion. Des images déferlent en tsunami dans sa boîte à neurones. Terminator, Alien, Mickey et Minnie en voiture… ??? L'image est tellement décalée du contexte qu'elle y revient Maud au contexte, et vite fait.
Au loin elle perçoit des râles aux graves effrayants semblant provenir d'un monstre ou d'un pas stable de la caboche en pleine parade nuptiale de son point de vue.
Le cœur de la miss ne sait plus où donner de l'artère.
Ça bat dans tous les sens si fort que la pauvrette manque de s'évanouir à chaque seconde. C'est l'instinct de survie qui prend le relais la maintenant encore debout près de la porte d'entrée et de celle de la cuisine. La chose est debout elle aussi et elle approche avec une démarche entre le zombie et l'abus de mojitos. C'est bien une forme humanoïde mais avec des bras très écartés, la tête penché sur le côté et une marche grave lente. L'équivalent de faire glisser des patins pour parquet sur un tapis en velours à grosses côtes. Dur.
 Là aussi c'est dur pour la chose qui hurle de plus en plus fort d'effrayants sons guturaux à en glacer le sang chaud d'un danseur de flamenco.
La porte ! La porte d'entrée !! Elle a oublié de la verrouiller et c'est justement vers elle que la silhouette lugubrée de noir se dirige. Il est trop tard la poignée commence déjà son mouvement vers le bas lentement, l'affreuse créature peinant visiblement à l'ouvrir.
La chose qui braille à peine entrée se plante lamentablement sur le sol comme de la purée après une chute libre. Les râles augmentent même si dans ce cas il s'agit de la douleur de l'instant. De la douleur il y en a ailleurs. Maud  en tentant de s'échapper par l'entrée dérape sur un reste de peinture de sa dernière création. Le sol en marbre la fait  glisser comme une patineuse chute en baleine échouée en plein championnat. Maud est face à l'horreur.
C'est pire que ce qu'elle croyait. Elle pense à une quasimodo passé au brasero.
L'indicible bizarrerie pue terriblement, une odeur pestilentielle à en vomir, pire qu'une station d'épuration saturée. La moitié de son crâne est chauve, l'autre non avec ce qui ressemble à des cheveux ayant pris un coup de chaud devenu tout crépus. L'œil droit est exorbité et rouge sang tandis que des petits lambeaux de peaux du cou ont été arrachés d'où cette tête penchée sans doute pour réduire la douleur. Toute la face avant est comme caramélisé. En revanche derrière tout est nickel y compris ce qui ressemble à des oripeaux de costume. Maud bondit de dégoût et recule pendant que la merguez de l'espace titube vers sa direction.
Maud crie.
Le monstre aussi.
Maud re-crie.
Le monstre aussi.
Les voisins crient… Ah non… Pas en ce week-end du 15 août, y'a plus personne aux alentours...

Au bout de trois heures d'échanges de vociférations aussi pénibles qu'un match à Roland-Garros en plein cagnard, les deux braillards calment le jeu.
L'affreux enchaîne,
- Araghmag neneuf maomomo memeumeod !! Tout en avançant le bras droit pour lui montrer quelque chose. Évidemment vu la scène ambiante Maud fait la farouche même si c'est une sacrée coquine à la base. Elle farouchise tellement qu'elle prend le temps de regarder le bout du membre de son Frankenstein de l'espace.
C'est le choc total.
Bouche bée bien que bavarde de nature, un flash l'illumine dans une zone que son cerveau avait presque effacé. Son mariage. Mais surtout l'alliance de son mari. Elle la reconnaît, le pense mort la voyant portée par cet annulaire du cosmos. Maud fond en larmes aussi vite que le compte en banque d'un acheteur compulsif. Le pas gâté de la nature reprend ses onomatopées,
- Mmmffffmfmfm mameo mmooo maom deudeu maud !
Son prénom, le fétide bidule vient de prononcer son prénom. C'est la stupéfaction totale, Maud fronce les soucils, cherche à comprendre. C'est en fixant son regard longuement, enfin l'œil gauche, que tout s'éclaire.
- jean Hubert c'est toi ? dis chaton c'est toi ?
- mfmfommoui
- Mais qu'est-ce que tu fous là ? Qu'est-ce qu'il t'est arrivé, oh mon dieu mon chéri mon chaton mais dans quel état tu es…. Qu'est-ce que tu pue… t'inquiète je vais m'occuper de toi.
Maud soulagée de constater qu'il ne s'agissait que de son mari reprend les rênes du couple et contacte le SAMU. Jusqu'à leur arrivée elle n'avait cessé d'étreindre son attachiante moitié, surnom du jean-hub.
Hosto.
Ce n'est qu'après quelques jours de crème réparatrice pour brûlures, que son chouchou chiant put articuler de nouveau. Maud compris alors la mésaventure de sa moitié.
Elle avait oublié que son dernier jour de location était aussi le premier de sa vie. En l'occurrence son quarantième anniversaire. Jean-hub voulait lui faire une surprise en décidant de la rejoindre incognito pour lui faire la totale des amoureux. Il avait même acheté un kit de feu d'artifice pour la surprendre en pleine nuit à 3h17 heure de sa naissance.
Il lui explique qu'il avançait caché dans la forêt tout en préparant son installation à l'arrache de peur de rater l'horaire fatidique. Un énorme feu de Bengale semi-automatisé, vingt fusées bien calées dans un parallélépipède en carton compressé en guise de lanceur. Tout allait pour le mieux quand une bourrasque fit tomber un bout de branche morte sur le déclencheur du système, dont une bonne partie lui explosa à la figure. Le souffle de l'explosion le propulsa sur un nid de coronelle. Un serpent non venimeux mais hyper flippé. Tellement stressée la couleuvre, que lorsqu'elle sent prise au piège, en l'occurrence le séant de jean-hub, elle défèque un liquide si nauséabond qu'il en fait fuir n'importe quel prédateur. Liquide de toute une petite famille dans lequel il avait copieusement trempé. Une matière visqueuse qui l'avait protégé de graves brûlures par ses effets protecteurs instantanés. Les bouts de peaux qui manquaient n'étaient que superficiels gage d'une cicatrisation rapide.
Pas de soleil, pas de plage pour jean-Hubert, mais peu importe, il est heureux. Il baigne sous les rayons du sourire lumineux de Maud qui termine son dernier triptyque avec lui comme modèle avant, pendant, et après l'accident.
Trois tableaux et six mots incrustés à peine visibles : Back from hell, Back to love. Oui le love qu'elle avait un peu mis de côté, cette fois-ci elle ne s'en éloignera plus.

  • Quelle imagination ! Une fois de plus tip top, bravo ! bises

    · Il y a plus de 6 ans ·
    Ade wlw  7x7

    ade

  • Obligée d'arrêter la lecture au milieu du texte tellement je pleure de rire !... :-)))

    · Il y a plus de 6 ans ·
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    Maud Garnier

  • Wouiiii ravie je le suis !... et pliée de rire !... je l'ai relu plusieurs fois toujours en me marrant en cherchant les mots que je t'avais donnés... défit relevé haut la main ! T'es un grand malade, mais j'adore ! Quelle imagination ! Et quel talent ! Merci merci pour ce cadeau Christophe ! Je te fais de grosses grosses bises :-) alllez je me le relis encore une fois ce délire !.. :-))

    · Il y a plus de 6 ans ·
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    Maud Garnier

    • Merci maud t dgentille :) me suis bien amusé en ce moment j ai envie d ecrire pour sourire voire rire au début je voulais partir sur un truc noir et pis non pouf c est de lire le truc sur la couleuvre m a fait partir sur autre chose, et australo et le coruscant ben pas fastoche à placer ! Surtout qd ya du flamenco qui vient jouer les trublions ! Bises merci pour ton soutien, re bises

      · Il y a plus de 6 ans ·
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      Christophe Paris

    • Tu t'en es sortie avec brio !.. "coruscant" c'est un deal avec des amies qui doivent le placer dans des textes de temps a autre :-) et ton textes l'est "brillant" :-D re bises

      · Il y a plus de 6 ans ·
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      Maud Garnier

  • Eh bien Christophe tu t'es bien amusé. ..et avec un bel imaginaire et du talent...elle va être ravie Maud. :)

    · Il y a plus de 6 ans ·
    W

    marielesmots

    • T djentille MLM :) merci de ton passage tes mots toujours gentils, ta bienveillance, et ben c chouette dans ce monde de brutes bises encore trois à écrire et après hop! lèqueture :) bies ainormes wiz bras zautour !

      · Il y a plus de 6 ans ·
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      Christophe Paris

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