L'ombre partie 3 suite

-nicole-

Ça y est ! Tu es réveillée ! Tu te retrouves dans ton lit de malade, trempée de sueur et gluante de bave, les yeux fous et la respiration haletante. Je devine que tes sphincters ont lâché : Tu pues la peur, la merde et la mort, ma Mère et dans la pénombre de ta chambre Tu nous devines Haine et moi. Elle se remet à chantonner, doucement, d'une voix sourde, cette fois-ci :

-  « Un deux trois
la morte c'est toi
quatre cinq six
tes filles et tes fils
sept huit neuf
ce n'est pas du bluff
dix onze douze
boiront ton sang rouge ! »

Tu comprends ma Mère ? Tu as perdu ton aura, ta superbe. Tu n'es plus qu'une petite chose recroquevillée, fragile, puante et inutile. Je vois les pensées défiler dans ton cerveau malade : Tu te révoltes encore, Tu voudrais me crier de me taire, Tu voudrais m'insulter. Essaie donc ! Vas-y ! Tu ouvres la bouche et … rien, les mots ne se forment plus, les syllabes sortent en désordre, ça ne veut rien dire ma Mère et je ris ! C'est tellement drôle ce décalage entre la fureur qui jaillit de tes yeux et cette soupe de sons que Tu craches.

Ton regard ! J'y lis une violence, une colère ! Tu sais que ça te détruit ? Pas aussi sûrement que les caresses de Haine, mais la tension qui augmente dans tes veines peut à tout moment faire exploser un autre vaisseau dans ton crâne… Cela ne suffit pas à te calmer ? J'ai besoin de te parler ma Mère, j'ai besoin que Tu m'écoutes enfin et que Tu t'expliques. Tu es encore la déesse qui fait de mes jours un enfer depuis que je ne suis plus la petite fille soumise et silencieuse que Tu cajolais parfois. J'ai besoin de te faire descendre de ton piédestal et de le briser  pour que Tu ne puisses plus jamais y remonter. J'ai besoin de te tuer, au moins symboliquement. Alors Tu vas enfin faire attention à moi car je tiens ta vie entre mes mains et celles de Haine et ça, ce n'est pas symbolique.

Tu t'es figée, Tu es prête à m'entendre ? La peur a agi comme une lance à incendie : le feu de ton ire a reculé te laissant sonnée, dégoulinante et transie. Alors voilà Mère, je te hante depuis si longtemps maintenant que je ne sais plus faire autrement que de glisser entre les vivants sans les toucher et ça fait mal ! Terriblement mal. Tellement mal que je pourrais me transformer en une bête sans âme et déchiqueter tous les êtres qui auraient le malheur de croiser mon chemin. Tu sais qu'à cause de toi je hais les autres, ceux qui peuvent recevoir ton amour, qui ont le droit à tes caresses et à tes mots gentils. Comme personne ne me parlait j'ai cessé d'être audible, comme personne ne me regardait, j'ai cessé d'être visible et comme je n'avais pas de nom, j'ai cessé d'exister, j'ai perdu ma substance. Tu es la seule à me percevoir à présent, même les mouches ne s'envolent plus lorsque j'approche. Pourquoi Mère ? Pourquoi m'as-tu fait cela ?

à suivre...

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